Sandrine Vendel : Comment est-ce que tu résumerais ce roman ? C'est l'histoire d'un jeune homme dont on ne sait pas très bien qui il est, dont on ne connaît pas vraiment l'âge et qui s'est créé un monde imaginaire et un géant pour continuer à vivre après le décès de sa maman, mais encore ?
Mathias Malzieu : En fait c'est complètement autobiographique. Quand j'ai perdu ma mère, j'ai commencé à rêver à des choses. D'ailleurs, j'ai toujours fait ça dans la vie quand j'avais un problème. Je me suis toujours sorti de toutes les situations, plus ou moins difficiles, en ayant beaucoup de rêves et en essayant de les réaliser. Donc, quand ce deuil est arrivé, ça s'est complètement exacerbé. J'avais déjà commencé à écrire un roman, plusieurs choses étaient en préparation. Avec ce deuil, tout a volé en éclats dans ma vie. Je n'ai pas essayé de le cacher. Je me suis dit : " Je vais juste essayer de faire ce qui me tiens le plus à cœur. Je vais utiliser cette matière négative en faisant l'alchimiste ou le magicien et la transformer, peut-être en quelque chose de mélancolique, mais en tout cas en quelque chose de beau à raconter. "
Sandrine Vendel : Pourquoi un géant pour te venir en aide ?
Mathias Malzieu : Quand on est dans le deuil, souvent les gens te disent : "Fais-toi des cadeaux, fais ce que tu aimes faire pour te remonter le moral". Moi, je me suis dit : "Je vais me faire un personnage et dedans, ce sera comme un placard dans lequel tu mets tous les trucs que tu aimes. Il n'y aura que les livres que tu aimes, les disques que tu aimes, les amis, les héros que tu aimes et les plats que tu adores." Je l'ai façonné comme cela, avec un semblant de voix de Tom Waits, avec un peu de mon papa, avec certains de mes amis proches. J'ai mis dedans tout ce qui me faisait du bien, comme dans une poupée russe. Au bout d'un moment, je me suis dit : "Mais, il va commencé à être gros ce bonhomme". Voilà comment j'ai commencé à penser à un géant. En plus, comme je suis plutôt petit - 1m66 pour un garçon des années 2000 c'est quand même pas énorme - je trouvais ça rigolo d'avoir un géant qui s'occupe de moi. Et puis, quand tu perds ta mère, tu es obligé de grandir d'un coup. Il y a donc tout un côté contrasté entre grandir et rapetisser. Quand tu perds quelqu'un de très proche, le corps n'est plus à la bonne place, c'est comme une bombe qui a explosé, tout est en ruine, tout est par terre et il faut tout reconstruire.
Sandrine Vendel : C'est étonnant de t'entendre parler comme cela, je ne parle pas de ce sujet en particulier, mais de t'entendre parler de toi. On n'a pas été habitué à cela avec Dionysos. Comment gère-tu cette nouvelle donne ?
Mathias Malzieu : Pour moi, ce n'est pas une nouvelle donne. Dans le groupe, je fais la même chose, mais c'est un peu moins évident. Quand on est sur scène, on donne tout ce qu'on a et ce qui apparaît en premier c'est l'énergie et le partage. Du coup, on fait moins attention au contenu. Pourtant, ce sont les chansons qui nous donnent cette énergie-là. On ne se dit pas : "Tiens on va faire un concert et on va sauter dans tous les sens". C'est juste parce que la musique nous prend et qu'on a envie de la donner au mieux. Maintenant c'est sûr qu'avec le livre, il n'y a pas la musique, il n'y a pas la scène, donc l'intimité est accrue et c'est pour cela que ça saute plus au visage. Mais, une chanson qui peut paraître légère comme A Song for Jedi, c'est une chanson qui parle d'une histoire d'amour difficile, avec deux personnes aux tempéraments électriques qui s'électrocutent quand ils s'embrassent trop et qui, s'ils ne s'embrassent pas assez n'ont plus d'énergie.
Sandrine Vendel : Sauf que tu peux parler d'une histoire d'amour en général, on ne sait pas si c'est toi ou si c'est une histoire qu'on t'a racontée, tandis qu'avec ce roman on a l'impression de vivre dans tes pensées.
