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Interview de Michel Robert
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Interview de Michel Robert

Actusf: Vous êtes un « jeune » auteur que l’on découvre enfin avec sa propre série. Comment passe-t-on de sportif de haut niveau à écrivain ?
Michel Robert :
C’est vrai qu’à ma connaissance, il n’existe pas de passerelle entre ces deux mondes, par ailleurs bien différents ! Mais l’explication est simple : j’étais passionné de fantasy bien avant de devenir sportif de haut niveau. J’ai donc vécu un retour aux sources… sur un plan différent, puisque je suis passé de lecteur à écrivain.

Actusf :
Vous avez d’abord fait vos preuves en reprenant le Cycle de la Malerune de Pierre Grimbert. Comment cela s’est-il passé ?
Michel Robert :
Ah, quelle aventure que de poursuivre les aventures du prince Hogo, des sœurs Garamont et du mage Zétide ! Quelle chance qu’on me le propose et quel défi ! Surtout pour un tout nouvel auteur comme moi… Je tiens à souligner Pierre Grimbert est un homme charmant, pétri de qualité (si, si, Pierre, ne rougis pas, je le dis en toute franchise), que je retrouve toujours avec plaisir lors de séances de dédicaces. Il m’a guidé sans retenue sur les chemins de l’Ældo en me livrant ses commentaires toujours constructifs. Au niveau de l’écriture, c’était nettement moins simple. Il a fallu que je me triture la cervelle de longues nuits ! Pierre n’avait que peu de notes à me fournir, ce qui me m’offrait la liberté de créer ma propre histoire (tout en essayant de rester le plus fidèle possible à la trame générale, bien sûr). Mais cette liberté se révélait à double tranchant… De nombreuses pistes avaient été tracées, de nombreuses énigmes posées et il me fallait en apporter les réponses, réponses qui n’existaient pas puisque l’auteur initial avait abandonné le projet. Que de nuits blanches !

Actusf :
Quelles étaient vos relations avec Pierre Grimbert et quel degré de liberté aviez vous sur ce cycle ?
Michel Robert :
Comme vous l’avez compris, mes relations avec Pierre sont excellentes. En ce qui concerne l’écriture, j’avais des impératifs en matière de « contenant ». Il fallait absolument terminer le cycle en deux tomes avec un planning assez serré. Le deuxième opus, « le Dire des Sylfes », a ainsi été écrit en trois mois. Ce qui est assez court en la matière, surtout lorsqu’on doit terminer une fresque que l’on n’a pas initiée ! Un autre impératif, évident, était de respecter le monde créé par Pierre Grimbert, son ambiance et la psychologie des personnages ; un souci de cohérence constant.

Actusf :
Dans ce cycle, on sent une rupture de rythme entre le premier tome et la suite. Est-ce volontaire ?
Michel Robert :
Ah, intéressante question ! Il se trouve que Pierre avait prévu six tomes pour le cycle, alors que Mnemos voulait le réduire à trois (le premier tome étant déjà écrit). Vous savez que l’action des « Armes des Garamont », le premier tome, est assez lente, nos héros restent presque toute l’histoire au même endroit. Je ne pouvais pas rester sur ce rythme. En effet, je voulais une grande aventure avec des lieux différents, je ne concevais pas crédible que les héros sauvent le monde sans bouger, sans découvrir les nombreuses régions qui le composent. Je suis conscient de cette rupture, obligée en fait, et je l’assume pleinement.

Actusf :
Vous écrivez votre propre cycle. L’agent de l’ombre est un projet que vous aviez depuis longtemps ?<
Michel Robert :
Ce cycle, bien plus noir et violent que l’univers de Pierre Grimbert, a été écrit avant que je ne m’attaque à la Malerune. À force de lire de la fantasy, j’avais l’envie de créer mon héros. Un héros d’ailleurs pas trop héros, nullement un « gentil ».

