Actusf : J'imagine que le dessin est une passion depuis l'enfance. Y'a-t-il des illustrateurs ou des images qui vous ont particulièrement marqué dans votre jeunesse ?
Marc Mosnier : Oui. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours dessiné. Je passais des heures à gribouiller des feuilles de papier brouillon au stylo à bille. Je dessinais dans les bacs à sable, avec un bâton, sur les murs, partout. Et lorsque je n'avais pas de stylo ou de crayon, je dessinais dans le vide, avec mon doigt, ce qui intriguait d'ailleurs beaucoup mon entourage. Bien entendu, je faisais une boulimie d'images. Tout me fascinait: Les cartes à jouer, les logos des entreprises peints sur les camions , les publicités , le dictionnaire Larousse. Mais c'est un livre scolaire qui a plus que marqué mon enfance. Il appartenait à mon grand-père. Un cours de géographie des éditions Mame de 1930. Les villes européennes, les déserts américains, les pyramides du Nil étaient dessinées à la manière de l'époque, au trait stylisé et appuyé avec des a-plats de couleurs douces. La couverture représentait des marins pêcheurs, sur leur embarcation, de dos, regardant passer un paquebot. Une vraie merveille. J'ai dû passer des centaines d'heures à détailler les illustrations et à les recopier. C'est sans doute ce livre qui a fait naître ma vocation d'illustrateur.
Actusf : Quel a-t-été votre parcours avant de devenir illustrateur ? Avez-vous fait une école ou avez pratiqué le dessin en loisir ?
Marc Mosnier : Mon parcours est assez atypique, car bien qu'ayant toujours voulu faire du dessin mon métier, à 18 ans, j'ai fait un autre choix, par conformisme, et décidé d'embrasser la carrière juridique. l'avenir paraissait plus assuré avec un métier "sérieux". Mes seuls diplômes sont donc des diplômes de droit.
Actusf : A quel moment vous-êtes vous dit que vous vouliez faire du dessin votre métier ?
Marc Mosnier : Après quatre ans de fac, quand je me suis rendu compte -un peu tard- que le divorce par consentement mutuel et la lettre de change n'étaient vraiment pas ma vocation. Un ami illustrateur m'a conseillé et m'a aidé à préparer un dossier. Ca m'a pris deux mois, où j'ai travaillé d'arrache-pied , enfermé dans ma chambre du soir au matin.
Actusf : Quelle a été votre première commande et comment cela s'est-il passé ? Racontez nous.
Marc Mosnier : Avec ce dossier sous le bras, je suis allé frapper à toutes les portes des éditeurs, au culot. Il en fallait, car quand je repense à ce qu'il y avait dans mon book, c'était plus que maigre!
Après une trentaine de refus, quelqu'un a accepté de me faire confiance, et m'a demandé un essai pour des dessins au trait. C'était le DA de Larousse. J'étais fier et heureux: J'allais avoir mon nom dans le dictionnaire.
Je suis resté un moment chez Larousse, à faire des dessins au trait, des préparations pour les cartes de géo... C'est là que j'ai découvert le monde de l'édition, les illustrateurs, les différentes techniques, l'aérographe.
Comment réalisez-vous une illustration pour un roman ? Lisez vous le livre ?
Actusf : Vous référez-vous au personnage principal ? Discutez vous de l'illustration avec l'auteur ?
Marc Mosnier : Lire le livre est essentiel. Au cours de la lecture viennent les premières idées, les images apparaissent dans la tête, spontanément. On peut se référer au personnage principal, mais pas uniquement. C'est plutôt l'atmosphère du récit, les décors, quelques scènes qui font naître une idée d'ensemble. Puis on ferme le livre et on laisse mûrir. On essaie de trouver une idée forte qui résume au mieux le message qu'a voulu faire passer l'auteur. Plusieurs solutions peuvent être envisagées: soit une image-symbole, simple et forte- Une nature morte, un gros plan sur un visage- soit une image plus anecdotique, par exemple les héros du roman, en situation. On peut tout faire en illustration, tout fonctionne. C'est ça qui est formidable. Il y a mille façons de traiter une couverture, de l'image composite dans le style des affiches de cinéma à l'illustration minimaliste. On choisit donc son "traité" et après acceptation de l'idée par l'éditeur, il ne reste plus qu'à réaliser la peinture, et à livrer l'illustration.
