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Interview de Louise Joor sur Kanopé
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Interview de Louise Joor sur Kanopé

Actusf : Pouvez-vous retracer votre parcours et nous indiquer comment vous en êtes arrivée à la BD ?
Louise Joor : J’ai toujours eu un pied dedans. Mon père a été libraire spécialisé BD pendant des années avant de devenir éditeur et ma mère dessine beaucoup. J’ai donc toujours eu des bande dessinées à la maison et appréciait énormément cela. Je crois que c’est vers 16-17ans que j’ai vraiment décidé que j’avais envie de faire de la BD et je me suis inscrite à l’institut Saint-Luc à Bruxelles en section bande dessinée où j’ai passé 3 très bonnes années et fait de belles rencontres.

Ensuite j’ai envoyé dossier BD sur dossier BD aux différents éditeurs en espérant qu’une de mes histoires les intéresserait. C’est finalement après 2 ans et demi de travail sur différentes histoires que j’ai créé l’histoire de Kanopé qui a convaincu les Editions Delcourt.

Actusf : Quelles sont vos influences ?
Louise Joor : Pour Kanopé, je pense que ce serait l’actualité, les films de Hayao Miyazaki, la nature derrière chez moi, les documentaires animaliers, la bande dessinée Alim le tanneur de Wilfrid Lupano et Virginie Augustin, le travail de Matthieu Bonhomme, de Claire Wendling, de Léo, Bone de Jeff Smith et bien d’autres choses que j’oublie mais qui restent quelque part dans ma tête.

Actusf : De quoi vous inspirez-vous, quand vous dessinez ? Les sentiments des personnages passent beaucoup par le regard et les expressions, notamment, qui sont particulièrement travaillées...
Louise Joor : Les expressions et les attitudes des personnages sont une des choses que je préfère dessiner, leur langage corporel, premier signal que reçoit le lecteur en arrivant sur une case, doit refléter précisément ce que je veux faire passer. Chacun de mes personnages a une vie et un caractère propre que j’essaie de faire transparaître au mieux. Pour ça, il faut que je ressente ce qu’ils vivent au moment où je les dessine. Certaines séquences de l’histoire me sont donc plus agréables que d’autres. (rires)

Pour les séquences difficiles, je me détache du fait que c’est moi qui les inflige aux personnages et les accompagne à travers les souffrances qu’ils peuvent endurer.

Actusf : Vous avez à la fois écrit et dessiné Kanopé ; pouvez-vous nous dire comment vous avez travaillé sur cet album ?
Louise Joor : Le fait de concilier écriture et dessin est naturel pour moi, c’est le mélange des deux qui crée la bande dessinée. J’ai donc très vite réalisé des croquis au moment de l’écriture de l’histoire afin que ces deux facettes se répondent et se renforcent constamment.

Pour le travail sur l’album en lui-même (une fois le projet signé), j’ai d’abord écrit un séquencier global où je décrivais chaque scène en quelques lignes. Ensuite vient le moment du découpage que j’apprécie beaucoup car c’est à ce moment que se révèle enfin l’histoire telle qu’elle sera lue. J’y crée la mise en page, les cadrages et surtout les dialogues. C’est là que mes personnages prennent vie et peuvent s’exprimer dans le cadre fixé par le séquencier de départ.

Ensuite je redessine toutes les planches en m’appliquant sur le dessin, les expressions, les décors et je finis par la mise en couleur. Ces deux dernières étapes doivent chacune enrichir la narration de l’histoire.

Actusf : Qu’est-ce que vous aimez le plus ? Dessiner les personnages, les décors ou les différents éléments technologiques ? L’atmosphère générale m’a fait penser au travail de Miyazaki sur Nausicaä de la vallée du vent (sur les effets de la pollution, notamment), mais avec un côté plus réaliste. Notre monde n’est jamais loin, dans l’album...
Louise Joor : Merci pour la comparaison, c’est un beau compliment. (rires)
En fait, j’essaie de trouver quelque chose que j’aime dans chaque élément que je dessine. J’ai une préférence pour les personnages et le végétal car c’est ce qui me vient le plus naturellement.

Les éléments technologiques ont demandé beaucoup de recherche et c’est seulement quand je les ai rapprochés de quelque chose de plus organique (je me suis inspirée du milieu aquatique pour la combinaison sonore de Jean par exemple) que j’ai atteint un résultat qui m’a plu. J’ai besoin de sentir et comprendre les choses pour les dessiner.

Après, comme vous le mentionnez, je reste très proche de notre monde et tente de rester crédible vis-à-vis de celui-ci, en me permettant juste quelques libertés liées au fait que l’histoire de Kanopé se déroule dans un futur proche.

Actusf : Le récit est centré sur l’Amazonie et laisse de côté l’univers au-delà (en dehors d’allusions et du personnage de Jean). C’est finalement le point de vue de Kanopé que l’on suit dans cette histoire, est-ce que c’était prévu dès le départ ?
Louise Joor : Oui. Je voulais axer l’histoire sur la beauté de la nature avant tout et donc la montrer le plus possible. En même temps, ça laisse l’occasion au lecteur d’imaginer beaucoup de choses sur l’extérieur à partir des quelques indices donnés dans les conversations entre Jean et Kanopé.

Le pouvoir de l’imagination est très puissant et montrer juste quelques bribes du monde extérieur l'aurait peut-être rendu moins impressionnant et moins terrifiant que de l'imaginer à partir des dialogues.

Actusf : Vous pensez revenir sur cet univers ?
Louise Joor : Ce n’est pas prévu, mais si les Editions Delcourt sont prêtes à le faire, moi aussi. Et sinon, cet univers c’est finalement le nôtre. Donc je pourrais bien y revenir d’une autre manière en un autre temps, oui, pourquoi pas.

Actusf : L’écologie et notre rapport à l’environnement sont au cœur de l’intrigue de Kanopé ; est-ce que ce sont des thèmes qui vous préoccupent particulièrement ?
Louise Joor : Oui beaucoup. Je dirais même que ce sont LES thèmes qui me préoccupent. Je voulais les aborder en toile de fond dans Kanopé et pas de manière frontale et moralisatrice, que les lecteurs puissent prendre conscience que notre environnement n’est pas dissocié de nous mais qu’on en fait partie intégrante. Qu’au final, c’est en prenant soin de notre environnement, qu’on prend soin de nous.

Actusf : Kanopé montre quelque part l’homme dans ce qu’il a de meilleur et de pire. Peut-on espérer que le meilleur l’emportera ?
Louise Joor : C’est ce que j’espère, moi, en tout cas oui. Et c’est pour cette raison que j’ai fait Kanopé. La première chose qu’il nous faut, c’est une prise de conscience. Ensuite, tout est possible et nous sommes tout à fait capables de créer le meilleur en faisant les bons choix.

Actusf : Quels sont vos projets ?
Louise Joor : Continuer d’écrire et de dessiner des histoires. Je n’ai pour l’instant rien signé mais quelques projets sont en cours.

 

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