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Interview de Tad Williams
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Interview de Tad Williams

Dans nos archives, nous avons cette chouette interview de Tad Williams, réalisée en 2007, alors que la Guerre des Fleurs venaient de sortir...

ActuSF : Monsieur Williams, vous avez multiplié les expériences avant de devenir écrivain. Qu’est ce qui vous a donné la certitude que vous étiez fait pour ça ?
Tad Williams : Rien, Vraiment... J’ai toujours été un conteur d’histoires, mais écrire fut la première de mes activités créatives qui s’est révélée suffisamment lucrative pour devenir une carrière. Si j’avais fait un disque ou un film qui me rapporte avant, cela aurait pu devenir ma voie.

ActuSF : Quel genre de livre aimez-vous lire ? Quels sont vos auteurs et vos livres préférés ?
Tad Williams : J’aime presque tous les genres. Bien que j’aie toujours beaucoup lu de science fiction et de fantasy, j’ai lu aussi beaucoup de non-fiction (histoire, science) et d’autres genres de livres. J’ai grandi avec Tolkien, Bradbury, Sturgeon, Zelazny, Le Guin, PK Dick, Fritz Leiber et Michael Moorcock pour en nommer quelques uns mais mes préférés, aujourd’hui, sont des auteurs historiques ou des romanciers comme Thomas Pynchon.

ActuSF : Arrivez-vous encore à vous dégager du temps libre pour lire ?
Tad Williams : Pas autant que je le voudrais. Mais j’y consacre chaque moment de libre que je trouve. Je préfère le temps passé avec un bon livre à la plupart des autres activités.

ActuSF : La Guerre des fleurs vient juste d’être traduite en français, près de quatre ans après sa sortie aux USA. Est-ce que vous portez une attention particulière à la qualité du travail de traduction ? Est-ce quelque chose sur laquelle vous aimez avoir un œil ?
Tad Williams : Je porte plus d’attention aux traductions - et aux marchés non-anglais de manière générale - que je n’avais l’habitude de le faire. Mais je dois toujours m’en remettre à mes éditeurs. Je parle un peu le français, l’espagnol et l’allemand, mais je ne me sens pas de taille dans aucune de ces langues pour me permettre de porter un jugement sur les traductions qui sont un art très complexe et une affaire de spécialistes.



ActuSF : Theo Vilmos est un héros qui donne l’impression d’être assez perdu et pas à sa place dans le monde réel. Etait-ce votre but de créer un personnage bien plus loser que héroïque ?
Tad Williams : Oui. Theo est un peu comme moi si je n’avais pas eu d’opportunités et le soutien de ma famille. Il fait de son mieux, cependant, c’est pourquoi je le trouve tout de même sympathique. Il est très humain – quel que soit son milieu et son passé - et les hommes sont imparfaits.

ActuSF : L’enfant terrible est un personnage mystérieux. Que représente-t-il pour vous ?
Tad Williams : L’idée d’un lien familial sans amour, je suppose - une idée que je trouve très dérangeante. Et, bien sûr, le pouvoir sans compassion. Une mauvaise combinaison.

ActuSF : Faery est un monde très complexe avec ses propres règles très différentes des nôtres. Quel était votre véritable but en créant Faery ? Que sont les feys pour vous ?
Tad Williams : Eh bien, nous sommes fascinés par le concept de Faery depuis des milliers d’années. Je voulais juste y apporter un axe différent. Et je suppose qu’il y a un angle satirique, comme presque toujours dans mon travail. Je ne crois pas qu’il soit possible d’écrire un très bon livre sans aucun humour. C’est juste ma réaction face à la condition humaine. Parfois c’est un rire jaune mais il y a toujours de l’humour.



ActuSF :
Sous certains angles, Faery est très proche de notre monde, mais cela se termine en guerre civile. Craignez-vous la guerre civile particulièrement ? Croyez-vous en la rébellion pour changer la société ?
Tad Williams : J’ai tendance à me méfier des solutions simples. L’idée que « celui qui est un combattant de la liberté pour l’un est un terroriste pour l’autre » est très forte pour moi. Je ne cautionne pas les solutions violentes, mais parfois, il est difficile d’entrevoir d’autres solutions. Ce n’est presque jamais vraiment blanc ou noir, nous ou eux, bien ou mal. Jusqu’à quel point le respect de la loi, QUELLE QUE SOIT cette loi, est préférable au risque de l’anarchie en tentant de changer les choses ? C’est une question difficile et je n’ai pas de réponse générique pour tous les cas. Personne ne devrait…

ActuSF : Maintenant, parlez nous un peu de Château d'Ombre ?
Tad Williams : Le cycle de Château d'Ombre est un retour à ce qui est parfois appelé la « High Fantasy ». Ca m'intéressait d'y revenir après m’en être éloigné durant ces 15-20 dernières années. C’est aussi une histoire sur la famille - sur, comme le dit le titre d’un des meilleurs films de Mike Leigh, « secrets et mensonges ».

ActuSF : Comment est née l’idée du Château d'Ombre ?
Tad Williams : Cela a débuté il y a longtemps avec l’idée d’un film de Fantasy, très long. Je pensais que ce format fonctionnerait mieux à la télévision, où l’on a le temps d’explorer un monde fictif (en fait je m’arrêtais sur un format de trois long films, comme pour le Seigneur des anneaux de Peter Jackson). Le projet pour la télévision tomba à l’eau, mais je ne renonçais pas à sortir l’histoire. J’ai donc commencé à écrire une série sur internet, puis c’est devenu un livre.