Actusf : Cellendhyll de Cortavar est un être au teint pâle, aux cheveux argentés et aux yeux verts émeraude muni d’une dague sombre qui boit le sang de ses ennemis. On pense évidemment au personnage d’Elric de Moorcock. Ce personnage vous a beaucoup marqué ? Et sinon, qu’elles ont été vos sources d’inspiration ?
Michel Robert :
Ah, cette question me dérange presque ! Dans la mesure où je dois l’avouer, je ne me suis pas du tout inspiré d’Elric de Ménilboné (en tous cas pas consciemment)… même si je dois avouer qu’il est très flatteur d’être comparé à un auteur de la trempe de Moorcock ! Je ferais remarquer qu’Elric est un albinos et décrit comme tel. Cellendhyll a les cheveux argentés, comme Elric, mais les yeux verts et le teint non pas d’albâtre (là, votre imagination a pris le dessus !) mais au contraire hâlé. De plus, il n’a rien de la gracilité, de la fragilité physique du héros de Moorcock, c’est au contraire un athlète accompli. En vérité, je n’aime pas particulièrement Elric de Ménilboné. Pour moi c’est un personnage intéressant mais faible. Or, je conçois mon Ange du Chaos comme un personnage fort ; ce dernier connaît certaines faiblesses, ce n’est qu’un homme, mais c’est quelqu’un de fort, d’extrêmement compétent dans ce qu’il accompli, avec un énorme potentiel. En vérité, mes influences concernant le cycle de l’Ange du Chaos et, surtout, mon héros, Cellendhyll de Cortavar, viennent d’autres univers que celui de la fantasy. Plutôt ceux du polar ou du western - qu’il soit littéraire ou cinématographique. Lorsque je pense à Cellendhyll, je vois en lui un peu de Josey Wales (personnage animé par la vengeance, interprété avec toute la classe de Clint Eastwood). Autre influence, née du polar, d’un film méconnu « le Point de Non Retour », avec ce monstre sacré du cinéma : Lee Marvin. Ce dernier m’a aussi marqué dans « Les Professionnels », avec le flamboyant Burt Lancaster. Du reste, l’Ange du Chaos, centré sur le thème de la vengeance, pourrait tout à fait se transposer dans un univers autre que la fantasy, justement ceux du polar ou du western. En matière d’influence littéraire, je ne peux pas non plus ne pas citer les romans - noirs, très noirs - de James Lee Burke, de Ross Thomas, de James Crumley, en catégorie polar. Ceux de Gordon Shirreffs ou la série des « Morgan Kane » pour le western. En ce qui concerne la fantasy, un cycle m’a vraiment marqué, centré sur un personnage très fort aussi, le Eric John Stark de la très talentueuse Leigh Brackett (qui, soit-dit en passant, a commis le scénario de « Rio Bravo »). Un autre cycle à citer, issu du space opéra, « la geste des Princes-Démons » et son héros, Kirth Gersen, de Jack Vance. Tout ceci pour dire que toutes ces œuvres m’ont bien plus influencé que le cycle d’Elric !

Actusf :
Vous avez un style et une écriture très visuelle avec pas mal de scènes de combats mais on a un peu l’impression que cela s’est fait au détriment des personnages ou de la description du monde. Pourquoi un tel choix ?
Michel Robert :
Ce n’est pas un choix à proprement parler. Je suis plus à l’aise dans l’action que dans la description. Je dois avouer que les scènes d’action, justement et notamment dans la fantasy, sont à mon goût - ce qui n’engage que moi - délaissées, sinon bâclées. J’ai acquis de mon expérience professionnelle de handballeur de haut niveau la recherche du geste technique parfait et l’exigence que cela peut demander. Je pense que cela a influencé mon esprit critique à l’égard de l’action. Et je fais un point d’honneur à y prendre un soin particulier, à mes scènes de combat ! Ainsi, je les conceptualise comme des scènes de cinéma, elles m’apparaissent naturellement comme telles. Il m’arrive de temps à autre de sortir dans le jardin et de répéter les épisodes d’un combat pour vérifier qu’ils soient crédibles, que les personnages ne vont pas se déboîter un bras ou un genou en portant telle ou telle frappe… ma femme me regarde et se marre ! Au sujet des descriptions, j’ai pris note de votre opinion et je promets d’essayer de corriger ce travers. Je suis un « jeune » auteur mais j’espère bien améliorer mon écriture au fil du temps ! Grâce à Célia Chazel mon éditrice, j’apprends à m’organiser, à me parfaire. Elle ne me lâche pas, et c’est tant mieux ! En revanche, cher Pierre, au sujet des personnages, je ne trouve pas votre critique fondée ! En fait, je pense que mes personnages sont plutôt bien campés et attachants, sinon originaux. D’ailleurs, l’opinion des lecteurs que j’ai eu la chance de rencontrer confirme ce fait, ouf !

