Nous : Vous voici dans une nouvelle et toute jeune maison d'édition, parlez-nous un peu de sa création. Pourquoi avoir voulu créer les éditions Octobre ?
Pierre Grimbert : C'est une évolution naturelle de nos carrières… Audrey Françaix et moi sommes deux auteurs de fantasy. Nous avons l'habitude de travailler ensemble. Nous sommes plutôt curieux de nouvelles expériences. Nous réunissons différentes compétences et diplômes, en édition justement, en mise en page, en langue française… Fatalement, l'idée devait nous venir de créer notre propre collection, où nous pourrions profiter d'une grande liberté de création, d'organisation, de choix commerciaux, etc. Et comment résister à l'aventure ? Une fois l'idée lancée, impossible de penser à autre chose qu'à sa réalisation !
Nous : Le nom d'Octobre n'a pas été choisi au hasard. Pourquoi avez-vous eu envie d'appeler ainsi votre maison d'édition ?
Pierre Grimbert : Le nom est tombé au détour d'une conversation (en octobre bien sûr), alors que nous remarquions que l'époque était propice à accueillir des images de fantasy : brumes matinales, cercles de champignons, fête des sorcières, etc. (voir une plus longue liste sur www.ed-octobre.com !) Comme, en plus, le mot était facile à retenir, nous n'avons pas hésité un instant.
Nous : Quelles sont vos envies au sein d'octobre ? Quelle ligne éditoriale aurez-vous ?
Pierre Grimbert : Peu de livres, mais des textes auxquels nous croyons beaucoup, avec un vrai travail de promotion et de soutien autour d'eux ! Nous défendrons chacun de nos choix avec bec et ongles.
Nous : Comment avez-vous rencontré Audrey Françaix et qu'est-ce qui vous a donné envie de vous rapprocher d'elle ?
Pierre Grimbert : Nous nous sommes rencontrés dans une librairie où je dédicaçais à côté de son frère, Pascal, auteur de plusieurs romans fantastiques. Le reste appartient au domaine personnel ; disons simplement que nous nous sommes trouvé beaucoup de points communs… qui ont donné naissance à une belle histoire, un petit garçon et bientôt un autre bébé.
Nous : Pour l'heure deux romans sont programmés, le premier de vous, le second d'Audrey Françaix. Publierez-vous d'autres auteurs ? Quel est votre programme de parution dans les mois qui viennent ?
Pierre Grimbert : Nous sommes partis sur un programme trimestriel, qui pourrait s'accélérer si les choses continuent à bien se développer. Pour les auteurs " extérieurs ", nous préférons attendre quelques mois encore avant de lancer des invitations. Mais leur nombre sera volontairement restreint. Notre ambition n'est pas d'inonder les tables des libraires, mais seulement de faire quelques beaux livres, dont nos propres écrits représenteront une part importante. L'idée initiale, c'était surtout d'être plus libres encore dans notre activité.
Nous : Cela fait deux mois que le premier livre d'Octobre est sorti. Quel a été le retour des libraires et des lecteurs ?
Pierre Grimbert : Je déclarerai seulement que les résultats et commentaires sont " satisfaisants ". Nous sommes très prudents avec tout cela. La collection n'en est qu'à un stade embryonnaire, et les bonnes nouvelles des débuts pourraient très bien n'être plus qu'un souvenir l'année prochaine.
Nous : Que vous a apporté votre détour par la jeunesse ?
Pierre Grimbert : Une plus grande confiance en moi, en mon " travail ", et une certaine rigueur, également. Un texte jeunesse est lu et relu par plusieurs directeurs de collection, décortiqué, et tous ses défauts sont pointés du doigt… On apprend à faire plus attention ; même si la pire boulette reste à portée de clavier. Au niveau personnel, les romans jeunesse sont aussi l'occasion de faire de nombreuses rencontres de lecteurs en herbe, moments de fraîcheur que j'apprécie particulièrement.
Nous : Pourquoi ne pas avoir poursuivi le cycle de la Malerune ?
Pierre Grimbert : Allons-y… En essayant de faire simple : la Malerune était au départ conçue comme une série jeunesse - J'avais quitté mon emploi salarié pour me lancer complètement dans l'écriture - L'éditeur avait finalement dû annuler son projet de collection jeunesse - On a donc transformé la série en un cycle adulte - Seulement l'écriture en était trop longue et je ne pouvais pas en vivre (comme prévu au départ avec de nombreux volumes jeunesse) - J'ai donc accepté d'autres contrats jeunesse en différant la suite de La Malerune - Des " considérations juridiques " ont également bloqué le projet pendant de longues années - Quand tout s'est arrangé, on a évoqué la possibilité de faire reprendre le cycle par quelqu'un d'autre - Mnémos a trouvé la perle rare (en la personne de Michel Robert) et m'a demandé de prendre une décision - J'ai été d'accord pour passer le flambeau, car encore trop occupé à l'époque sur deux autres projets entamés - Et tout est bien qui finit bien !
