ActuSF : Tout d'abord, parlez-nous de vous. Quel est votre parcours dans les genres de l'imaginaire ? Vous avez toujours aimé le fantastique ou la science fiction ?
Julien Fleury : Aussi loin que je me souvienne, oui. J'ai dû en fait suivre un parcours commun à pas mal de mordus de fantastique de ma génération : j'avais dans les 10, 11 ans lorsque la vidéo a commencé à s'installer dans les foyers, et j'ai alors découvert des films comme on n'en voyait pratiquement pas sur les trois malheureuses chaînes de télé française. À l'époque, le rayon "épouvante" du vidéo club du coin dégageait vraiment, pour moi, un doux parfum aux relents de soufre ! C'est à cet âge que j'ai découvert mes premiers films de monstres, de vampires, de zombies… Vous voyez à quel point ça m'a marqué ! Je dévorais également les histoires de super-héros publiées par les Éditions Lug dans les mensuels Strange, Nova, Titans… ainsi que les BD d'horreur très macabres du style Minuit… l'heure des sorcières. Je me suis plus tard tourné vers la littérature fantastique : les fameux Livres dont vous êtes le héros pour commencer, puis les romans de Stephen King. Enfin, bien plus tard, j'ai conclu mes études en rédigeant deux mémoires sur les films de Dario Argento, mon cinéaste de prédilection.
ActuSF : Qu'est-ce qui vous a amené à être responsable de la rubrique cinéma ?
Julien Fleury : Un cheminement logique, je pense. Suite à ces mémoires universitaires, j'ai souhaité continuer à écrire sur le cinéma fantastique, et je suis devenu rédacteur pour le compte du site lefantastique.net. Il était alors animé par la même équipe que le magazine Khimaira. Au fil des chroniques, j'ai fini par publier également dans les pages de la revue. Deux ans plus tard, Christian Lesourd (éditeur de Khimaira) et Christophe Van De Ponseele (rédacteur en chef) m'ont proposé de prendre les rênes de la rubrique Cinéma, et j'ai accepté leur offre avec plaisir. Contribuer à l'essor d'un magazine aussi beau et singulier que Khimaira est un défi des plus stimulants à relever.
ActuSF : Ce n'est pas difficile à gérer cette rubrique avec un trimestriel ? J'imagine que vous devez voir les films longtemps à l'avance...
Julien Fleury : À vrai dire, le meilleur endroit pour découvrir des films en avant-première et, par la même occasion, rencontrer leurs réalisateurs, ce sont les festivals. Les films sélectionnés sont souvent projetés des mois avant leur distribution en salles. Cette année, Khimaira a couvert le festival de Gérardmer et sera aussi présent en avril au BIFFF de Bruxelles. Cela nous permet de donner aux lecteurs un avant-goût de pas mal de films et d'y revenir au moment de leur sortie. À côté de ça, deux ou trois pages par numéro sont consacrées à des articles rétrospectifs intégrés au dossier thématique central. Maintenant, pour un suivi "à chaud" de l'actualité des sorties, il y a le tout nouveau site khimaira-magazine.com, qui tourne avec la même équipe rédactionnelle et propose des chroniques et des news mises à jour au quotidien.
ActuSF : Apparemment il y a de nombreux films et dessins animés qui sortent en DVD et au cinéma. Est-ce une illusion ou trouvez-vous qu'effectivement il y a une grosse production ? Et qu'est-ce qui selon vous attire le public vers ce genre de films ?
Julien Fleury : En ce moment, la tendance est aux films 100% horreur, qui donnent à fond dans la violence et le gore. Je pense par exemple à Saw, à Hostel, aux remakes de La Colline a des yeux et de Massacre à la tronçonneuse, ou encore à des survivals assez éprouvants comme Calvaire ou The Descent. Pourquoi le public se tourne-t-il vers ce genre de films ? Je ne me hasarderai pas à faire des hypothèses hasardeuses sur les motivations des spectateurs mais, personnellement, je trouve que c'est un sursaut salutaire contre le second degré qui était de mise dans les années 1990, notamment à cause de la série des Scream.