Mathias Malzieu : C'est vrai ! Forcément je me suis complètement mis à nu et j'ai aimé cette sensation. D'ailleurs c'est aussi ce que je recherche avec le groupe, mais il y a toujours un filtre parce que tu passes par un instrument de musique. Le jour du concert, il va y avoir le lieu, l'état d'esprit dans lequel tu es, l'ambiance du public, les gens qui connaissent les paroles. Il y a une espèce de petit matelas moelleux super agréable sur lequel tu peux surfer quand tu fais de la musique, alors que quand tu écris un livre, chaque mot fait partie de toi et il n'y a rien pour te sauver. Il n'y a pas d'excuse. Ta tête et ton ventre sont directement reliés au doigt. Et ça a été une vraie leçon. D'être juste comme cela, avec mes mots. Il n'y a pas un rythme ou un public qui connaît déjà la musique, il n'y a rien. Tu es comme perdu au milieu de l'océan. Je pense que pour l'humilité, ça fait énormément de bien. Tu t'aperçois que tu es plein de défauts et que tu as du travail.
Sandrine Vendel : Quel est d'ailleurs ton regard critique par rapport à ce que tu as écrit ?
Mathias Malzieu : Je suis rentré comme un chien fou dans l'écriture. Heureusement, j'ai eu la chance d'avoir une super éditrice. Elle ne m'a pas dit "tu devrais faire ceci ou cela". Elle m'a aiguillé en me disant : "Tu veux faire ça ? Alors tu devrais utiliser tel instrument, tel outil. Tu veux partir par là ? Dans ce cas essaye comme ça." Elle m'a conseillé en me disant : "Tu devrais écrire deux heures d'affilés, mais pas plus. Arrête d'écrire la nuit jusqu'à 8 heures du matin. Parle bien de toi." Elle m'a aidé à trouver cette dynamique entre le rêve et le concret, que l'on comprenne bien que le rêve m'était vital pour assumer la réalité. Mais, il a fallu que je m'économise. Comme dans une chanson, où tu as trois plans de guitare qui te plaisent bien, mais où si tu n'en mets qu'un, c'est encore plus fort. Tu te rends compte, j'écrivais mon premier roman, j'avais envie de tout mettre dedans. J'avais l'impression que j'allais crever direct après. Il faut arriver à se canaliser. Les trucs fabriqués avec deux bouts de ficelles et de l'ingéniosité, y a rien de plus fascinant. Et il y a une jubilation, une exaltation incroyable, à arriver à cette économie.
Mon livre c'est une paternité, avec des défauts assumés et j'ai envie de le défendre comme un gamin. Comme les gens que j'aime, comme mes chansons, j'ai envie de les défendre sans aucun compromis.
Sandrine Vendel : Tu t'es mis des garde-fous par rapport au thème abordé dans ton roman pour que ce ne soit pas trop larmoyant ?
Mathias Malzieu : Je ne me suis pas mis de garde-fous dans la mesure où je voulais être complètement libre et le plus vrai possible. Par contre, je m'étais dit que je ne parlerais pas directement de la maladie. Mais, c'était délicat, parce que sous peine de ne pas faire larmoyant, j'avais peur de perdre l'émotion. Je ne voulais pas tomber dans l'autosuffisance de la souffrance. Forcément, il y a un côté médicament dans ce livre, mais je ne voulais pas qu'il ait le goût de médicament. Où alors, il fallait que ça soit le goût d'un sirop pour la toux qu'on aime bien prendre parce qu'il a un goût de caramel. Ce n'est surtout pas un journal intime, c'est un roman en forme de conte. Voilà ce qui m'intéresse le plus, les mélanges. Faire un morceau acoustique triste avec des violons, ça ne m'intéresse pas. J'aime mélanger le chaud et le froid, le mélancolique et le burlesque. Mélanger un géant de 4m50, avec un accent écossais et un escargot sur l'oreille. Avec un deuil, ça me semblait plus juste et plus près de mes sensations. Plus juste, que si j'étais resté dans le constat du vide. Il me fallait de vraies parties oniriques, complètements assumées et de vrais passages autobiographiques, complètements assumés eux-aussi. Je ne voulais pas donner juste un médicament qui est difficile à avaler. Je voulais un médicament qui ait du goût, de la saveur.
Sandrine Vendel : Tu as pris du plaisir à l'écrire ?
