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Interview de Kim Stanley Robinson
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Interview de Kim Stanley Robinson

Actusf : Comment est née l’idée du Rêve de Galilée ?
Kim Stanley Robinson : L'idée de Galilée visitant le futur lointain a surgi de nulle part, d'une seule image : Galilée regardant à travers son télescope puis se retrouvant sur l'une des lunes de Jupiter qu'il était en train de contempler. C'était une idée un peu folle mais elle m'est restée car il semblait y avoir une histoire complète derrière. Pour comprendre ce que cela voulait dire, il me fallait écrire le livre.

Actusf : Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette période cruciale pour la science ?
Kim Stanley Robinson : Quand je faisais des recherches pour mon roman Chroniques des années noires, j'ai beaucoup lu sur la révolution scientifique afin de pouvoir décrire une révolution alternative, dans un monde sans Européens. Durant le processus, je me suis aperçu que la véritable révolution scientifique était un sujet important que pouvait aborder un auteur de science-fiction. Si vous vous intéressez à la science, les questions qui surgissent sont « qu'est-ce que c'est ? » et « comment cela a-t-il commencé ? ». Je me suis donc passionné pour cette période et j'ai décidé qu'un jour j'écrirai quelque chose sur ce sujet, une histoire qui y prendrait racine. En y réfléchissant, Galilée m'est apparu comme un personnage clé et il était évident qu'il fallait écrire sur lui.

Actusf : Comment avez-vous imaginé Galilée ? Est-ce difficile de mettre en scène un personnage historique ?
Kim Stanley Robinson : D'une certaine manière, c'est plus facile que d'écrire sur un personnage de fiction car vous avez, au départ, en votre possession une somme d'informations à partir desquelles vous pouvez imaginer la suite. Il faut dépasser l'inquiétude de placer des mots et des pensées dans la bouche et la tête d'une personne réelle, chose que je n'ai pas réussi à faire pendant longtemps. Mais cela m'a finalement frappé que, si la personne est décédée, essayer d'imaginer de nouveau son mode de pensée peut être une manière de la commémorer, si cela est fait dans un bon esprit. Aucun mal ne peut lui être fait. Je suis donc passé outre mon inquiétude : Galilée était très attrayant, pas uniquement en tant que figure historique, mais également comme personnage de roman.

J'ai pu l'imaginer en lisant tout ce qui avait été écrit par lui et sur lui, en anglais. Cela fait deux ou trois étagères remplies de livres qui valent le coup, pas trop gros mais très instructifs et divertissant. Galilée a une écriture caractéristique et révélatrice, ce qui a beaucoup aidé. Tout comme les lettres de sa fille, qui ont été compilées dans un livre très connu en Italie. Alors que ma perception de lui grandissait, j'étais de plus en plus confiant d'être capable d'imaginer ce qu'il pourrait dire ou faire dans des situations inédites. C'était un grand personnage, presque lyrique, relativement ouvert d'esprit et facile à comprendre. Un vrai cadeau pour un écrivain, vraiment. J'ai vraiment appris à l'apprécier.

Actusf : Il est paru en anglais en 2009. Quel regard portez vous dessus avec le recul ?
Kim Stanley Robinson : Je l'aime beaucoup. Je trouve qu'il capte une vision de Galilée qui le rendra vivant aux yeux du lecteur, contrairement à d'autres livres sur lui. Je l'apprécie aussi en tant que roman de science-fiction qui parle des débuts de la science et de ses effets sur l'histoire, la vraie et celle possible, dans le futur.

De plus, c'est à partir de ce roman que j'ai commencé à écrire mes textes à l'extérieur, dans le jardin devant ma maison. C'est aussi lui qui m'a sorti de ma trilogie se déroulant à Washington DC. (Les Quarante Signes de la pluie, Cinquante degrés au-dessous de zéro et Soixante jours et après) pour m'amener dans la période faste d'écriture qui continue encore aujourd'hui (Le Rêve de Galilée, 2312 et Shaman). Je pense que la propension de Galilée à travailler dur, quoi qu'il arrive, a été une vraie  inspiration. Donc oui, j'aime ce livre.

Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Kim Stanley Robinson : J'écris un nouveau roman de science-fiction qui parle d'un vaisseau multi-générationnel en direction d'une des étoiles les plus proches.

Actusf : Est-ce que vous reviendrez sur Mars dans un de vos prochains romans ?
Kim Stanley Robinson : Non, j'en ai fini avec Mars. Les romans ont tous une fin et ceux-là en ont eu une bonne.

Actusf : Comment êtes-vous passé à de la SF pure et dure de votre trilogie martienne à de l'anticipation écologique ? Y a-t-il eu une quelconque prise de conscience ou volonté de s'engager écologiquement ?
Kim Stanley Robinson : C'est un vrai engagement politique, si vous voulez le présenter ainsi. Mais je voudrais préciser que la question semble impliquer que c'est simplement une préférence politique comme une autre, un peu comme un candidat X contre un candidat Y, ou un parti politique comme les Verts. On peut effectivement ne pas en tenir compte et vivre quand même, mais il est préférable d'y prêter attention, afin de changer son comportement pour qu'il puisse s'intégrer à la biosphère qui subvient à nos besoins. C'est quelque chose que doit faire n'importe quelle civilisation, afin de survivre. Nous sommes totalement pris en charge par la biosphère de la planète, nous sommes des « bulles de la Terre » et nous vivons ou mourons selon notre réaction face à ça. L'écologie, c'est simplement la réalité. Et on ne peut pas échapper à la réalité, en fiction ou ailleurs.

Actusf :
Avez-vous des astuces en tant qu'écrivain ?
Kim Stanley Robinson : Bien sûr, toutes sortes d'astuces : certaines conscientes et explicites, d'autres, inconscientes, qui font partie du métier et que j'ai assimilées au fil des ans. J'essaye de continuer à apprendre et, comme chaque nouveau roman apporte son lot de challenge, je n'ai pas vraiment le choix. C'est un processus très intéressant et j'espère que je trouverai d'autres astuces !

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