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Interview de Xavier Dorison
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Interview de Xavier Dorison

ActuSF : Comment l’idée des Sentinelles vous est-elle venue ?
Xavier Dorison : La genèse de cette histoire est surtout liée à une passion pour les super-héros, héritée de mes lectures de Strange, Spiderman et autres Marvel de mon enfance. Ce sont ces lectures qui m’ont ouvert les portes de la BD. Ce n’est pas si étonnant que ça que je sois retourné aux sources !

ActuSF : Comment s’est fait la rencontre avec Enrique Breccia ? Pourquoi l’avoir choisi comme dessinateur ?
Xavier Dorison : C’est notre directrice de collection, Marya Smirnoff, qui m’a envoyé des dessins d’Enrique, sans me dire le nom de l’auteur. Elle m’a demandé si j’aimais et si ça pourrait coller avec Les Sentinelles. Vous connaissez la réponse…
Pour cette série, je souhaitais un dessin très classique, qui me paraissait coller à l’époque, et qui soit en même temps « intense » et « puissant ». Bref, tout sauf neutre !!.... Et c’est exactement le travail d’Enrique.

ActuSF : Comment s’est organisée votre collaboration avec Breccia ? Avez-vous beaucoup échangé, lui donnant son avis sur le scénario, et vous sur le dessin ou le découpage ?
Xavier Dorison : Malheureusement assez peu. Tout simplement parce qu’il vit en Argentine et ne parle qu’Espagnol… Ce qui n’est pas mon cas !

ActuSF : Votre série parle de super héros français, ce qui est peu fréquent. Avez-vous une explication au fait que la France n’ait pas la culture du super héros ? Est-ce pour essayer de combler ce manque que vous avez créé Les Sentinelles ?
Xavier Dorison : Dans l’absolu, la France vit très bien sans super-héros ! Merci pour elle ! Cela dit, le fait qu’elle n’en ait pas est surtout révélateur d’une absence d’idéal constructif fort. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le super-héros n’est que le vecteur des croyances profondes d’une société. Nos amis américains croient dans la force, la justice incarnée, une nette différence entre le Bien et le Mal, à l’auto-justice, etc… Et ça donne le Punisher ou Captain America. En France, on croit aux acquis sociaux, aux 35 heures et à la retraite à 60 ans…. Alors, j’aurais pu créer un Super-sécu, mais ça n’aurait pas fait rêver grand monde ! Reste que jusqu’en 1914 notre culture était attachée à des convictions héritées des Lumières, ce qui explique qu’un super-héros reste crédible à cette époque.

ActuSF : Le terme « Sentinelles » évoque plutôt un rôle défensif ou protecteur, alors que les héros de la série sont plutôt offensifs. Qu’avez-vous voulu signifier avec ce titre ?
Xavier Dorison : Les Sentinelles sont surtout censées protéger la France d’une invasion… Mais, pour être honnête, le colonel Mirreau trouvait surtout que… ça sonnait bien !

ActuSF : « Sentinelles » pourrait d’ailleurs être une traduction de « Watchmen ». Y a-t-il un rapport avec le célèbre comic de Moore et Gibbons ? Plus généralement, quelles ont été vos sources d’inspiration pour cette série, s’il y en a ?
Xavier Dorison : Dans le concept, les Watchmen et La Ligue des Gentlemen extraordinaires sont, évidemment, d’énormes sources d’inspiration. Plus globalement, c’est le regard de Moore sur les super-héros, et le fait qu’il ait réussi à y mettre en valeur, à ce point, sa spécificité, que j’ai considéré comme un modèle.

ActuSF : Les personnages de Sentinelles évoquent des figures archétypales du récit fantastique populaire : l’officier inflexible, la brute épaisse, le savant plus ou moins fou, le héros Français moyen auquel on peut s’identifier. En quoi ce type de personnages vous touche-t-il particulièrement ?
Xavier Dorison : Je crois que notre première appréhension des gens est presque toujours archétypale et que c’est en connaissant un peu mieux notre prochain que l’on se rend compte de la diversité absolue de l’humanité. Pas étonnant, donc, que l’approche en scénario ne soit qu’un raccourci de celle de la vie.

ActuSF : Dans le second tome, Gabriel Féraud s’écarte cependant du modèle initial et gagne en complexité. Sans rien dévoiler de la suite, cette évolution va-t-elle se poursuivre, et en quoi vous intéresse-t-elle ?
Xavier Dorison : Oui, cette évolution va se poursuivre. La raison est simple : il est confronté au tragique de la vie et ne peut pas ne pas en retirer de leçons ou du moins une expérience. Quand on est confronté à 14-18 (en BD) ou à la mort ou la maladie (dans la vie !), on change…

ActuSF : Le sentiment général en France n’est pas particulièrement au patriotisme. N’y a-t-il pas un décalage entre cette série qui met en avant des héros de la patrie et les bandes dessinées de super héros « civils » ? Est-ce volontaire ?
Xavier Dorison : En fait, Les Sentinelles n’est PAS une BD patriotique, au contraire. Je pense même que le patriotisme est un dévoiement complet des valeurs que la France des Lumières voulait défendre. D’ailleurs, si vous y regardez de plus près, aucun personnage « positif » n’agit pas patriotisme, mais plus pour ses propres principes ou son copain…

ActuSF : Les deux premiers tomes de la série couvrent seulement trois mois de la guerre. Combien de tomes avez-vous prévus pour Sentinelles ? Prévoyez-vous un récit détaillé de la guerre ou allez-vous vous concentrer sur des moments clef ?
Xavier Dorison : L’idée est de passer par les grandes étapes de 14-18 : les Dardanelles, les batailles au cœur de l’Afrique, Verdun, les mutineries… Bref, tant que l’on s’amusera…

ActuSF : Quels sont vos autres projets ?
Xavier Dorison : Je continue mes séries en cours !... Bientôt, Le Syndrome d’Abel 2, Long John Silver 3, West 6… Et l’antésuite du Troisième Testament : Julius !

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