Mathias Malzieu : Oui, c'est très important et il ne faut pas l'oublier. Même si c'est un sujet difficile, j'ai eu vraiment du plaisir à l'écrire. Je ne suis pas du tout dans l'état d'esprit où il faut souffrir pour écrire. Bien sûr ce n'est pas toujours simple. Il y a des moments de doute qui sont précieux et qui t'aident à avancer. Il y a des moments de peur. Mais, il y a des moments de vrai plaisir ludiques, des moments d'exaltation et d'aventure, où tu te laisses pousser par l'histoire. Il faut prendre du plaisir et ce n'est pas pour cela que c'est léger.
Sandrine Vendel : Tu dis un moment dans le livre, que tu aimes les bouquins tout cornés qu'on peut mettre dans sa poche et qu'on peut prêter. Quelle relation entretiens-tu avec les livres ?
Mathias Malzieu : J'ai une relation de copain avec la lecture. Les livres que j'aime, ce sont des copains. Au début, le géant je lui avais dessiné un manteau avec 150 poches et il avait un livre dans chaque poche. Les livres que j'aime, quand je les ai vraiment trop lus, je les donne et je suis trop content de les racheter tout neuf. J'aime les trimbaler partout, c'est très important pour moi. Et, c'est important dans toutes mes relations, dans l'amitié, même avec mon père. Je lui donne des livres, on s'en achète. Avec la personne que j'aime aussi. C'est une façon de se connaître. Il y a un très beau film qui parle de ce rapport au livre, c'est Ghost Dog de Jim Jarmush. L'objet livre a ce côté sacré qui est magnifique.
Sandrine Vendel : Tu as autant de plaisir à parler du tien ?
Mathias Malzieu : Oui, mais c'est aussi difficile. Ce roman est constitué d'ombres et de lumières et ça me ramène forcément au pourquoi de ce livre. Ma grosse crainte était la réaction de mes proches. A partir du moment où ils l'ont lu, et que j'ai vu qu'ils l'ont aimé, je me suis dit : "C'est bon, je peux le défendre. On peut me le descendre, on peut me l'incendier, le principal est fait." Je crois que si j'avais senti de la gêne chez mon père et ma sœur, j'aurais eu beaucoup plus de mal à le défendre.
Sandrine Vendel : Il y en aura d'autres, des livres ?
Mathias Malzieu : Oui, en tout cas, l'envie est là. Quand j'avais terminé mon petit recueil de nouvelles, quand je l'avais reçu, je m'étais dit que j'allais en faire un autre. Et là c'est pareil. J'ai envie d'en faire un autre. Mais il faut que je digère d'abord celui-là.
Mathias Malzieu : En fait c'est complètement autobiographique. Quand j'ai perdu ma mère, j'ai commencé à rêver à des choses. D'ailleurs, j'ai toujours fait ça dans la vie quand j'avais un problème. Je me suis toujours sorti de toutes les situations, plus ou moins difficiles, en ayant beaucoup de rêves et en essayant de les réaliser. Donc, quand ce deuil est arrivé, ça s'est complètement exacerbé. J'avais déjà commencé à écrire un roman, plusieurs choses étaient en préparation. Avec ce deuil, tout a volé en éclats dans ma vie. Je n'ai pas essayé de le cacher. Je me suis dit : " Je vais juste essayer de faire ce qui me tiens le plus à cœur. Je vais utiliser cette matière négative en faisant l'alchimiste ou le magicien et la transformer, peut-être en quelque chose de mélancolique, mais en tout cas en quelque chose de beau à raconter. "
Sandrine Vendel : Pourquoi un géant pour te venir en aide ?
Mathias Malzieu : Quand on est dans le deuil, souvent les gens te disent : "Fais-toi des cadeaux, fais ce que tu aimes faire pour te remonter le moral". Moi, je me suis dit : "Je vais me faire un personnage et dedans, ce sera comme un placard dans lequel tu mets tous les trucs que tu aimes. Il n'y aura que les livres que tu aimes, les disques que tu aimes, les amis, les héros que tu aimes et les plats que tu adores." Je l'ai façonné comme cela, avec un semblant de voix de Tom Waits, avec un peu de mon papa, avec certains de mes amis proches. J'ai mis dedans tout ce qui me faisait du bien, comme dans une poupée russe. Au bout d'un moment, je me suis dit : "Mais, il va commencé à être gros ce bonhomme". Voilà comment j'ai commencé à penser à un géant. En plus, comme je suis plutôt petit - 1m66 pour un garçon des années 2000 c'est quand même pas énorme - je trouvais ça rigolo d'avoir un géant qui s'occupe de moi. Et puis, quand tu perds ta mère, tu es obligé de grandir d'un coup. Il y a donc tout un côté contrasté entre grandir et rapetisser. Quand tu perds quelqu'un de très proche, le corps n'est plus à la bonne place, c'est comme une bombe qui a explosé, tout est en ruine, tout est par terre et il faut tout reconstruire.
