Actusf : Comment est née l'idée de ce projet ?
Thierry Cailleteau : Je traînais l'univers et le sujet depuis près de 10 ans. J'adore les anachronismes, ça se sent d'ailleurs dans Aquablue avec le premier cycle et la rencontre entre les indigènes et les terriens qui amènent de la technologie. Comme quoi il y a des thèmes récurrents… J'avais donc en tête cette idée d'avoir potentiellement des agents secrets sur une planète médiévale ! Ca m'amusait beaucoup et je commence seulement à l'exploiter dans Anachron. Tim Powers l'avait fait dans son roman Les Voies d'Anubis mais pas de la même façon avec un voyage dans le temps. Il y avait également Les croisées du cosmos, un vieux livre de Poul Anderson, dans lequel des croisées prennent possession d'un vaisseau spatial en pensant que c'est l'arme secrète des français pendant la guerre de 100 ans. J'aime bien ces sujets humoristiques et anachroniques. Je trouvais qu'il y avait pas mal de possibilités et je voulais mélanger ça avec le serpent de mer qui circule chez les amateurs d'extraterrestres qui disent que les ET sont déjà là depuis des milliers d'années pour nous guider. Et puis finalement l'opportunité s'est faîte sur la rencontre avec Joël Jurion qui aimait bien faire de la SF et de la fantasy. C'était alors le moment de sortir cette histoire et je l'ai développé un petit peu.
Actusf : Qu'est-ce qui vous a séduit chez lui ?
Thierry Cailleteau : J'aime bien la rondeur de son dessin, ses références, sa culture graphique… et puis pour quelqu'un qui n'avait jamais dessiné un album, il avait beaucoup de potentiel. Il partait avec un bon niveau.
Actusf : Comment pourriez vous présenter la série ?
Thierry Cailleteau : Ben je viens de le faire. C'est un anachronisme. Et puis c'est encore une histoire en devenir, que ce soit sur le plan du scénario ou du dessin. Pour Jurion ce n'est que son troisième album et moi j'ai encore beaucoup de progrès à faire dans la maîtrise de l'univers. Le 4ème volume va clore l'histoire que l'on a entamée. Et puis après on ferra des histoires plus courtes, plutôt en 2 albums. J'ai encore de nombreuses idées à exploiter, de bien meilleurs façons que dans les premiers volumes.
Actusf : Pourquoi en deux albums ?
Thierry Cailleteau : Parce que faire un grand cycle demande 4 ou 5 ans de travail. Souvent on arrive à la fin en ayant perdue l'envie qu'on avait en commençant. C'est un peu usant. Mais faire un album tout seul, c'est un peu ennuyeux parce que le format Bd est un petit peu court. En 46 pages l'histoire est plutôt succincte. Donc le meilleur compromit ce sont les deux albums, parce qu'une fois réunis, ils forment une histoire avec assez de densité et sans user sur la longueur.
Actusf : Vous parliez d'idées qu'ils vous restent à exploiter, vous découvrirez vous aussi l'univers d'Anachron au fur et à mesure ?
Thierry Cailleteau : Oui parce qu'avant de commencer l'histoire, je n'ai pas définit une carte du pays et notant tout ce qu'il y avait autour. Justement parce que ce serait dommage de tout figer. Il faut pouvoir travailler en gardant des possibilités d'improvisations. Je ne parle pas de la réalisation des albums où là, il y a un travail technique. Mais je ne vais pas définir complètement l'univers maintenant en me disant que je ne vais plus y toucher. Je veux pouvoir y mettre des tas de peuplades, des tas de cultures et de civilisations différentes et je ne veux pas toutes les imaginer en même temps.
Actusf : On retrouvera les mêmes héros ?
Thierry Cailleteau : On va garder le même noyau dur. En ce moment, on arrive sur la fin de la série et on se retrouve avec une dizaine de personnages principaux. Ce qui est sympa, c'est de faire comme Hergé dans Tintin. Il y avait des personnages comme la Castafiore qui revenaient de temps en temps dans les albums, mais pas dans tous. Pareil pour Rastapopoulos. C'est sympa aussi pour les lecteurs.
Actusf : J'imagine que ceux-ci sont assez attachés aux personnages…
Thierry Cailleteau : J'ai assez peu de retour parce que je ne fais pas beaucoup de dédicaces. Mais d'une manière générale ils ne suggèrent pas trop des histoires, mais ils râlent quand on tue un personnage. Où alors ils veulent savoir ce qui va se passer un peu avant tout le monde.
Actusf : Vous avez déjà fait des séries en SF et en fantasy. Qu'est-ce qui vous attire dans les littératures de l'imaginaire ?
Thierry Cailleteau : J'ai attrapé ça étant petit. Depuis le début de mon adolescence, j'ai lu 90% de trucs de fantasy ou de SF. Au départ ce qui m'a vraiment branché dans ces univers, c'est la littérature. Je me suis ensuite dirigé vers la BD vers 17 ou 18 ans avec les séries comme Valérian… Et puis vers 20 ans, j'ai découvert les premiers effets spéciaux convaincants avec des films comme Star Wars. J'ai également énormément joué aux Jeux de rôle. C'est pour moi le genre de divertissement par excellence. Il n'y a rien de plus décalé pour vous faire oublier la réalité. C'est l'évasion qui m'attire.
Actusf : Comment on se sent quand un album va sortir ? Un peu d'anxiété ?
Thierry Cailleteau : Quand je reçois un album, je passe une semaine épouvantable parce que je le trouve nul. La première lecture est toujours terrible. En général je me dis : " ça ne marchera jamais, c'est trop mauvais ". Ca me le fait à tous les coups. Et puis on s'habitue. On va chez les libraires et on voit les piles qui diminuent et on se dit que les gens ne sont pas idiots, et que si c'était vraiment mauvais ils ne l'achèteraient pas. Et puis on finit par l'accepter et à le trouver bien.
b : Et comment vous voyez vos premiers albums ?
Thierry Cailleteau : Mes premières histoires, c'étaient Fred et Bob rééditées par Delcourt il y quelques temps. Et en le relisant, je me suis dit que c'était pas si mal, que ça n'avait pas énormément vieilli. Mais il y a des choses avec lesquelles je suis moins tendre. Le premier Aquablue par exemple. J'aimerai bien le réécrire. Parce que c'était ma première grande histoire en dehors des récits courts. Et puis il y a des choses que je n'aime pas dans le rythme.
Actusf : Quels sont vos projets ?
Thierry Cailleteau : La retraite (rire). Le prochain Anachron. Je suis également en train de mettre en place une série dérivée d'Aquablue avec un autre scénariste et un autre dessinateur. Je refais également un Aquablue avec Vatine. Et puis je suis en train de travailler avec Christian Denayer sur la reprise de la série de Van Hamme : Wayne Shelton. Quatre projets c'est mon maximum. Au-delà, je ne serais pas capable de faire d'autres albums sans tomber dans les automatismes. Je ne veux pas appliquer une recette sans pouvoir me remettre en question.
La chronique de 16h16 !