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Interview de Nadia Coste pour Le Premier
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Interview de Nadia Coste pour Le Premier

 ActuSF : Bonjour. Pouvez-vous vous présenter ?

Nadia Coste : Bonjour ! En quelques mots, j’ai 35 ans, trois enfants, et je suis l’auteur de 16 romans qui comportent tous une part d’imaginaire. J’écris, selon les cas, pour les ados, les jeunes adultes (et +), ou les enfants entre 8 et 12 ans.

 ActuSF : Le Premier, publié chez scrineo sort le 9 avril, nous narre l'histoire de Vain. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce récit qui évoque l'immortalité et la vengeance ? 

Nadia Coste : J’avais envie de me pencher sur la question des frères ennemis, que l’on retrouve depuis l’aube des temps, que ce soit Abel et Caïn, Romulus et Remus… jusqu’à nos jours lorsque je dois empêcher mes enfants de s’entretuer !

Le roman commence à la fin du Néolithique lorsque deux frères, Úrr et Vaïn, s’opposent pour la même femme. Le premier va tuer le second… et celui-ci va revenir à la vie mais « différent ». Vaïn va alors chercher à comprendre pourquoi il n’est pas mort, et se sentir investi d’une mission : se venger de son frère pour rétablir l’équilibre. 

ActuSF : Le personnage de Vain nous rappelle celui de Caïn, tué par son frère Abel. Y a t-il d'autres références à cette histoire biblique dans Le premier ?

Nadia Coste : Oui, on retrouve par exemple l’opposition cultivateur/berger, comme pour Abel et Caïn. Dans la bible, Caïn est l’aîné, celui qui cultive la terre. Dans « Le Premier », Vaïn est le second fils, obligé de devenir cultivateur car il n’est pas capable de chasser ou d’élever des bêtes. Ce sera l’un des points de départ de sa jalousie.

On retrouve également, de manière détournée et discrète, la fameuse phrase de Victor Hugo : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn »…

La question de l’agneau sacrificiel revient également à plusieurs reprises (dans la bible, Abel et Caïn font chacun une offrande à Dieu. Celui-ci préfère le sacrifice animal fait par Abel, et cela va déclencher le premier meurtre…). Dans « Le Premier », Vaïn va cacher sa soif de sang grâce à des sacrifices d’animaux (jusqu’à ce que, au lieu d’un agneau, on lui apporte un sacrifice humain, mais je ne vais pas spolier tout le roman !).  

ActuSF : C'est l'histoire d'un non-mort qui se nourri de sang. Est ce que le Premier s'inscrit dans la lignée de la littérature vampirique ?

Nadia Coste : Oui, ça a été un grand défi pour moi vu l’abondance de texte qui existent sur les vampires et les loups-garous… mais j’ai essayé d’apporter ma touche d’originalité en le faisant à ma façon, loin des vampires modernes « attirants » ou du côté raffiné des vampires du XIXe siècle.

Dans certains romans, le héros, tout juste transformé en vampire, apprend les codes de sa nouvelle condition grâce à un mentor (en général, celui qui l’a transformé). Je voulais m’intéresser au premier vampire, celui qui n’aurait personne pour lui expliquer ce qui lui arrive et qui devrait découvrir par lui-même tout ce que sa nouvelle condition implique. J’aimais l’idée que le lecteur connaisse davantage les codes que le personnage lui-même !

Je voulais aussi traiter le vampire tel qu’on le connait dans la réalité, c'est-à-dire le pervers narcissique, celui qui va pomper l’énergie des gens autour de lui, de qui ce ne sera jamais la faute…

Il me semblait important que le mot « vampire » n’apparaisse pas dans le texte, car le terme n’est apparu que bien après cette époque… 

ActuSF : Les thématiques abordées dans Le Premier sont-elles plus sombres que celles abordées dans vos précédents  ouvrages ?  

Nadia Coste : Effectivement, même si  c’est le traitement, plus que les thèmes, qui rendent ce roman beaucoup plus sombre que ce que j’écris d’habitude. En tout cas, j’ai dû puiser dans la noirceur de l’âme humaine, ce que je n’avais jamais fait jusque-là, et ça n’a pas toujours été simple pour moi. Quand j’écris, je m’immerge dans le roman. Alors, lorsqu’il faut rester plusieurs mois dans une ambiance pesante, où règnent la violence, la rancœur et la jalousie, j’ai besoin de respirations !

J’ai donc travaillé le roman en plusieurs fois, faisant des pauses en écrivant des romans plus légers pour les plus jeunes avant de replonger dans l’histoire de Vaïn.

Choisir un personnage principal auquel je ne voulais pas que le lecteur s’identifie, plutôt antipathique, égoïste, monomaniaque et violent, n’a pas été un dosage simple : je voulais que le lecteur accroche suffisamment pour aller au bout de l’histoire, même si le « héros » n’en était pas un. J’espère avoir réussi. 

ActuSF : Le premier prend place du néolithique jusqu'au début de Rome. Qu'est-ce qui vous a incité à  choisir ces périodes-là ?