Nous : Parlons un peu plus de votre roman, pourquoi avez-vous voulu renouer avec l'univers de Ji, qu'est-ce qui vous attire en lui ?
Pierre Grimbert : Ji est mon premier texte ; il représente donc mon écriture " naturelle ". C'est-à-dire que je n'ai pas cherché à y appliquer des recettes (s'il en existe), ni à imiter un style, ou je ne sais quoi encore… Je voulais simplement raconter une histoire à ma façon, avec des défauts et des qualités qui me sont propres. Travailler avec Michel Robert sur La Malerune m'a redonné l'envie de retrouver ce plaisir et cette " facilité " d'écriture d'un long cycle (ce qui n'empêche pas les insomnies, les prises de tête sur l'intrigue, etc.) À la même époque, Audrey et moi pensions déjà à créer une maison d'édition, sans avoir décidé encore si elle serait consacrée à la jeunesse ou aux adultes… L'envie de retrouver Ji et le projet Octobre ont grandi en même temps, et voilà.
Nous : L'histoire se passe plus d'une vingtaine d'années après le premier cycle, et les personnages principaux sont des adolescents (à part Bowbaq). Est-ce votre passage par la jeunesse qui vous a influencé ?
Pierre Grimbert : Non, c'est un choix volontaire. Je ne m'imaginais pas mettre en scène des persos qui auraient été plus âgés (dans le récit) que leurs parents dans Le Secret de Ji. Ça avait quelque chose de perturbant. En revanche, il était très intéressant à mes yeux de présenter une génération encore plus vulnérable (en apparence, en tout cas) face au danger.
Nous : Ce premier tome est construit de la même manière que le premier tome du secret de Ji. Est-ce volontaire ?
Pierre Grimbert : Oui, et je suis d'ailleurs chagriné de constater que certains n'y ont vu qu'une " resucée ". Je trouvais très amusant de jouer sur la fatalité qui frappe ainsi les différentes générations d'héritiers, sur les bégaiements de l'histoire, sur tout le côté destin/malédiction… Je me suis même donné un peu de mal pour ça. J'y crois malgré tout, et je poursuivrai l'écriture du cycle sur la même voie. Ce nouveau groupe de personnages aura une aventure propre, mais son chemin croisera à plusieurs reprises celui emprunté par leurs ancêtres… Avec, parfois, des conséquences radicalement différentes.
Nous : Six héritiers, pour le premier cycle, et là six descendants en plus de Bowbaq, pourquoi ce chiffre ?
Pierre Grimbert : Au départ, c'était un clin d'œil aux Trois mousquetaires : six héritiers plus Yan, trois mousquetaires plus d'Artagnan. Mais l'explication ne vaut que pour le choix du titre. Pour le reste, c'est un mélange de coïncidence et de cohérence dans les groupes de persos… Le chiffre pourrait d'ailleurs changer.
Nous : Dans le premier cycle, vous aviez rompu avec les clichés de la fantasy qui parlent d'une prophétie, d'un enfant élu et d'une bataille entre l'ordre et le chaos. Pour le second, vous y revenez. Pourquoi ?
Pierre Grimbert : À vrai dire, je voulais rompre avec certains clichés, mais je n'y suis vraiment parvenu qu'en annonçant < ATTENTION SPOILER ! > qu'aucun des héritiers du Secret de Ji n'était l'Adversaire annoncé pour sauver le monde. Au final, cela a plutôt déplu à une partie des lecteurs… Pour le reste, et avec le recul, je dois bien admettre que Le Secret… est plutôt dans une veine classique d'epic-fantasy. On me cataloguerait même plutôt comme auteur d'initiation au genre. J'en ai pris mon parti et en tire finalement une certaine satisfaction, pourquoi pas ? Pour autant, j'espère en surprendre quand même quelques-uns avec le dénouement des Enfants de Ji !
Nous : Quels sont vos projets ? Et où en êtes-vous avec celui de la BD sur lequel vous travailliez en juin 2003 lors de notre précédente interview ?
Pierre Grimbert : Dans l'immédiat, je travaille bien sûr à la suite des Enfants de Ji ; j'ignore encore quel roman j'entamerai ensuite, ça nous mène dans plusieurs trimestres. Au sujet de la BD, elle a commencé à paraître dans Lanfeust Magazine, sous forme d'une série de planches comiques (je l'espère), au titre de Bazardoz, sous les pinceaux de Philippe Fenech. Et pour le développement de mes activités d'éditeur, il va dépendre de l'accueil réservé aux prochains titres de la collection, à commencer par le cycle d'erotic-fantasy La Chair et l'Acier !
La chronique de 16h16 !