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Interview Denis Guiot
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Interview Denis Guiot

ActuSF : Bonjour Denis. Vous travaillez maintenant avec Intervista. Pourriez-vous nous expliquer ce qui vous a décidé à intégrer cette équipe ?
Denis Guiot : Ayant appris mes démêlés avec Mango concernant la publication du roman de Nathalie Le Gendre, Les Orphelins de Naja, Constance Joly-Girard, éditrice chez Intervista, m’a contacté. Luc Besson cherchait à donner plus d’ampleur à sa maison d’édition et était à la recherche de « gros poissons » dans le domaine de la littérature jeunesse. Il s’est avéré que mon carnet d’adresses ne comportait que peu de « gros poissons » et que, d’ailleurs, les quelques rares que je connaissais préféraient rester chez leur éditeur respectif ! Donc, Constance et moi, avons élaboré le concept d’une collection destinée aux 15-20 ans que nous avons présenté à Luc Besson fin mai. Il a immédiatement accepté (sans doute parce que dans sa jeunesse il était lui-même peu porté vers la lecture et que le pari de faire revenir vers le livre les post-ados l’a séduit).

ActuSF : Quel genre de romans trouve et trouvera-t-on dans « 15-20 » ?
Denis Guiot : C’est une collection où l’imaginaire est la pierre angulaire. A base de science-fiction essentiellement, mais on y trouvera aussi du fantastique (en mars paraîtra Je suis ta Nuit de Loïc Le Borgne, un roman splendide sur la perte de l’innocence), voire de la fantasy urbaine… Chaque roman de la collection « 15-20 » a l’ambition de divertir l’adolescent le plus rebelle à la lecture, de le faire rêver, de l’émouvoir, mais aussi de l’aider à prendre sa place dans le monde.

ActuSF : C’est une collection plutôt tournée vers les sujets qui sont censés préoccuper les 15-20 ans et non pas vers l’imaginaire pur. Quelle vision du monde pensez-vous que les adolescents ont ?
Denis Guiot : L’ « imaginaire pur », pour reprendre votre expression, n’a pour moi guère d’intérêt s’il n’est pas porté par du sens.
Quant à la « vision du monde » des adolescents, je n’ai pas la prétention de la connaître, mais je fais confiance à leur curiosité, leur générosité, leur sens de la justice et leur volonté de réfléchir à un monde meilleur.

ActuSF : Et quelle vision du monde les livres que vous publiez renvoient-ils ?
Denis Guiot : Ils ne renvoient pas à une vision du monde, mais à un questionnement du monde. Ainsi, les premiers « 15-20 » parlent de la destruction de la planète, du suicide des jeunes, du Mal qui est en tout être humain, de l’immigration, des banlieues, de terrorisme, etc. Mais pas du tout sous la forme de discours moralisateur, surtout pas ! Ce serait totalement contre-productif, car "chiant". La priorité est donnée au divertissement. Il s’agit avant tout de passionner le lecteur. Et tout en lui proposant des histoires passionnantes, visuelles, portées par des persos qui le font vibrer, de lui donner à voir des choses essentielles. Tout comme l’imaginaire pur, le divertissement gratuit ne m’intéresse pas.

ActuSF : Les parents, les professeurs se plaignent que ces adolescents ne lisent plus. Trouvez-vous cela justifié ?
Denis Guiot : Entre 15 et 20 ans, il est en effet communément admis que les jeunes ne sont pas des fous de lecture. C’est l’âge où les copains et les copines, la découverte de l’autre sexe et l’enjeu des études les accaparent. Il faut dire aussi qu’ils trouvent rarement des livres à leur goût. La littérature traditionnelle « de jeunesse » ne les accroche plus et les livres que lisent leurs parents les rebutent. Profitant de ce no man’s land éditorial, les jeux vidéos, la musique et le cinéma deviennent les distractions favorites des jeunes de cet âge. D’où le pari de « 15-20 » qui consiste à ne pas considérer cette désaffection comme une fatalité

ActuSF : Pensez-vous que la SF peut favoriser le « déclic » de lecture qu’a connu tout lecteur, un jour ? Le genre plait-il plus aux adolescents ?
Denis Guiot : La SF peut favoriser ce déclic car, sous une forme extrêmement distrayante, elle propose des idées décapantes et ouvre l’esprit. Elle est un souffle de liberté, une garantie d’évasion, un regard iconoclaste sur le monde, un sacré remue-méninges.
Mais elle est aussi victime d’idées reçues, comme quoi elle est compliquée, réservée aux garçons, infantile, sans âme, trop scientifique, etc. Dans toutes les collections que j’ai dirigées, je me suis employé à réfuter ces idées reçues. Et c’est - entre autres - ce que je continue à faire chez Intervista, avec l’aide inestimable de Constance Joly-Girard. Car nous dirigeons ensemble la collection. « 15-20 » est une collection mutante à quatre mains.

ActuSF : Mu, le feu sacré de la Terre, tome 1 de la Trilogie du Gardien de l’américain David Klass est le premier titre de la collection « 15-20 ». Qu’aimez-vous dans Mu ?
Denis Guiot : Tout d’abord le style ! L’usage immodéré des phrases nominales, revendiquées avec provocation par le narrateur dès le début de l’histoire, donne au roman un rythme effréné et un ton insolent qui interpelle le lecteur. L’humour, omniprésent : les réparties de Gisco, le chien télépathe, sont vraiment savoureuses. L’action, trépidante. Et bien sûr, la thématique écologique. La scène de destruction des fonds marins est particulièrement éprouvante. Mieux que de longs discours, cette scène prend aux tripes et donne envie de se bouger pour la planète.
Divertissement haut de gamme et prise de conscience, Mu, le feu sacré de la Terre est parfaitement représentatif de la ligne éditoriale de « 15-20 ».

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