Nous : Comment est née l'idée de La lumière des morts ?
Thierry Di Rollo : Pour ce que je peux et veux vous en dire, je cherchais, comme toujours, un sujet où je pourrais m'épancher librement, sans contrainte, par rapport à ce que je vivais personnellement à l'époque, et dont je ne confierai rien parce que cela ne regarde que moi. L'idée de la réserve de BostWen est donc venue toute seule, je ne sais pas comment, et plus j'y pensais, plus les développements possibles se multipliaient d'eux-mêmes. Je savais, dès lors, que je tenais un sujet assez fort, à mes yeux, pour en faire un roman. La deuxième partie s'est imposée dans la foulée, presque naturellement. J'ai en fait toujours été fasciné par la faune africaine, parce que c'est brut, âpre, et que les animaux ne trichent pas. Ils ne font que survivre, la méchanceté; la cruauté leur sont totalement étrangères. Cela change de ce que nous sommes. En clair, j'ai fait parler mes propres peurs, sans retenue.
Nous : Comment présenteriez-vous ce livre à quelqu'un qui ne l'aurait pas lu ?
Thierry Di Rollo : La question est difficile. Je dirais, sans trop réfléchir, qu'il s'agit d'un roman où j'essaie de pointer du doigt une certaine forme d'absurdité humaine et la folie qui en découle. Et que surtout, la violence n'y est pas gratuite. Mais toujours justifiée par rapport aux personnages mis en scène, à leur passé, et à ce qu'ils vivent au moment où ils entrent dans l'histoire.
Nous : Ce livre a reçu un bon accueil de la part des critiques (nous y reviendrons) et certains d'entre eux ont vu dans la lumière des morts des références à la littérature générale. Qu'en est-il réellement ? Y'a-t-il eu des livres ou des auteurs qui vous ont influencé ou servit de référence ? Et si oui lesquels ?
Thierry Di Rollo : Euh!... je n'ai pas pris connaissance des critiques dont vous parlez.
Non, aucune référence pour "La lumière des morts", j'ai eu le temps de les digérer, depuis. Il y a une dizaine d'années, j'ai dévoré tout Dick, tout Pelot. S'il fallait en citer deux, ce serait ceux-là, pour la force de leur univers. J'ai été aussi très impressionné par la sobriété de style de "L'étranger", de Camus. Pour le reste, j'avais lu tous les classiques du 19ème siècle, Stendhal, Flaubert, Balzac, pour l'ampleur, quelques poèmes de Hugo, de Baudelaire, les fables de La Fontaine, pour la concision et l'incroyable maîtrise de la langue. Je ne voulais pas me lancer dans l'écriture sans savoir ce que cela signifie réellement. Ce que je dis est vrai. C'est ainsi que je me suis "formé". Ceci posé, la seule critique journalistique que j'ai lue est celle de Libération (et encore: on m'en a averti diligemment, sinon, je serais passé à côté). Vraiment touchante, dans la mesure où le critique - que je ne connais pas, évidemment - a pris le livre en tant que tel, sans mentionner d'hypothétiques références. Alors, pourquoi en chercher, toujours? Vous, dans la vôtre, vous ne l'avez pas fait non plus. Est-ce que cela vous a empêché d'apprécier le livre?
Nous : Les critiques positives se multiplient, comment vous positionnez-vous par rapport à cela ? Cela vous fait plaisir ou au contraire vous n'en avez cure ?
Thierry Di Rollo : Il faudrait être azimuté au dernier degré pour ne pas y être sensible, non? Je ne peux donc en avoir cure, même si c'est vous qui m'apprenez que les "critiques positives se multiplient". Olivier, en bon éditeur, s'intéresse d'abord aux ventes de ses livres. Moi, je ne lui demande pas de coupures de presse. Et ça fonctionne très bien comme ça. Bien sûr, cela fait plaisir de constater que mon roman est apprécié, et des lecteurs aussi et d'abord, j'espère. Cela me récompense un peu de toutes ces années difficiles où j'apprenais encore à écrire. Et c'est un hommage rendu à ceux qui m'ont assisté, soutenu quand je doutais, encouragé aussi, au cours de mon apprentissage: Gouanvic et Nicot, Milési, Dumay, Girard, dans l'ordre chronologique, et pour citer les "balises" incontournables de mon parcours.
Nous : Quatre ans séparent La Lumière des morts de votre second livre. Que s'est-il passé pendant ce temps ? Vous avez fait une pause dans l'écriture ?
Thierry Di Rollo : Non. J'ai écrit La lumière des morts en 2000. Ce sont les mésaventures de la maison Bélial - je me demande même comment Olivier a pu s'en dépêtrer, d'ailleurs - qui ont retardé un tant soit peu la sortie du livre. Ceci dit, il me faut malgré tout du temps pour trouver une idée qui, à mes yeux, en vaille la peine. Là, par exemple, il faudrait que je m'attelle au prochain...
Nous : Votre roman est assez noir et désespéré comme souvent vos récits. Pourquoi avoir fait ce choix ? Est-ce parce qu'une ambiance sombre permet de faire ressortir des histoires fortes et des personnages extrêmes ?
Thierry Di Rollo : Non, parce que je ne sais rien faire d'autre. Si je ne mets pas toutes mes tripes dans mes romans - les nouvelles restent plus récréatives à mon sens -, je m'ennuie très vite. Nuancer ne m'intéresse pas. Et puis, c'est mon univers à moi, tout simplement. C'est comme ça que je vois les choses, les ressens. A titre d'exemple, pour moi, un tunnel, c'est d'abord le noir, l'absence de lumière. Je me fiche de savoir s'il est rectiligne ou courbe, s'il est en pierre ou en béton, sauf si ça peut servir l'histoire. Et je pense tout de suite à ce qu'un être humain peut ressentir, dans un tel endroit. Est-ce qu'il a chaud? froid? Est-ce qu'il a peur? Est-ce qu'il a envie d'en sortir? Pourquoi est-il ici? A quoi pense-t-il quand il est là-dedans?
Nous : On pourrait voir dans La lumière des morts une critique de notre société dans la manière dont elle pousse les gens à la folie. Etait-ce voulu ? (ou au contraire pas du tout ou bien alors inconsciemment)
Thierry Di Rollo : Oui, c'est totalement voulu. Je ne peux pas concevoir la rédaction d'un roman sans y inclure un contexte social déterminé, enfin, une certaine forme de contexte social, vu à travers le prisme de l'anticipation. La détresse humaine, sous toutes ses formes, est pour moi le pire de ce que l'on peut endurer. Et elle est toujours provoquée par le mépris de certains vis-à-vis de tous les autres. Tant que cette attitude d'indifférence ignoble parce que calculée me fera vomir, j'écrirai. Bon, c'est sûr, on ne peut pas affirmer que Dunkey vit une profonde détresse. Je pense surtout à Linder, lorsque je dis cela.
Nous : Quels sont vos projets ?
Thierry Di Rollo : Deux nouvelles à paraître, l'une pour l'anthologie de Monot sur Cugel - je me suis bien amusé en l'écrivant -, l'autre pour le collectif de Bauduret sur le thème Rock'n'roll et imaginaire. J'y parle des Beatles, ma première et dernière référence. Et puis... un roman, à écrire. Et que j'espère être le quatrième.
La chronique de 16h16 !