En règle générale, c'est avec l'éditeur, et non avec l'auteur que travaille l'illustrateur. L'écrivain ne découvre l'illustration qu'une fois le travail réalisé.
Vous oeuvrez pas mal pour les genres de l'imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction). Est-ce le hasard ou êtes vous un amateur de ce genre de littérature ?
Le hasard n'existe pas! Ce style correspond à ma nature. Le fantastique, les créatures surnaturelles, les fées et les korrigans, c'est mon univers. On est pas Breton pour rien!
Et d'une façon générale, on ne réussit que ce qu'on aime vraiment.
Oui, je suis un grand amateur de mondes imaginaires.
Actusf : Vous travaillez dans d'autres dommaines comme en Presse et en publicité ? Est-ce des métiers différents ou travaillez vous toujours d ela même façon ?
Marc Mosnier : Il m'arrive de travailler dans d'autres domaines, pour la presse en particulier. Si le traité est différent, l'état d'esprit n'est pas éloigné. Il s'agit toujours de faire vivre des personnages ou des objets imaginés de toutes pièces. C'est une excellente chose pour un illustrateur de varier les styles et les univers. La diversité a du bon. Après une grosse illustration de Science-fiction à la peinture, exécuter des dessins au trait à l'encre de chine est un vrai plaisir. On change de peau, tout en restant le même!
Actusf : Y'a-t-il une couverture dont vous êtes particulièrement fier ? Et pourquoi ?
Marc Mosnier : The Hollowing, de Robert Holstock, publié chez Denoël.
Parce qu'une inspiration comme ça, je crois qu'on ne l'a qu'une fois dans sa vie!
Et aussi parceque l'auteur m'a téléphoné chez moi, de Londres, pour me féliciter. C'est un peu puéril, mais ça fait très plaisir.
Actusf : Avez-vous un retour des lecteurs ?
Marc Mosnier : Oui, et aussi des auteurs.
Se savoir apprécié des lecteurs et des écrivains est la grande satisfaction de cette profession.
Actusf : Et pourquoi pas de la bande dessinée ?
Marc Mosnier : La bande dessinée est une autre approche , c'est un art séquentiel qui se rapproche plus du cinéma. Je reste pour le moment très axé sur l'illustration; Une seule image pour faire naître une émotion. Mais effectivement, j'y ai souvent pensé, et je ne dis pas non, par principe.
Actusf : Avec le recul, quel regard portez-vous sur le monde de l'illustration ? Est-ce difficile aujourd'hui de faire ce métier ?
Marc Mosnier : L'illustration est un univers merveilleux. Dessiner, c'est du rêve à l'état pur. Les conditions dans lesquelles nous exerçons notre métier, en revanche, c'est autre chose. Aujourd'hui, il est bien évident que le dessinateur n'est plus en phase avec le monde de l'édition, plus préoccupé par des impératifs de marketting et de production à bas coût que par une volonté de mécénat. Le temps de Norman Rockwell et de Maxfield Parrish semble bel et bien révolu. L'illustrateur n'est plus considéré comme un artiste respecté, mais comme un exécutant devant obéir à des contraintes commerciales. Quant à l'éditeur, lui, il tient souvent plus du banquier ou de l'agent d'assurance que du littéraire. Ainsi, il faut se battre en permanence pour imposer sa liberté, se battre encore et toujours pour obtenir d'être payé raisonnablement. C'est usant et totalement anormal. Ce genre de problèmes ne devrait même pas se poser. Beaucoup de mes confrères ont, à juste titre, un regard désabusé sur la profession. Moi-même, j'ai été tenté à plusieurs reprises de tout laisser tomber, lassé d'être confronté à des tracasseries sans aucun rapport avec la création.
Mais je crois qu'il ne faut surtout pas baisser les bras, ne pas abandonner. Rien ne remplacera jamais l'illustration de qualité, le beau dessin, la matière de la peinture. Il y a encore de vrais éditeurs. Et il n'y a pas de raison pour que cette médiocrité actuelle dure toujours. Il faut toujours être optimiste.
Actusf : Quels sont vos projets et vos envies ?
Marc Mosnier : Dans l'immédiat, publier l'album dont je suis l'auteur. Un conte pour enfants de sept à soixante-dix-sept ans riche en images féeriques... Mais je n'en dis pas plus!
