Actusf : En préambule à toute autre question, la seule au fond qui compte vraiment : Beatles ou Stones ?
Thomas Benet : Stones
Christian De Metter : Aucun des deux. Tout cela n'est qu'une guéguerre d'images, fausses par ailleurs.
Actusf : Placer votre intrigue dans le Swinging London des années 60 est un choix un peu inhabituel. Qu'est-ce qui vous attire dans cette époque ?
Thomas Benet : La créativité, l'esprit d'ouverture et de liberté, les expérimentations en tous genres, la conviction que le monde pouvait être changé. Et bien sûr la musique rock qui a su cristalliser tout cela.
Actusf : 1967 est l'année où tout commence à tourner à l'aigre : Brain Epstein meurt, les Beatles connaissent leur premier échec commercial avec the Magical Mystery Tour, l'héroïne débarque un peu partout dans Londres, les Stones essaient de se défaire de Brian Jones et font face au plus gros scandale de leur histoire. Pourquoi avoir choisi cette année précisément ?
Thomas Benet : L'été 1967 c'est aussi le "summer of love", la vague Hippy venue de la côte Ouest des USA, un grand vent d'hédonisme et d'utopie qui souffle jusque sur la vieille Europe. Mais comme vous le dites, c'est aussi la fin d'une période d'innocence pour la génération de l'après-guerre, les désillusions de la gloire rapide, la confrontation brutale avec les forces les plus réactionnaires de la société, la prise de conscience sociale pour de nombreux rockers, les premiers morts par overdose. Cette contradiction est un matériau rêvé pour un scénariste.
Actusf : Les tentatives d'hybridation avec le rock sont assez hasardeuses, et souvent donnent des résultats décevants. Ne craignez-vous pas de vous y embourber ?
Christian De Metter : Le rock n'est que la toile de fond de Swinging London. Il n'est pas le sujet principal.
Thomas Benet : C'est seulement le point de départ pour des histoires qui mêlent affaires de mœurs, criminalité, politique et fantastique.
Actusf : Pourquoi avoir fait mourir Jasper Brown le même jour que Brian Epstein ?
Christian De Metter : Pour éviter les frais d'enterrement.
Actusf : Votre style est très sombre, spécialement en regard d'une période aussi "acidulé", jouez-vous à dessein de ce contraste ?
Christian De Metter : Il me semble que je n'ai jamais fait un album autant coloré. Maintenant, j'aurais aimé le voir avec une bonne impression…
Actusf : Votre approche est très arty. Quelles techniques utilisez-vous ?
Christian De Metter : Arty ? Ah… Disons que je dessine sur une feuille avec le pied droit, que je peins sur une autre feuille avec le pied gauche et je superpose le tout via Photoshop : )
Actusf : Sans pour autant lui accorder une place trop importante dans votre récit, votre reconstitution du Londres de l'époque est très précise. N'avez-vous pas eu trop de mal à trouver des documents iconographiques ?
Christian De Metter : J'aime cadrer mes histoires dans une époque (souvent passée) mais après j'essaye d'en donner essentiellement une impression qui m'est propre. Je ne cherche surtout pas la précision historique, sauf si c'est vraiment nécessaire à la scène. Mais effectivement, les documents sur cette époque sont plus rares que je ne le pensais au départ.
Actusf : Vous parsemez votre histoire de petits clins d'œil qui raviront les connaisseurs de l'époque, mais n'avez-vous pas peur de noyer votre intrigue dans ces petits instantanés ?
Thomas Benet : Les clins d'œil ne s'adressent qu'aux érudits du rock dont vous êtes. Je pense qu'ils passeront totalement inaperçus pour la plupart des lecteurs.
Christian De Metter : Ce sont des clins d'œil et ils sont petits comme vous le dites. De là à noyer une intrigue…
Actusf : Pourquoi avoir choisi deux héros issus des plus grosses communauté immigrées de l'époque ?
Thomas Benet : D'abord, parce que les personnages marginaux ou décalés sont plus riches d'un point de vue narratif. Ensuite parce que c'est juste historiquement. C'est dans les années 60 que les problèmes d'immigration se posent réellement en Angleterre, avec les premières rixes interraciales et la naissance du National Front.
Actusf : Quel est votre groupe préféré de l'époque ?
Thomas Benet : Voir la réponse à la première question…
Christian De Metter : A part les Queen Bees (dont l'album ressortira peut-être un jour), Jimi Hendrix.
La chronique de 16h16 !