Sandrine Vendel : C'est étonnant de t'entendre parler comme cela, je ne parle pas de ce sujet en particulier, mais de t'entendre parler de toi. On n'a pas été habitué à cela avec Dionysos. Comment gère-tu cette nouvelle donne ?
Mathias Malzieu : Pour moi, ce n'est pas une nouvelle donne. Dans le groupe, je fais la même chose, mais c'est un peu moins évident. Quand on est sur scène, on donne tout ce qu'on a et ce qui apparaît en premier c'est l'énergie et le partage. Du coup, on fait moins attention au contenu. Pourtant, ce sont les chansons qui nous donnent cette énergie-là. On ne se dit pas : "Tiens on va faire un concert et on va sauter dans tous les sens". C'est juste parce que la musique nous prend et qu'on a envie de la donner au mieux. Maintenant c'est sûr qu'avec le livre, il n'y a pas la musique, il n'y a pas la scène, donc l'intimité est accrue et c'est pour cela que ça saute plus au visage. Mais, une chanson qui peut paraître légère comme A Song for Jedi, c'est une chanson qui parle d'une histoire d'amour difficile, avec deux personnes aux tempéraments électriques qui s'électrocutent quand ils s'embrassent trop et qui, s'ils ne s'embrassent pas assez n'ont plus d'énergie.
Sandrine Vendel : Sauf que tu peux parler d'une histoire d'amour en général, on ne sait pas si c'est toi ou si c'est une histoire qu'on t'a racontée, tandis qu'avec ce roman on a l'impression de vivre dans tes pensées.
Mathias Malzieu : C'est vrai ! Forcément je me suis complètement mis à nu et j'ai aimé cette sensation. D'ailleurs c'est aussi ce que je recherche avec le groupe, mais il y a toujours un filtre parce que tu passes par un instrument de musique. Le jour du concert, il va y avoir le lieu, l'état d'esprit dans lequel tu es, l'ambiance du public, les gens qui connaissent les paroles. Il y a une espèce de petit matelas moelleux super agréable sur lequel tu peux surfer quand tu fais de la musique, alors que quand tu écris un livre, chaque mot fait partie de toi et il n'y a rien pour te sauver. Il n'y a pas d'excuse. Ta tête et ton ventre sont directement reliés au doigt. Et ça a été une vraie leçon. D'être juste comme cela, avec mes mots. Il n'y a pas un rythme ou un public qui connaît déjà la musique, il n'y a rien. Tu es comme perdu au milieu de l'océan. Je pense que pour l'humilité, ça fait énormément de bien. Tu t'aperçois que tu es plein de défauts et que tu as du travail.
Sandrine Vendel : Quel est d'ailleurs ton regard critique par rapport à ce que tu as écrit ?
Mathias Malzieu : Je suis rentré comme un chien fou dans l'écriture. Heureusement, j'ai eu la chance d'avoir une super éditrice. Elle ne m'a pas dit "tu devrais faire ceci ou cela". Elle m'a aiguillé en me disant : "Tu veux faire ça ? Alors tu devrais utiliser tel instrument, tel outil. Tu veux partir par là ? Dans ce cas essaye comme ça." Elle m'a conseillé en me disant : "Tu devrais écrire deux heures d'affilés, mais pas plus. Arrête d'écrire la nuit jusqu'à 8 heures du matin. Parle bien de toi." Elle m'a aidé à trouver cette dynamique entre le rêve et le concret, que l'on comprenne bien que le rêve m'était vital pour assumer la réalité. Mais, il a fallu que je m'économise. Comme dans une chanson, où tu as trois plans de guitare qui te plaisent bien, mais où si tu n'en mets qu'un, c'est encore plus fort. Tu te rends compte, j'écrivais mon premier roman, j'avais envie de tout mettre dedans. J'avais l'impression que j'allais crever direct après. Il faut arriver à se canaliser. Les trucs fabriqués avec deux bouts de ficelles et de l'ingéniosité, y a rien de plus fascinant. Et il y a une jubilation, une exaltation incroyable, à arriver à cette économie.
