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Interview de Jo Walton sur Morwenna
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Interview de Jo Walton sur Morwenna

Actusf : La France vous découvre en ce moment avec votre roman Morwenna. Quels sont vos auteurs favoris ? Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire de la science-fiction ?
Jo Walton : Mes auteurs favoris... voilà une question dangereuse ! Quelle place avez-vous ? Car je pourrais en parler toute la journée ! J'en ai des tas. À chaque fois que je commence une liste, elle n'en finit plus de s'allonger. Comment pourrais-je ne pas inclure Robert Heinlein ? Ou Georgette Heyer ? J'ai du mal à faire un top 10 ou même un top 20. Et que signifie « favoris » ? Des auteurs dont j'attends les livres et que j'achèterai en un claquement de doigts, comme Lois McMaster Bujold, Rosemary Kirstein ou C.J. Cherryh ? Mais cela laisse de côté les auteurs décédés comme Tiptree, Heinlein ou Austen ! Des gens dont j'ai lu les livres plus d'une dizaine de fois comme Tolkien, Mary Renault ou George Eliot ? Mais cela ne prend pas non plus en compte de nouveaux écrivains géniaux comme Ada Palmer, Sofia Samatar ou Daniel Abraham. J'ai vraiment beaucoup de favoris. Et je suis très mauvaise à établir des listes. Je tiens une rubrique sur le blog de Tor.com concernant les anciens livres, si cela vous intéresse de connaître mon opinion. Certains de ces billets ont été récemment rassemblés dans un livre au titre très sérieux de What Makes This Book So Great.
 
J'ai choisi d'écrire de la SF – enfin, plutôt de la fantasy dans mon cas. J'ai choisi d'écrire des littératures de genre parce qu’il me semble que, quand on raconte une histoire, cela implique de poser des questions et ensuite d'y répondre. Et je trouve que les questions les plus intéressantes entraînent des réponses qui se situent dans un spectre bien plus large que la littérature blanche ne le permet. Si je demande si les fées existent ou si cela vient de l'imagination de mon personnage, cela m'intéresse bien plus si les fées sont bien réelles !
 
 
Actusf : Comment vous est venue l'idée de ce livre ? 
Jo Walton : J'habite à Montréal et, jusqu'à récemment, mes livres n'étaient publiés qu'en Amérique du Nord. Beaucoup de gens là-bas pensent, bizarrement, que le Pays de Galles est un endroit magique – mais il est autant magique que n'importe quel endroit. J'ai donc écrit un article sur mon blog à propos des paysages qui m'ont vu grandir, des paysages post-industriels, et énormément de gens m'ont indiqué en commentaires que cela pourrait faire un roman. Une de ces personnes étaient Michelle Sagara, une auteure de fantasy américaine. J'étais en train de préparer à manger, réfléchissant à l'absurdité de la chose : cela ne pouvait pas être un roman et Michelle aurait dû le savoir mieux que quiconque, elle qui est écrivain elle-même. Cela ne ressemblait pas à un roman. Et j'y ai tellement réfléchi que j'ai fini par trouver un moyen d'en faire un roman. Et je l'ai écrit.
 
 
Actusf : Pouvez-vous nous décrire Morwenna Phelps ?
Jo Walton : C'est une adolescente d'une quinzaine d'années dont le monde s'est effondré et elle doit trouver un moyen de vivre dans celui où se trouve à présent. Je pense que c'est quelque chose de commun à beaucoup d'adolescents – ils viennent de perdre leur enfance et doivent arriver à être eux-mêmes dans leur vie d'adulte. Mais cette vie-là, ils ne l'ont pas encore et souvent ils ne savent pas s'ils sont sur la bonne voie pour y parvenir. C'est un état intermédiaire, liminal, difficile et douloureux à négocier. Pour elle, c'est un peu plus littéral que pour la plupart des gens – sa sœur a été tuée et on l'a obligée à retourner à l'école. Elle ne s'y sent pas bien du tout et elle va devoir décider qui elle est et qui elle peut être.
 
