Actusf : Qu’est-ce qui te fascine chez les vampires mais aussi chez les Loups Garous et autres créatures mythologiques ?
Jeanne-A Debats : Le monstre m’a toujours fascinée en ce qu’il révèle à la loupe grossissante l’homme dans la peau de la bête. La mythologie pas tout à fait judéo chrétienne montre cela. Les dieux grecs par exemple n'étaient que des "hommes plus" qui avaient seulement les moyens d'obtenir ce qu'ils désiraient, en dépit de l'éthique ou la morale ou ce qu'on voudra. Ils ne sont pas parfaits (Zeus passe son éternité à courir le jupon déguisé jusqu'au ridicule sublime. Il trompe en permanence sa femme qui est clairement désignée comme une harpie pénible, ainsi que le sont toutes les femmes qui osent se révolter contre le pouvoir mâle et les avanies qu'il leur fait subir. L'actualité "littéraire" le démontre assez en ce moment.). Les dieux, les monstres, sont parfaits en ce sens qu'ils sont totalement humains en fait, alors que le dieu de la Bible présente (en tout cas tente de présenter) une perfection morale impossible à atteindre et sans doute peu souhaitable en termes d'intérêt pour la vie (je veux dire qu'on doit se faire sacrément suer au paradis à écouter Liszt ou la Mélodie du bonheur pour l'éternité).
Les créatures fantastiques tels que les loups-garous et les vampires me semblent être la tentative judéo-chrétienne d'échapper à l'ennui délétère de la perfection angélique. Alors, je déconne peut-être mais en tout cas, ça me fait rire d'utiliser les choses comme cela.
C’était tout mon propos dans le roman Métaphysique du Vampire, ma première histoire de Navarre (un des personnages que l’on croise dans ce roman et qui est un vampire) qui commence par « C’est un monstre inhumain » (et Navarre de rêver d’égorger aussi sec le prochain qui lui sort cette ânerie). Le monstre, c’est l’homme exagéré, mais l’homme toujours, et j’ai toujours bien aimé les hommes…
Plus que les dieux.

Jeanne-A Debats : Dans le désordre, Stocker, bien sûr et Ann Rice (j’adorerai Lestat dans les siècles des siècles et Navarre est un de ses cousins), Wolfen (pour Jack Nicholson) mais surtout j'ai mis en place un syncrétisme total qui se rapproche plutôt de l'oeuvre de Gaiman. Dans le monde de Navarre, TOUT existe. Tous les rêves, toutes les terreurs de l'humanité côtoient la réalité consensuelle dans ce que j'appelle l'Altermonde, au point que même la physique quantique n'est qu'un épiphénomène de ces présences fantomatiques.
Actusf : Comment est née l’idée de ce roman ?
Jeanne-A Debats : Ce roman est né d’une première phrase “Quand je ne bois pas, je vois des fantômes, et quand je vois des fantômes, je me bourre la gueule au lagavullin, pure malt 18 ans d’âge » je ne savais pas où j’allais mais j’aimais ce renversement du délirium. Ensuite, j’ai su qu’il était évident que cette histoire se situerait dans « Le monde selon Navarre », mon vampire récurrent qui d’ailleurs y tient un bon second rôle; ensuite, cela faisait longtemps que je n’avais pas créé d’héroïne adulte et voilà…
En tout cas, cette fameuse phrase sera sûrement l'incipit du deuxième tome, opus, nouvelle, tout ce que vous voudrez.
Actusf : Peux-tu nous présenter ton héroïne ?
Jeanne-A Debats : Mon héroïne, c’est la voisine, ni badass ni barbie. c'est une fille normale qui fait avec ce qu'elle est, ses terreurs ses névroses et qui deale pragmatiquement avec elles et le monde. Elle a subi des épreuves dans sa vie mais ce n’est pas cela qui l’a formée, elle est très solide dans sa fragilité physique. Ce n'est pas une Sookie Stackhouse ou une ado en révolte qui exerce pourtant tous les choix conservateurs possibles (oui je vise twilight), c'est une fille qui tente d'être aussi désespérément libre que possible et du coup, c'est un peu.. moi. Navarre aussi du reste, est un peu -- beaucoup -- moi.
Actusf : Elle travaille dans un cabinet notarial un peu spécial. Comment t’en es venu l’idée ?
Jeanne-A Debats : Ca me paraissait évident que si le monde alternatif croisait d'aussi près les humains, il devait se frotter à l'aspect juridique de la question. Apprendre à passer un marché avec les lois humaines ou tout simplement utiliser cet aspect juridique à ses propres fins. L'Héritière est conçu comme un one shot, mais il fait partie d'un univers que j'ai baptisé testaments (j'ignore encore si je le développerai en romans ou en nouvelles) qui traitera de cela. Le cabinet de Géraud et Géraud lui-même m'ont paru parfaits pour gérer l'ensemble.
Actusf : Paris a une place toute particulière dans ton livre. Quel est ton rapport à cette ville et aux lieux que tu visites dans l’histoire ?
Jeanne-A Debats : Paris, c’est MA ville. J’y ai grandi, je l’aime, j’adore ses hivers, ses étés, ses rues obscures ou grandioses, ses couleurs et celles de ses gens. Un grand nombre de mes histoires de SF ou d’autres genres se situent à Paris ou dans ses environs (Plaguers, La Ballade de Trash, mais aussi une bonne dizaine de nouvelles). Paris est donc central dans cette histoire, parce qu'elle est centrale dans ma vie et que j'aime aussi parler de ce que je connais bien. (même si je n'hésite pas à ouvrir le bec sur des sujets où mon avis ne vaut pas un kopeck, il faut bien s'amuser parfois) (souvent).
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