Actusf :
Il ne semble pas y avoir, entre les 2 tomes, une franche continuité. Chaque tome peut se lire indépendamment. Est-ce volontaire, ou la petite trame de fond qu’il semble y avoir autour de Cellendhyll va prendre de l’ampleur ?
Michel Robert :
Hum, tout d’abord, je conseillerai de bien lire mon cycle dans la chronologie établie, ne serait-ce que pour bien appréhender la motivation des personnages. Je mets en effet en place à chaque épisode une aventure que je développe au premier plan et qui connaît une conclusion à la fin de chaque roman mais il y a également cette trame de fond que vous évoquez. Et cette trame, oui, elle va prendre de plus en plus d’ampleur au fil des suites à venir.

Actusf :
Votre univers est un peu particulier car en plus d’y avoir les Ténèbres et la Lumière, comme souvent c’est le cas dans l’univers de la fantasy, il y a une troisième force : le Chaos. Quel rôle joue-t-il dans votre univers ?
Michel Robert :
Détailler ce rôle dans ces lignes serait dévoiler tout un pan de mon histoire et je n’y tiens pas, comme vous pourrez le comprendre… Il faudra lire la suite des aventures de Cellendhyll de Cortavar, l’Ange du Chaos, pour obtenir cette réponse. Ce que je peux dire, toutefois, c’est que pour préserver ses propres intérêts, le mystérieux Chaos peut tout aussi bien favoriser les agissements de la Lumière (ou bien ceux du peuple ténébreux) que les contrer, et dans le mois suivant, faire le contraire. Il ne faut pas non plus oublier « l’Alliance », autre entité majeure, qui regroupe les cités-franches du monde principal, le Plan Primaire. L’Alliance qui a souffert de l’opposition entre les Puissances de la Lumière et des Ténèbres et qui veut farouchement conserver son indépendance. Toutes ces forces se côtoient donc, se charment, s’affrontent ou se déchirent, selon la tournure des événements.

Actusf :
Savez vous combien de tomes comprendra ce cycle ?
Michel Robert :
Non, j’ai beaucoup de matière, beaucoup d’idées, un univers très riche à exploiter. Largement de quoi écrire au minimum trois ou quatre tomes. J’aime mes personnages, ils évoluent d’eux-mêmes à présent… Donc, vous n’en n’avez pas fini avec moi ! Je me suis fixé pour objectif de livrer un roman des aventures de Cellendhyll chaque année.

Actusf :
Quels sont vos futurs projets dans les mois à venir et pour l’année 2006 ?
Michel Robert :
Une grande année, j’espère ! Elle sera chargée en tout cas… J’attends un deuxième enfant (j’ai déjà une merveilleuse demoiselle de trois ans qui fait mon bonheur, Justine la coquine), cette fois un fiston. Cela sous-entend une femme à câliner, une grossesse à gérer jusqu’à son terme, une petite fille à ne pas négliger… Sans compter que j’ai récemment emménagé à la campagne (Paris, quelle vie de fou !), dans une maison avec de nombreux travaux à effectuer… Il n’est pas venu le temps où je pourrai m’installer dans mon hamac pour regarder passer les nuages ! En ce qui concerne l’écriture proprement dite, je dois écrire le troisième tome de l’Ange du Chaos, dont je peux vous livrer le titre : « Sang-Pitié ». Je voudrais également développer d’autres projets littéraires qui n’ont rien à voir avec la fantasy… un roman « classique », un polar et d’autres petites choses… Bref, comme je l’ai dit, 2006 sera une grande année !

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