ActuSF : Vous souvenez vous de la première fois ou vous avez imaginé la barrière de brouillard ?
Tad Williams : Non, néanmoins cela a dû être assez tôt, quand je pensais encore au potentiel d’en faire une adaptation télévisée. J’aimais l’idée d’un château à la frontière du monde - à la frontière de deux mondes en fait - où l’action viendrait au protagoniste plutôt que ce soit eux qui voyagent vers l’action, comme dans les quêtes de Fantasy habituelle.

ActuSF : Qu’est ce que vous aimez dans Château d'Ombre ?
Tad Williams : Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai vraiment aimé travailler avec l’idée de famille - comme métaphore mais aussi littéralement. La famille est le creuset de tout ce qui fait de nous ce que nous sommes. C’est l’endroit où nous apprenons en premier lieu les mythes de l’humanité. C’est l’endroit où nous développons nos idées sur la société et aussi sur l’ordre du cosmos. C’est ce qui nous supporte (ou ce que l’on fuit) toute notre vie.



ActuSF : Comment positionnerez-vous Château d'Ombre par rapport à Memory, Sorrow & Thorn ? Est-ce que vous le voyez comme une suite de votre travail ?
Tad Williams : Tout mon travail est lié, mais pas explicitement. En vieillissant, je réalise que je suis un vieux chien avec de vieux trucs, pas parce que je ne peux pas en apprendre de nouveaux - je fais ça mieux que la plupart des gens - mais parce que les même choses qui m’ont fasciné toute ma vie sont encore mes principales sources d’intérêt. Je fais juste de mon mieux pour explorer ces choses d’une manière différente à chaque fois… !

ActuSF : Vous avez commencé à publier en ligne à raison d’un chapitre toutes les deux semaines. Même si le projet n’a pas été terminé, est-ce que vous envisagez de renouveler une expérience en ligne dans le futur ?
Tad Williams : J’adorerais renouveler l’expérience - peut-être encore plus interactive la prochaine fois. Je l’aurais fait deux ans de plus, avec bonheur, mais je ne pouvais pas gagner suffisamment d’argent en le faisant. Nous sommes encore aux balbutiements de ce genre de choses. Oui, je pourrais le faire encore, et le ferai probablement un jour.

ActuSF : Avez-vous entièrement repris les chapitres publiés sur internet ?
Tad Williams : Oui, tout ce qui a été publié originellement sur internet a été retravaillé pour la version papier et beaucoup de choses ont été ajoutées, telles que l’une des intrigues principales qui n’existe même pas dans la version en ligne. Aussi, j’avais une meilleure idée de comment fonctionnait le monde au moment où je réalisais la version livre, donc j’ai ajouté beaucoup de mythologie et d’histoire.

ActuSF : Vous venez de terminer Shadowplay. Que pouvez-vous dire aux lecteurs français pour leur donner envie de vous lire ?
Tad Williams : Je ne sais pas. S’ils aiment les romans de fantasy écrits pour des lecteurs intelligents, par un auteur qui travaille assez dur pour se satisfaire (parce que je suis un lecteur assez difficile) alors ils aimeront probablement mon travail. Je porte beaucoup d’importance aux personnages - j’essaie de les rendre réalistes et crédibles - et je pense être assez imaginatif. Les gens qui aiment mon travail le ressentent comme une réelle entrée dans un monde entièrement différent.

ActuSF : Château d'Ombre et Memory, Sorrow & Thorn sont deux séries de fantasy. Qu’aimez-vous dans la Fantasy ?
Tad Williams : J’aime l’ouverture - que tout puisse être vrai, tant que vous gardez la confiance du lecteur. On peut être aussi ambitieux que l’on veut pour peu que les lecteurs continuent de tourner les pages.

ActuSF : Maintenant, parlons un peu de l’aventure Aquaman. Comment est née l’idée et où en êtes-vous ?
Tad Williams : Je voulais faire des comics depuis un temps. J’ai grandi en les lisant. AQUAMAN m’a été proposé et je suis heureux de m’en être chargé, mais c’est terminé maintenant. Le dernier est paru le mois dernier. C’était amusant, et une expérience enrichissante. Les lecteurs de comics sont très ouverts et très prompts à partager leurs opinions.



ActuSF : Qu’aimez-vous dans ce personnage ?
Tad Williams : J’aime le coté « autre monde ». Qui n’aimerait pas avoir l’océan entier comme terrain de jeux ?

ActuSF : Est-ce que vous êtes intéressé par l’écriture d’autres comics ?
Tad Williams : J’aimerais bien. J’ai plusieurs propositions de diverses compagnies. Nous verrons ce qui en ressort.

ActuSF : Quels sont vos plans ? Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Que prévoyez-vous pour le futur proche ?
Tad Williams : A part mon travail sur Shadowrise, le dernier livre de Château d'Ombre, je travaille avec ma femme Deborah Beale sur une série de livres fantasy pour adolescents. Le premier s’intitule THE DRAGONS OF ORDINARY FARM et fait beaucoup parler de lui, je suis heureux de le dire, même si le premier volume n’est pas encore terminé. Nous avons même eu quelques œillades de la part de l’industrie cinématographique, nous verrons ce qui arrivera. Je vais faire un livre sur le cycle de l’Anneau - celui de Wagner, pas de Tolkien - avec un artiste nommé Paul Storey (il fait les dessins, je fais le texte) et j’ai plusieurs autres projets, y compris un recueil de courtes histoires, déjà bouclé. Oh, et j’aide à la création d’un MMOG des livres OTHERLAND. Donc, je ne suis pas près de prendre des vacances.

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