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Interview de M.R.Carey
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Interview de M.R.Carey

Actusf : Comment est née l'idée de votre roman ?
M.R.Carey : Ça a été un long processus. À l'origine on m'a demandé d’écrire une nouvelle pour une anthologie à thème. Ce thème était « jours d'écoles », et chaque histoire devait comporter un élément d'horreur, de surnaturel ou de fantasy. J'ai cherché l'inspiration pendant des mois, mais sans la trouver.
 
Et un matin, je me suis réveillé avec une image en tête. L'image d'une fille, une écolière, assise à son bureau de classe, en train de rédiger un texte sur le sujet "ce que je veux faire quand je serai grande". Seulement, le truc, c'est qu'elle est morte. Et on réalise qu’elle ne grandira donc jamais, tout ça n'est rien de plus qu'un désir. 
 
Cette image c'était Mélanie. J’ai donc écrit un roman complètement centré sur le personnage, dans le sens où Mélanie et la situation initiale me sont venues avant que je n'ai toute son histoire en tête. J'ai littéralement créé l'histoire autour d'elle.
 
La nouvelle terminée, et même si elle avait été très bien reçue et nominée pour un prix Edgar Allan Poe, j'étais convaincu qu'on pouvait en dire plus sur Mélanie. J'ai donc montré la nouvelle à mon éditeur Little, Brown et lui ai demandé si je pouvais aller plus loin et en faire mon prochain roman.
 
Il m’a dit oui. Et c'est alors que j'ai eu le déclic et que j'ai passé la seconde. J'ai trouvé ma fin, inclus le mythe de Pandore et rajouté les personnages de Caldwell et Gallagher. C'était vraiment bizarre, jamais une histoire ne m'est venue si facilement.
 
Actusf : Qu'est-ce qui vous intéresse chez les zombies au point d'avoir écrit un 
roman dessus ?
M.R.Carey : C'est une question piège ? Les zombies sont passionnants !
 
Mon ami Colm McCarthy, qui va réaliser le film tiré de Celle qui a tous les dons, pense que tous les grands monstres doivent nous révéler quelque chose sur nous-mêmes, et qu'on doit être en mesure de se retrouver en eux. Dans le cas des zombies, je les vois comme un genre de monstres hybrides, ce sont des animaux, animés par leurs instincts les plus primaires, mais également des cadavres. Donc d'un point de vue conceptuel, on est totalement cernés. Ils nous rappellent ce que nous étions avant d'être humain, et ce que nous redeviendrons. Le cauchemar parfait.
 
Et ce que je voulais, c'était que les lecteurs puissent s’identifier à Mélanie. Le but de mon livre c'est tout à fait ça, de savoir jusqu’à quel point on peut reconnaitre et communiquer avec la part humaine qui se trouve dans le monstre. Pour certains personnages, comme Justineau, cela semble venir naturellement et à ses dépens. D'autres, comme Caldwell, n’y comprennent rien.
 
 
 
 
Actusf : Quels sont vos films préférés ou vos romans préférés de zombies ?
M.R.Carey : Je ne suis pas spécialement la fiction écrite zombie, mais j'adore les films. Mes préférés sont certainement Land of the Dead (Le territoire des morts), 28 jours plus tard, Bienvenue à Zombieland et Warm Bodies. Et tous pour des raisons différentes.
 
J'adore les moments où on voit cette petite étincelle de conscience et d'humanité dans un zombie. Comme cette scène dans Land of the Dead où les zombies sont dans le kiosque à musique, s'agrippant piteusement à des instruments dont ils ne savent plus jouer. Ou cette scène de The Walking Dead où une femme devenue zombie revient continuellement devant  sa porte, qu’elle fixe tous les soirs, vaguement consciente qu'elle est liée à cet endroit d'une manière ou d'une autre.
 
Dans Warm Bodies, tout cela devient bien évidemment les fondations de toute l'histoire. Même s'ils ont une explication différente et très astucieuse de pourquoi les zombies se rappellent parfois leur vie passée ou celle de quelqu'un d'autre !
 
Je suis surpris par cette seconde vague de fiction zombie. Dans la première l'apocalypse zombie était le catalyseur et le point central de l'histoire. Dans la deuxième, cette apocalypse est à peine mentionnée et n'est que le point de départ de quelque chose de différent.
 
Actusf : Comment voyez-vous Mélanie ?
M.R.Carey : Physiquement vous voulez dire ?  Elle est décrite en détail dans le livre. Blonde, mince, petite et frêle, et tellement pâle qu'on pourrait la croire albinos. Quelqu'un m'a envoyé un lien vers un clip de la chanson pop Chandelier, interprétée par Sia. La petite fille qui danse dans ce clip, Maddie Ziegler, correspond tout à fait à l'idée que je me fais de Mélanie.
 
