Actusf : Comment est née l'idée de ce livre ?
Jonathan Stroud : En fait j'avais plusieurs envies. D'abord, je voulais travailler sur quelque chose de très différent de Bartiméus. Je voulais que la magie et la fantasy soient à la marge de l'histoire et non au cœur. Dans le même temps, je me suis intéressé au monde scandinave et à la partie "domestique" avec les histoires de fermiers, etc. J'avais également envie d'évoquer la famille et l'enfance, ainsi que le pouvoir qu'ont les histoires qu'on nous raconte lorsque nous sommes petits, que cette influence soit positive ou négative d'ailleurs. Le tout, autour de mon personnage principal, Halli. Mais là encore, je le voulais différent des héros traditionnels. Il est petit, pas très beau ni très intelligent au début du roman (rires). Ce n'est que progressivement que son héroïsme va apparaitre.
Actusf : Ce n'est pas du tout un monde classique de fantasy. Le votre est très rural. Vous vouliez être en opposition avec ce qui se fait dans le genre ?
Jonathan Stroud : Il y a beaucoup de romans de fantasy qui commencent avec un petit garçon qui s'ennuie dans un petit village, qui trouve une épée et qui part en quête... Moi je voulais un héros qui parte à l'aventure mais qui revienne tout penaud à la maison (rires). Halli n'échappe pas du tout à ce monde paysan. C'est à partir de lui qu'il devient un héros.
Actusf : Halli est d'abord dans le roman un petit garçon très remuant. Vous aviez envie que les enfants puissent s'identifier à lui ?
Jonathan Stroud : Comme tout un chacun, Halli est habité par l'idée de réaliser ses rêves. Mais il commence d'abord à se comporter comme un petit garçon de son âge faisant des bêtises. Et puis, je voulais que les petites filles puissent aussi s'identifier, elles, non pas à lui, mais à Aude, le personnage féminin du roman. Elle a aussi une part importante dans l'histoire. Je ne voulais pas avoir un héros masculin très héroïque et une héroïne qui reste dans la cuisine... (rires). C'est aussi un roman sur l'apprentissage et le passage à l'âge adulte. Dans ce genre de récit, les héros grandissent et doivent trouver leur place dans le monde, comme nous tous.
Actusf : Comment avez-vous construit votre roman ? Avez-vous d'abord pensé à Halli ou plutôt à l'histoire et à l'univers ?
Jonathan Stroud : Bonne question (rires). Chaque livre est différent, mais c'est en général le personnage que j'imagine en premier et ensuite le monde. J'ai donc en premier lieu pensé à Halli puis je l'ai intégré dans son univers : la vallée, les monstres, les histoires qui s'y racontent... Mais pour être honnête, le premier petit morceau était une sorte de nouvelle avec l'oncle d'Halli. C'était alors un fantôme et il revenait mettre le bazar dans sa famille. Je l'avais mis en ligne sur mon site et pendant un an, le texte n'a pas arrêté de changer, jusqu'à ce que progressivement la quête d'Halli devienne le cœur du roman. Globalement, ce fut un livre difficile à écrire. J'ai passé tellement de temps à écrire la trilogie Bartiméus que c'était compliqué de me plonger dans un autre univers. Au début, j'étais même en colère. Je voulais l'écrire plus vite ! Et puis je me suis raisonné. Parfois les choses prennent du temps et se construisent petit à petit.
Actusf : On parlait de l'oncle d'Halli qui lui raconte des histoires et qui le fait aussi un peu grandir. Est-ce que vous avez la même envie avec vos lecteurs, les faire grandir à travers vos livres ?
