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Interview de Pierre-Paul Durastanti
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Interview de Pierre-Paul Durastanti

Actusf : Première question obligée : Pourquoi avoir choisi Moorcock pour ce numéro spécial et que représente-t-il pour toi ?
Pierre-Paul Durastanti : Les spéciaux et maintenant les hors-séries de Bifrost ont pour but de présenter les acteurs importants du domaine. On a commencé par Dick et Simak, deux de mes péchés mignons, et -- rendons à César... -- c'est Olivier Girard, le boss du Bélial', qui a le premier pensé à Moorcock pour la suite. Pourquoi Moorcock? À notre petit niveau personnel, disons que c'est notre manière de le remercier pour les dizaines d'heures passées à le lire et pour les centaines d'heures passées à jouer dans ses univers (on est rôlistes depuis des lustres, Olivier et moi). C'est aussi quelqu'un qui a façonné, en tant qu'auteur et en tant qu'éditeur, l'imaginaire tel qu'on le connaît aujourd'hui. Il est talentueux, sympathique, polymorphe et pluriel. Ne pas le choisir aurait été une erreur; pis, une faute de goût. ;-)

Actusf : Comment avez-vous choisi les quatre nouvelles inédites ?
Pierre-Paul Durastanti : En fait, j'en ai sélectionné cinq, mais un texte de fantastique assez sardonique a été écarté au tout dernier moment, car on n'arrivait pas à le faire tenir sans tout bouleverser, augmenter le prix, etc. Il paraîtra bientôt dans un numéro classique de la revue. Je tenais à ce que figure une nouvelle d'heroic fantasy, vu la stature de l'auteur dans ce domaine et pas qu'un peu par goût personnel. J'ai eu la chance de dénicher un véritable court roman, plutôt épique, au ton voisin de la saga d'Elric (il ne reste bien entendu aucun Elric, même mineur, inédit en français), Un plus grand conquérant, contemporain des premiers textes de la série. Je voulais aussi une nouvelle de science-fiction un peu barrée, assez sixties, mais pas trop connotée (bref, pas de Jerry Cornelius: ces textes-là ont davantage de sens dans un ensemble construit), et La bête d'amour m'a paru excellente, car ironique et émouvante à la fois. J'avais depuis longtemps envie de traduire Mars, qui représente plutôt le côté "pulps" de Moorcock, mais avec une écriture très belle, très poétique, et une ambiance assez proche des Danseurs de la fin des temps. En dernier lieu, j'ai pris Les oiseaux lunaires parce qu'elle me plaît, bien sûr, et aussi parce qu'elle met en scène le Multivers et un membre de la famille Von Beck (Von Bek, Begg, etc.), qui occupe depuis vingt ans une position centrale dans l'œuvre du monsieur. Bref, il a fallu jongler avec les genres et donner une vue panoramique de quarante-cinq ans d'activité. Mine de rien, c'est très conceptuel, tout ça !

Actusf : Avez-vous eu des contacts avec Moorcock lui-même, et si oui, comment se sont-ils passés ?
Pierre-Paul Durastanti : Non, aucun, pour la simple raison que je savais, par des messages envoyés sur des listes de diffusion en langue anglaise auxquelles j'appartiens et par des mentions dans des fanzines comme Ansible, qu'il avait des ennuis de santé (qui ne sont plus qu'un mauvais souvenir aujourd'hui) pendant la période où je travaillais sur le dossier, et je n'ai pas voulu le déranger. Il se serait surtout agi de réaliser un entretien par mail, or je savais déjà que j'aurais du mal à le caser. Par ailleurs, pour des auteurs qui sont vivants, qui ont une actualité, ne pas passer d'interview dans les numéros spéciaux (leur préférer un article autobiographique, par exemple) nous permet d'en placer une plus facilement dans un numéro classique de Bifrost.

Actusf : Comment avez-vous travaillé ? Y'avait-il un angle de Moorcock que vous vouliez présenter ou tout du moins une direction vers laquelle vous vous êtes orientée ?
Pierre-Paul Durastanti : 1. Dans la joie, la bonne humeur et le stress, comme d'habitude. Et sur un an, par bouffées délirantes. Ce qui a réclamé le plus de boulot, ç'a été la bibliographie. Heureusement, j'ai pu m'appuyer sur l'excellent travail des 42 dans le Grand temple de la SF, avec leur permission. Mais ça a quand même été le cauchemar.
2. Il fallait, à mon avis, avant tout privilégier la diversité de l'œuvre, pour quelqu'un qui bâtit un Multivers, ça me paraissait s'imposer ! J'ai donc choisi un article de présentation assez général dû à John Clute, demandé aux collaborateurs du Guide de lecture de traiter tous les cycles principaux et quelques volumes isolés, et mis un coup de projecteur sur l'important travail d'éditeur de Moorcock avec New Worlds en présentant son long essai sur le magazine et ses dérivés. Autrement dit, j'ai suivi le principe qui m'avait fait retenir des nouvelles sur un spectre thématique et tonal assez large.

Actusf : Apparemment il reste encore plusieurs livres à traduire, comment expliquer que les éditeurs français ne se précipitent pas ?
Pierre-Paul Durastanti : Il faudrait leur poser la question. ;-). Blague à part, certains sont assez médiocres ou datés, mais pas tous, loin de là, et on y réfléchit pour le Bélial'. Je m'empresse d'ajouter qu'il n'y a rien de fait, ni même de décidé.

Actusf : Avez vous déjà eu des réactions de lecteurs ? Comment ce hors série a-t-il été accueilli ?
Pierre-Paul Durastanti : C'est pour l'heure le dossier qui a généré le plus de commentaires de lecteurs, tous laudateurs, et, cadeau bonus, il nous amène des abonnés qui découvrent la revue par son biais. Je vois mal que demander de plus.

Actusf : Pourquoi avoir choisi de faire vos dossiers dans des numéros Hors Série ?
Pierre-Paul Durastanti : Pour mettre en valeur leur aspect événementiel, mais surtout pour des raisons de place. Dehors, toutes les rubriques habituelles ! Il faut dire qu'Olivier en avait un peu marre de pousser les murs. (Et ça n'a pourtant pas tout à fait suffi cette fois-ci, honte sur moi.)

Actusf : Quel sera le prochain Hors Série ?
Pierre-Paul Durastanti : Un Jack Vance. Miam !

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