Mon livre c'est une paternité, avec des défauts assumés et j'ai envie de le défendre comme un gamin. Comme les gens que j'aime, comme mes chansons, j'ai envie de les défendre sans aucun compromis.
Sandrine Vendel : Tu t'es mis des garde-fous par rapport au thème abordé dans ton roman pour que ce ne soit pas trop larmoyant ?
Mathias Malzieu : Je ne me suis pas mis de garde-fous dans la mesure où je voulais être complètement libre et le plus vrai possible. Par contre, je m'étais dit que je ne parlerais pas directement de la maladie. Mais, c'était délicat, parce que sous peine de ne pas faire larmoyant, j'avais peur de perdre l'émotion. Je ne voulais pas tomber dans l'autosuffisance de la souffrance. Forcément, il y a un côté médicament dans ce livre, mais je ne voulais pas qu'il ait le goût de médicament. Où alors, il fallait que ça soit le goût d'un sirop pour la toux qu'on aime bien prendre parce qu'il a un goût de caramel. Ce n'est surtout pas un journal intime, c'est un roman en forme de conte. Voilà ce qui m'intéresse le plus, les mélanges. Faire un morceau acoustique triste avec des violons, ça ne m'intéresse pas. J'aime mélanger le chaud et le froid, le mélancolique et le burlesque. Mélanger un géant de 4m50, avec un accent écossais et un escargot sur l'oreille. Avec un deuil, ça me semblait plus juste et plus près de mes sensations. Plus juste, que si j'étais resté dans le constat du vide. Il me fallait de vraies parties oniriques, complètements assumées et de vrais passages autobiographiques, complètements assumés eux-aussi. Je ne voulais pas donner juste un médicament qui est difficile à avaler. Je voulais un médicament qui ait du goût, de la saveur.
Sandrine Vendel : Tu as pris du plaisir à l'écrire ?
Mathias Malzieu : Oui, c'est très important et il ne faut pas l'oublier. Même si c'est un sujet difficile, j'ai eu vraiment du plaisir à l'écrire. Je ne suis pas du tout dans l'état d'esprit où il faut souffrir pour écrire. Bien sûr ce n'est pas toujours simple. Il y a des moments de doute qui sont précieux et qui t'aident à avancer. Il y a des moments de peur. Mais, il y a des moments de vrai plaisir ludiques, des moments d'exaltation et d'aventure, où tu te laisses pousser par l'histoire. Il faut prendre du plaisir et ce n'est pas pour cela que c'est léger.
Sandrine Vendel : Tu dis un moment dans le livre, que tu aimes les bouquins tout cornés qu'on peut mettre dans sa poche et qu'on peut prêter. Quelle relation entretiens-tu avec les livres ?
Mathias Malzieu : J'ai une relation de copain avec la lecture. Les livres que j'aime, ce sont des copains. Au début, le géant je lui avais dessiné un manteau avec 150 poches et il avait un livre dans chaque poche. Les livres que j'aime, quand je les ai vraiment trop lus, je les donne et je suis trop content de les racheter tout neuf. J'aime les trimbaler partout, c'est très important pour moi. Et, c'est important dans toutes mes relations, dans l'amitié, même avec mon père. Je lui donne des livres, on s'en achète. Avec la personne que j'aime aussi. C'est une façon de se connaître. Il y a un très beau film qui parle de ce rapport au livre, c'est Ghost Dog de Jim Jarmush. L'objet livre a ce côté sacré qui est magnifique.
Sandrine Vendel : Tu as autant de plaisir à parler du tien ?
Mathias Malzieu : Oui, mais c'est aussi difficile. Ce roman est constitué d'ombres et de lumières et ça me ramène forcément au pourquoi de ce livre. Ma grosse crainte était la réaction de mes proches. A partir du moment où ils l'ont lu, et que j'ai vu qu'ils l'ont aimé, je me suis dit : "C'est bon, je peux le défendre. On peut me le descendre, on peut me l'incendier, le principal est fait." Je crois que si j'avais senti de la gêne chez mon père et ma sœur, j'aurais eu beaucoup plus de mal à le défendre.
Sandrine Vendel : Il y en aura d'autres, des livres ?
Mathias Malzieu : Oui, en tout cas, l'envie est là. Quand j'avais terminé mon petit recueil de nouvelles, quand je l'avais reçu, je m'étais dit que j'allais en faire un autre. Et là c'est pareil. J'ai envie d'en faire un autre. Mais il faut que je digère d'abord celui-là.