Marc Mosnier : Oui. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours dessiné. Je passais des heures à gribouiller des feuilles de papier brouillon au stylo à bille. Je dessinais dans les bacs à sable, avec un bâton, sur les murs, partout. Et lorsque je n'avais pas de stylo ou de crayon, je dessinais dans le vide, avec mon doigt, ce qui intriguait d'ailleurs beaucoup mon entourage. Bien entendu, je faisais une boulimie d'images. Tout me fascinait: Les cartes à jouer, les logos des entreprises peints sur les camions , les publicités , le dictionnaire Larousse. Mais c'est un livre scolaire qui a plus que marqué mon enfance. Il appartenait à mon grand-père. Un cours de géographie des éditions Mame de 1930. Les villes européennes, les déserts américains, les pyramides du Nil étaient dessinées à la manière de l'époque, au trait stylisé et appuyé avec des a-plats de couleurs douces. La couverture représentait des marins pêcheurs, sur leur embarcation, de dos, regardant passer un paquebot. Une vraie merveille. J'ai dû passer des centaines d'heures à détailler les illustrations et à les recopier. C'est sans doute ce livre qui a fait naître ma vocation d'illustrateur.
Actusf : Quel a-t-été votre parcours avant de devenir illustrateur ? Avez-vous fait une école ou avez pratiqué le dessin en loisir ?
Marc Mosnier : Mon parcours est assez atypique, car bien qu'ayant toujours voulu faire du dessin mon métier, à 18 ans, j'ai fait un autre choix, par conformisme, et décidé d'embrasser la carrière juridique. l'avenir paraissait plus assuré avec un métier "sérieux". Mes seuls diplômes sont donc des diplômes de droit.
Actusf : A quel moment vous-êtes vous dit que vous vouliez faire du dessin votre métier ?
Marc Mosnier : Après quatre ans de fac, quand je me suis rendu compte -un peu tard- que le divorce par consentement mutuel et la lettre de change n'étaient vraiment pas ma vocation. Un ami illustrateur m'a conseillé et m'a aidé à préparer un dossier. Ca m'a pris deux mois, où j'ai travaillé d'arrache-pied , enfermé dans ma chambre du soir au matin.
Actusf : Quelle a été votre première commande et comment cela s'est-il passé ? Racontez nous.
Marc Mosnier : Avec ce dossier sous le bras, je suis allé frapper à toutes les portes des éditeurs, au culot. Il en fallait, car quand je repense à ce qu'il y avait dans mon book, c'était plus que maigre!
Après une trentaine de refus, quelqu'un a accepté de me faire confiance, et m'a demandé un essai pour des dessins au trait. C'était le DA de Larousse. J'étais fier et heureux: J'allais avoir mon nom dans le dictionnaire.
Je suis resté un moment chez Larousse, à faire des dessins au trait, des préparations pour les cartes de géo... C'est là que j'ai découvert le monde de l'édition, les illustrateurs, les différentes techniques, l'aérographe.
Comment réalisez-vous une illustration pour un roman ? Lisez vous le livre ?
Actusf : Vous référez-vous au personnage principal ? Discutez vous de l'illustration avec l'auteur ?
Marc Mosnier : Lire le livre est essentiel. Au cours de la lecture viennent les premières idées, les images apparaissent dans la tête, spontanément. On peut se référer au personnage principal, mais pas uniquement. C'est plutôt l'atmosphère du récit, les décors, quelques scènes qui font naître une idée d'ensemble. Puis on ferme le livre et on laisse mûrir. On essaie de trouver une idée forte qui résume au mieux le message qu'a voulu faire passer l'auteur. Plusieurs solutions peuvent être envisagées: soit une image-symbole, simple et forte- Une nature morte, un gros plan sur un visage- soit une image plus anecdotique, par exemple les héros du roman, en situation. On peut tout faire en illustration, tout fonctionne. C'est ça qui est formidable. Il y a mille façons de traiter une couverture, de l'image composite dans le style des affiches de cinéma à l'illustration minimaliste. On choisit donc son "traité" et après acceptation de l'idée par l'éditeur, il ne reste plus qu'à réaliser la peinture, et à livrer l'illustration.