Au niveau du caractère, c'est un peu l'enfant modèle. Intelligente, curieuse, le cœur sur la main, loyale, courageuse… d'où le titre. Bien que le titre fasse également référence au sens littéral du nom Pandore : celle qui a tous les dons. Et Mélanie, tout comme Pandore, doit choisir ou non d'ouvrir la boîte et de libérer l'horreur qui s'y trouve.
 
Actusf : Pourquoi avoir choisi une petite fille comme personnage principale ? Est-ce 
que c'était pour mieux détourner tous les codes de l'enfance ?
M.R.Carey : Bien entendu, c'est une histoire sur le passage à l'âge adulte au même titre que les autres thèmes. Nous observons ces moments durant lesquels, autant émotionnellement qu'intellectuellement, Mélanie cesse d'être une enfant et endosse ses responsabilités d'adulte. Beaucoup des éléments perturbateurs du roman découlent de ce changement. Le reste, vous le savez bien, vient des zombies.
 
En se repenchant sur ce thème de la vision de l'humain dans le monstre, il semblait très important de montrer que le monstre (tout comme le monstre de Frankenstein dans le roman de Shelley, tout au moins au début) est en fait innocent. Sa monstruosité est une condition, et est un contraste par rapport aux autres monstruosités dépeintes par d'autres personnages. Nous nous demandons qui sont les humains et qui sont les monstres.
 
Actusf : Vos personnages cherchent un remède scientifique aux zombies. Cette 
dimension scientifique était-elle importante pour vous ? C'était important 
que l'épidémie ait une cause "crédible" ?
M.R.Carey : C'est devenu important au bout d'un moment. J'ai penché pour une explication scientifique plutôt que surnaturelle. C'est le monde réel, quoiqu'un peu différent, mais ce n'est pas un monde d'horreurs magiques. Mais dans la nouvelle originale, je faisais référence assez vaguement à « un virus », qui servait de raccourci pour dire « la façon dont tous les zombies deviennent ce qu'ils sont dans toutes les histoires de zombies. »
 
Et quand j'en suis venu à écrire le roman, je n'étais pas satisfait de cette explication un peu légère et ai commencé à chercher un mécanisme qui marcherait mieux. Mieux dans le sens de plus précis, moins éculé. Ensuite je me suis rappelé ce documentaire de David Attenborough The Secret Life of Plants dans lequel des fourmis sont contrôlées par un champignon, l'ophiocordyceps.  C'était parfait. C'était en même temps plausible et horrible.
 
Depuis je me suis renseigné sur les organismes parasitant l'esprit des autres dans le royaume animal. C'est bien plus répandu que je ne l'avais cru. En plus, certains infectent les mammifères, ainsi que (et cela est de plus en plus prouvé) les humains. Je pense donc avoir trouvé le filon idéal. 
 
Actusf : Le livre sort dans plusieurs pays en ce moment. Comment vivez-vous 
l'excitation autour de lui ?
M.R.Carey : J'en suis étonné et enchanté. C'est mon dixième roman, même si certains sont le fruit de collaborations ou sont sortis sous pseudonymes. Et il semblerait que j'ai mis le doigt sur quelque chose d'intéressant auquel je n'avais pas touché lors de mes autres sorties ! C’est formidable, quoi qu'un peu surnaturel, de voir toutes ces critiques et les fils de discussion Twitter. Je n'ai pas pour habitude d'être le sujet d'autant d'attention.
 
Actusf : Sur quoi travaillez-vous ? Quels sont vos projets ?  
M.R.Carey : Je suis toujours dans la rédaction de mon prochain roman, qui n'a toujours pas de titre, mais qui est majoritairement terminé. J'ai pris mon temps, parce que je sais que mes éditeurs l'attendent avec impatience !
 
Je travaille aussi sur une série télé, que l'on pourrait qualifier de science-fiction, commandée et produite par Touchpaper et qui sera, je l'espère, diffusée sur le réseau Sky. Et je travaille sur quelques scripts, dont une adaptation du roman de Jonathan Trigell Genus.  
 
Mais en parallèle, ma deuxième personnalité, l'auteur de comic Mike Carey, est en train d'apporter les dernières touches à sa série Vertigo The Unwritten ainsi qu’à un livre de super-héros, Suicide Risk.
 
J'aime être actif, et à l'heure actuelle il n'y a pas un média auquel je n'ai pas encore touché.
 
Sauf la radio... Je suis tellement mauvais à la radio... 
Traduction de Hermine Hémon et d’Erwan Devos 

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