 
Actusf : Morwenna est née la même année que vous. C'est un peu la Jo Walton adolescente ? Est-ce votre roman le plus personnel ?
Jo Walton : C'est mon roman le plus personnel, et oui il y a beaucoup de moi adolescente dans Morwenna. Les romans existent tous et la manière dont les livres l'aident à comprendre le monde est vraie également. Mais je l'ai écrit alors que j'avais quarante-cinq ans et avec pas mal de recul sur la manière dont j'étais quand j'avais son âge. J'ai aussi eu l'expérience d'être la mère d'un adolescent. À mon avis, ça m'a beaucoup aidée. S'il peut se lire comme un journal intime, c'est parce que j'en étais assez éloigné pour pouvoir le faire. C'est étrange comme parfois les gens, en lisant le livre, pensent me connaître et me voient comme leur meilleure amie.
 
 
Actusf : Dans le livre, il est question d'un grand nombre de romans de SF et de fantasy. Est-ce votre bibliothèque idéale ?
Jo Walton : C'est ma bibliothèque idéale quand j'avais quinze ans – j'ai grandi depuis et mes goûts se sont affinés, si pas nécessairement changés. Elle aime certaines choses – Anne McCaffrey, Piers Anthony – avec qui j'ai grandi. Cela ne m'est jamais venu à l'esprit que l'on s'en servirait des livres cités comme liste de lecture. Certaines personnes ont réalisé une bibliographie à partir du roman, et il y en a même une en français ! Cela m'a surpris que des gens puissent vouloir faire ça mais c'est super qu'ils l'aient fait.
 
 
Actusf : Vous avez gagné beaucoup de prix. Sont-ils importants pour vous ?
Jo Walton : Oui. C'est chouette d'avoir cette sorte de reconnaissance, montrant que le livre importe à d'autres gens. J'ai été surprise et ravie des retours que j'ai eu d'autres écrivains ou des lecteurs. Encore maintenant, parfois, je regarde au Hugo sur mon bureau et je n'arrive pas à croire qu'il est réel. Je n'écris pas pour recevoir des prix, et je ne fais pas campagne pour les obtenir – ce serait complètement fou. Je n'y pense pas. Mais c'est merveilleux d'en recevoir.
 
 
Actusf : Morwenna est votre premier livre paru en France. Pouvez-vous nous parler des précédents ? King's Peace, Small Change, Tooth and Claw ?
Jo Walton : Mes trois premiers romans se déroulent dans le même monde de fantasy, une Bretagne et Irlande alternatives du sixième siècle. Ils découlent de réflexions sur la fin du monde romain, sur l'avantage du féodalisme sur l'esclavage, sur le développement des villages et du déclin des villes, et sur le fait que les Français, Italiens et Espagnols parlent des langues dérivées du latin, chose qu'ont perdue les Britanniques. Si vous pensez au gallois, c'est une langue très étrange, une langue celte mais avec beaucoup de latin.
 
Tooth and Claw, mon roman qui a remporté le World Fantasy Award, est un roman victorien sentimental où tous les personnages sont des dragons qui se mangent entre eux. Je me suis beaucoup amusée avec eux, ils sont à la fois un peu effrayants et charmants.
 
La trilogie Small Change est de l'uchronie pure. Elle se déroule dans un monde où le Royaume-Uni a conclu la paix avec le IIIe Reich en mai 1941, après avoir tenu le coup un an après la chute de la France mais sans qu'aucun allié ne se manifeste. Les livres parlent du fascisme rampant. Le premier, Farthing, sera publié sous peu en France (NdT : dans la collection Lunes d'encre de Denoël).
 
 
Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Jo Walton : Mon prochain livre sort dans quelques semaines, My Real Children. Il parle d'une femme atteinte de démence qui se souvient de deux vies complètement différentes.  En 1949 elle décida si elle allait accepter ou non une demande en mariage. Sa vie s'est séparée à cet instant, et le livre en fait de même. On la suit à travers ses deux vies complètement différentes dans deux versions différentes de la deuxième moitié du XXe siècle.
 
Un autre livre sortira en janvier 2015, The Just City. C'est un roman de fantasy avec des voyageurs temporels et des dieux grecs instaurant la République de Platon. Je suis en train de travailler sur sa suite, The Philosopher Kings.
 

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