Jonathan Stroud : Oui, c'est un peu vrai ! Je n'y avais pas pensé. Les Héros de la vallée est aussi un livre sur les histoires et sur ce qu'elles apportent. Certaines peuvent vous bloquer, notamment lorsqu'on vous raconte ce qu'ont fait vos ancêtres. D'ailleurs, Halli va devoir se rebeller contre ce genre de récits et dépasser le poids de la tradition. Mais les histoires peuvent aussi avoir un rôle plus positif. Et puis je pense que les personnages sont essentiels. Ils sont des exemples pour mes lecteurs sur "comment grandir" et "comment remettre en cause ce qu'on sait". Ils montrent également que parfois on apprend de ses erreurs. Pour moi, cette capacité de remise en question est très importante. On nous raconte beaucoup d'histoires. Les politiques par exemple nous expliquent comment nous sommes anglais ou français. C'est donc primordial d'avoir sa propre opinion et de remettre en cause de temps en temps ce qu'on nous dit.
Actusf : Souvent pour les auteurs jeunesse, la relation avec les enfants est importante. Quelles sont vos relations avec vos lecteurs ?
Jonathan Stroud : Je les respecte beaucoup. C'est fondamental ! Si vous écrivez pour les enfants, vous devez respecter leur intelligence et leur imagination. Je suis toujours étonné lors des rencontres de constater la manière qu'ils ont de s'approprier mon univers. Ils savent tout ! Et parfois plus que moi... Je suis parfois un peu angoissé parce que je sais qu'un petit garçon ou une petite fille va me poser une question hyper précise sur la page 463 (rires). Je dois vraiment bien connaître mes mondes et faire très attention à ce qu'ils soient réalistes. Mais c'est un grand plaisir de partager mes univers et d'aller dans les écoles les rencontrer !
Actusf : Quand on a eu un gros succès comme le votre avec Bartiméus, est-ce que c'est facile de s'en dégager pour écrire une autre histoire ?
Jonathan Stroud : Oui c'était dur même si mon objectif n'était pas de rester avec Bartiméus pour toujours. J'étais même plutôt content de finir. Mais oui c'était difficile de me retrouver à nouveau devant une page blanche et d'imaginer quelque chose de différent et qui plaise autant aux lecteurs.
Actusf : Je crois que vous adaptez en ce moment Bartiméus pour en faire un roman graphique. Vous pouvez nous en dire plus ?
Jonathan Stroud : C'est une nouvelle aventure très excitante. Ça vient tout juste de commencer donc c'est encore un peu tôt pour en parler... Il y a deux personnes qui travaillent avec moi sur le projet, un consultant et un illustrateur. Et nous avons les cinq premières pages ! Ouf ! (rires). Je pense que ce sera un peu comme si nous faisions une adaptation cinéma. Ce sera assez différent de la manière dont je vois les choses.
Actusf : Sur votre site, vous mettez toujours pas mal de notes, de plans ou d'indices sur votre livre. Pour quelles raisons ?
Jonathan Stroud : En fait, c'est un peu comme la peinture. Les esquisses sont parfois plus intéressantes que le résultat. C'est un peu comme si vous voyiez le cerveau de l'artiste travailler, comment il a fait pour arriver à l'idée finale. Je mets donc ces notes pour les lecteurs. Cela donne des indications sur ma manière de faire et des explications sur la construction de l'histoire pour ceux que ça intéresse.
Actusf : Deux petites questions pour finir. Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Jonathan Stroud : J'ai deux ou trois projets. D'abord écrire un texte qui reprendrait des légendes du nord, et puis participer à une anthologie sur les dragons. Je ne l'ai jamais fait alors c'est assez nouveau pour moi. J'aimerais aussi faire une collection de nouvelles ou de novellas.
Actusf : On demande toujours aux enfants ce qu'ils veulent faire quand ils seront plus grands. Qu'est-ce que vous vous vouliez faire lorsque vous étiez enfant ?
Jonathan Stroud : Quand j'avais peut-être 10 ou 11 ans, je faisais déjà des livres. D'ailleurs j'en ai un dans mon sac si vous voulez voir. Je faisais des BD, j'imaginais des jeux de rôles... J'étais plus intéressé par le dessin. Mais je n'étais pas très bon. J'étais meilleurs à l'écrit (rires).
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