Quant aux dessins animés, la situation actuelle tranche avec celle d'il y a encore 15 ans, quand Disney régnait presque sans partage sur le marché. Même l'indépendant Don Bluth, dans les années 1980-90, faisait des films "à la Disney". Aujourd'hui, l'animation japonaise connaît un grand succès grâce à des auteurs tels qu'Hayao Miyazaki, Satoshi Kon et bien d'autres. En Grande-Bretagne, les studios Aardman ont accompli le tour de force de mettre l'animation image par image au goût du public avec leurs courts et longs métrages (les Wallace et Gromit, Chicken Run). La France a aussi emboîté le pas avec les films de Michel Ocelot ou des productions comme Renaissance, sorti l'an dernier. L'éventail de genres et de styles proposés dans l'animation est beaucoup plus large qu'auparavant. C'est sans doute pourquoi il y a davantage de spectateurs – notamment adultes – dans les salles.
ActuSF : Parlons un peu du numéro 10 de Khimaira, au niveau cinéma, qu'allons-nous trouver dans les pages du magazine ?
Julien Fleury : Ce numéro 10 est un "spécial Asie fantastique". On y trouve donc une belle rétrospective des cinémas fantastiques japonais et coréen, ainsi qu'un panorama des longs métrages de japanimation exploités en salles depuis une quinzaine d'années. Hors dossier central, nous proposons un reportage sur l'édition 2007 du festival de Gérardmer (avec une interview du vainqueur du Grand Prix), un aperçu du remake du génialissime The Wicker Man de Robin Hardy (un de mes films fétiches) et la traditionnelle rubrique Nickélodéon, dans laquelle Olivier Ruol revient sur une figure emblématique du fantastique. Lon Chaney est à l'honneur pour ce numéro d'avril. Enfin, quelques mots sur les prochains épisodes des grandes sagas US, par exemple Pirates des Caraîbes ou Shrek, troisièmes du nom.
ActuSF : Vous signez un gros article sur le cinéma asiatique. Se porte-t-il bien aujourd'hui en fantastique ?
Julien Fleury : L'article n'est pas de moi, mais de Julie Proust Tanguy, qui vient d'intégrer l'équipe du magazine. Le fantastique asiatique se porte en effet plutôt bien, même s'il connaît, depuis deux ou trois ans, quelques difficultés à se renouveler. Des titres comme The Host (Corée) tendent heureusement à prouver que le cinéma d'épouvante asiatique est capable de s’affranchir des histoires de fantômes qui ont fait sa renommée actuelle. Grâce à leur originalité de ton, le fantastique, le polar et l'animation asiatiques sont aujourd'hui incontournables en Occident. Un succès phénoménal car c'était une cinématographie quasi absente de nos écrans il y a encore dix ou quinze ans ! Si l'on excepte les productions de karaté ou les films de sabre jadis distribués en France dans de petits circuits, le premier déclic a dû être la distribution, au milieu des années 1990, de la filmographie complète de John Woo. Le deuxième ? La sortie de Ring d'Hideo Nakata en 1998. C'est le film-matrice du "kwaidan eiga" moderne.
ActuSF : Quelles sont les grosses sorties à attendre dans les prochains mois selon vous ? Les films qu'il ne faudra pas louper ?
Julien Fleury : Black Sheep de Jonathan King, venu de Nouvelle-Zélande, a fait forte impression au dernier festival de Gérardmer. C'est un petit bijou à ne pas manquer. La date précise de sortie n'est pas encore fixée, mais il devrait être assez vite dans les salles. Pour les amateurs de chair, Hostel 2, toujours signé Eli Roth, doit aussi sortir cette année. Je suis aussi très impatient de découvrir Mother of Tears, le dernier Dario Argento, qui est prévu pour cet automne en Italie. J'espère qu'il sera facilement visible en France. Et puis Spider-Man 3, qui sort le 2 mai. Sam Raimi a fait un travail formidable sur cette série de films, qui n'ont vraiment plus rien à voir avec le côté un peu cucul et puéril d'adaptations plus anciennes de comics au cinéma.
ActuSF : Allez dites-nous en plus, vous travaillez sur quoi pour le prochain Khimaira ?
Julien Fleury : Eh bien justement, le prochain Khimaira sera consacré aux super-héros, avec notamment un gros article sur ces étranges gars en collant au cinéma. Mais il comportera aussi un second dossier thématique, dédié à Harry Potter, à l'occasion de la sortie dans les salles en juillet du cinquième volet. Plus une interview riche en anecdotes d'Irvin Kershner, qui revient sur son expérience de tournage de L'Empire contre-attaque. Mais je m'arrête là car il faut quand même laisser aux lecteurs quelques surprises !
La chronique de 16h16 !