Nadia Coste : J’ai beaucoup hésité. Au départ, je voulais vraiment un vampire à la préhistoire. J’imaginais une silhouette d’homme de Neandertal qui évoluerait jusqu’à nos jours… mais je n’étais pas sûre de pouvoir gérer l’évolution psychologique du personnage sur au moins 40 000 ans !

C’est en me penchant sur les oppositions fraternelles à travers les âges que c’est devenu évident : il y avait quelque chose à faire entre, d’un côté Abel et Caïn, et de l’autre, Romulus et Remus.  L’opposition entre cultivateur et berger m’a fait choisir la fin du Néolithique, au moment où l’agriculture se développe, ce qui me laissait deux ou trois mille ans d’évolution psychologique à gérer… 

ActuSF : Comment avez-vous abordé le travail de recherche historique dans lequel s'inscrit Le Premier ?

Nadia Coste : Je me suis beaucoup documenté pour ne pas dire trop de bêtises, même si je ne voulais pas faire un roman historique, où le contexte prendrait le pas sur les personnages. Le plus difficile étant de faire le tri entre les sources, surtout sur la partie préhistorique, car il y a beaucoup de suppositions liées aux découvertes qu’on a pu faire sur cette période… mais peu de certitudes absolues. Il fallait donc choisir quelque chose de vraisemblable plutôt que véridique. Par exemple, pour les noms de villes traversées par Vaïn, j’ai choisi les racines historiques de cités existant déjà à l’époque, ou, en tout cas, près desquelles on a retrouvé suffisamment de vestiges pour concevoir qu’un village existait déjà. Idem pour les noms des personnages : impossible de les appeler Christian et Kévin, mais je ne voulais pas tomber dans l’inverse, façon « Rahan, fils de Crâo »…

 ActuSF : Utiliser un cadre historique est-ce plus facile ou plus compliqué pour vous que d'inventer un monde comme celui des Fedeylins par exemple ?

Nadia Coste : En en sens, créer un monde comme celui des Fedeylins est plus simple. En tout cas, je trouve plus excitant de réfléchir au moindre détail pour créer une nouvelle culture propre au monde de fantasy que l’on invente. On puise forcément dans la réalité et on doit être parfaitement juste sur les détails que les lecteurs peuvent connaître (j’aime beaucoup ce que dit Robin Hobb lorsqu’elle explique que si elle décrit bien un chien ou un cheval, le lecteur pensera qu’elle sait de quoi elle parle lorsqu’elle amènera son dragon), mais on a une certaine liberté.

Utiliser un contexte historique est plus délicat, car il y aura toujours un lecteur plus calé que moi pour venir me dire que je me suis trompée sur un détail ! J’essaye de faire au mieux, mais je n’ai pas fait d’études d’Histoire… je me documente donc au maximum pour combler mes lacunes et utiliser ce qui me semble intéressant dans le cadre du roman. Le piège, c’est de vouloir à tout prix caser dans le texte des détails découverts lors des recherches préliminaires ! 

ActuSF : Vous avez fait déjà plusieurs séries comme Space League ou les Yeux de l'aigle. Le Premier est-il lui même le démarrage d'une série plus longue ?

Nadia Coste : Je dis souvent qu’en dessous d’une trilogie, je suis malheureuse… j’ai du mal à faire court. Mais j’y travaille ! Après « Ascenseur pour le futur », qui est mon premier roman « autonome » en tant que tel, je m’efforce de plus en plus de concentrer mes histoires en un seul volume.

Pour « Le Premier », je ne souhaite pas faire de suite car l’histoire de Vaïn est complète et, pour savoir ce qui vient après la dernière page… on peut toujours ouvrir un livre d’Histoire ! 

ActuSF : Y-a-il des salons ou des festivals sur lesquels vos lecteurs  pourront vous rencontrer ? 

Nadia Coste : J’attends encore la confirmation de plusieurs dates, mais, dans un premier temps, je peux vous parler de la fête du livre d’Autun, les 11 et 12 avril. Je serai ensuite aux Imaginales fin mai. À l’automne, il y aura Les Aventuriales, fin septembre, près de Clermont-Ferrand, puis Lire en Poche à Gradignan en octobre.

 ActuSF : Avez-vous d'autres projets en cours ?

Nadia Coste : Oh, là, là, j’espère que vous avez cinq minutes devant vous !

Alors, en jeunesse, je travaille sur une suite de « La campagne aux trousses », dans une ambiance plus montagnarde : un petit roman de vacances plutôt drôle, avec du suspens, des cousines, et des avalanches…

Je corrige également plusieurs romans Young-Adult : « Les élémentaires », projet de fantasy décalée où une mage de feu victime d’un dérèglement hormonal doit affronter les dangers de son monde pour espérer atteindre une cure miraculeuse.

« AppliAura », où la ségrégation d’une partie de la population à cause de la couleur de son aura va conduire l’héroïne à remettre en question ses croyances.

« Ricochet », où trois sœurs, clones de leur mère, découvrent un défaut dans leur ADN et entament une course contre la montre pour résoudre le problème avant le gouvernement ne les en empêchent !

Et puis, je retournerai dans l’univers des Fedeylins, pour une histoire indépendante avec un personnage qui apparaît rapidement dans le tome 4… si tout va bien, je devrais commencer à l’écrire cet été.

 

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