En règle générale, c'est avec l'éditeur, et non avec l'auteur que travaille l'illustrateur. L'écrivain ne découvre l'illustration qu'une fois le travail réalisé.
Vous oeuvrez pas mal pour les genres de l'imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction). Est-ce le hasard ou êtes vous un amateur de ce genre de littérature ?
Le hasard n'existe pas! Ce style correspond à ma nature. Le fantastique, les créatures surnaturelles, les fées et les korrigans, c'est mon univers. On est pas Breton pour rien!
Et d'une façon générale, on ne réussit que ce qu'on aime vraiment.
Oui, je suis un grand amateur de mondes imaginaires.
Actusf : Vous travaillez dans d'autres dommaines comme en Presse et en publicité ? Est-ce des métiers différents ou travaillez vous toujours d ela même façon ?
Marc Mosnier : Il m'arrive de travailler dans d'autres domaines, pour la presse en particulier. Si le traité est différent, l'état d'esprit n'est pas éloigné. Il s'agit toujours de faire vivre des personnages ou des objets imaginés de toutes pièces. C'est une excellente chose pour un illustrateur de varier les styles et les univers. La diversité a du bon. Après une grosse illustration de Science-fiction à la peinture, exécuter des dessins au trait à l'encre de chine est un vrai plaisir. On change de peau, tout en restant le même!
Actusf : Y'a-t-il une couverture dont vous êtes particulièrement fier ? Et pourquoi ?
Marc Mosnier : The Hollowing, de Robert Holstock, publié chez Denoël.
Parce qu'une inspiration comme ça, je crois qu'on ne l'a qu'une fois dans sa vie!
Et aussi parceque l'auteur m'a téléphoné chez moi, de Londres, pour me féliciter. C'est un peu puéril, mais ça fait très plaisir.
Actusf : Avez-vous un retour des lecteurs ?
Marc Mosnier : Oui, et aussi des auteurs.
Se savoir apprécié des lecteurs et des écrivains est la grande satisfaction de cette profession.
Actusf : Et pourquoi pas de la bande dessinée ?
Marc Mosnier : La bande dessinée est une autre approche , c'est un art séquentiel qui se rapproche plus du cinéma. Je reste pour le moment très axé sur l'illustration; Une seule image pour faire naître une émotion. Mais effectivement, j'y ai souvent pensé, et je ne dis pas non, par principe.
Actusf : Avec le recul, quel regard portez-vous sur le monde de l'illustration ? Est-ce difficile aujourd'hui de faire ce métier ?
Marc Mosnier : L'illustration est un univers merveilleux. Dessiner, c'est du rêve à l'état pur. Les conditions dans lesquelles nous exerçons notre métier, en revanche, c'est autre chose. Aujourd'hui, il est bien évident que le dessinateur n'est plus en phase avec le monde de l'édition, plus préoccupé par des impératifs de marketting et de production à bas coût que par une volonté de mécénat. Le temps de Norman Rockwell et de Maxfield Parrish semble bel et bien révolu. L'illustrateur n'est plus considéré comme un artiste respecté, mais comme un exécutant devant obéir à des contraintes commerciales. Quant à l'éditeur, lui, il tient souvent plus du banquier ou de l'agent d'assurance que du littéraire. Ainsi, il faut se battre en permanence pour imposer sa liberté, se battre encore et toujours pour obtenir d'être payé raisonnablement. C'est usant et totalement anormal. Ce genre de problèmes ne devrait même pas se poser. Beaucoup de mes confrères ont, à juste titre, un regard désabusé sur la profession. Moi-même, j'ai été tenté à plusieurs reprises de tout laisser tomber, lassé d'être confronté à des tracasseries sans aucun rapport avec la création.
Mais je crois qu'il ne faut surtout pas baisser les bras, ne pas abandonner. Rien ne remplacera jamais l'illustration de qualité, le beau dessin, la matière de la peinture. Il y a encore de vrais éditeurs. Et il n'y a pas de raison pour que cette médiocrité actuelle dure toujours. Il faut toujours être optimiste.
Actusf : Quels sont vos projets et vos envies ?
Marc Mosnier : Dans l'immédiat, publier l'album dont je suis l'auteur. Un conte pour enfants de sept à soixante-dix-sept ans riche en images féeriques... Mais je n'en dis pas plus!