ActuSF: On sait qu'un auteur qui apparaît aujourd'hui à nos yeux travaille probablement depuis des années. Depuis quand écris-tu ?
Éric Holstein : Officiellement, ma première nouvelle publiée date de 2005, par là, c'était dans Solaris.
Cela étant, quand j'ai rejoins ActuSF, Jérôme Vincent a absolument insisté pour publier sous forme artisanale un truc super mauvais que seuls Joseph Altairac, les 42 et Georges Bormand doivent avoir. Sinon, j'ai un peu écrivouillé avant, mais j'ai vraiment pris conscience que j'aimais bien, en écrivant des pubs et des promos d'émissions radio. Pas forcément glorieux, mais bon...
ActuSF: Comment t’es-tu décidé à en faire profiter les autres ?
Éric Holstein : Je ne sais pas trop, ce qui fait qu'on décide de vouloir se faire publier. Comme pour toute activité artistique, dès lors qu'on l'envisage de manière un peu plus professionnelle que pour son propre plaisir, il y a une certaine vanité derrière tout ça. La présomption de s'imaginer que ce qu'on peut produire peut aussi intéresser quelqu'un d'autre. En fait, en radio, je faisais déjà profiter les autres de ma prose.
ActuSF: Avec la parution coup sur coup de deux textes plus visibles (i.e. pas au Canada) on peut dire que c'est parti ?
Éric Holstein : Là, on peut dire que tu es une enthousiaste optimiste. Rien n'est jamais certain.
Mais c'est vrai, que de figurer au sommaire de Retour sur l'Horizon et de travailler avec Serge (qui est un peu l'auteur qui m'a donné envie d'essayer un jour) et de voir un roman publié, ça donne envie de continuer à faire des efforts.
ActuSF: Sur un plan pratique, comment t’organises-tu entre ta vie de famille, le boulot, ActuSF, l’écriture ?
Éric Holstein : Ben alors déjà pour le boulot, tout va bien, je suis au chômage. Donc, ça, c'est fait...
Pour la famille, je réapprends les fondamentaux avec mon fils, qui est en CP.
ActuSF, hélas, je ne chronique plus beaucoup (parce que je lis lentement et plutôt de la doc, et parce que c'est assez compliqué d'écrire et de lire en analysant ce que font les autres. Enfin, moi, j'ai du mal à y arriver). Par contre, je m'occupe toujours des articles des autres, et je travaille toujours sur le volet édition d'ActuSF.
Pour l'écriture, j'essaie d'être régulier. Je m'y atelle tôt le matin et j'essaie de tomber du signe.
Évidemment, tout ça est plus gratifiant que rentable, alors cet état de béatitude marginale n'aura qu'un temps, il va sans dire.
ActuSF: Tu tiens à garder les pieds sur terre...
Éric Holstein : Ah parce qu'on vit dans un monde où on a le choix ? Et personne ne me dit rien !
ActuSF: Certains sont moins raisonnables et se donnent le choix, à leurs risques et périls…
Éric Holstein : Cool pour eux. A quarante balais avec deux gosses, c'est un loisir que je n'ai plus depuis longtemps.
ActuSF: Parlons un peu des Petits Arrangements...
Éric Holstein : C'est ça, parlons plutôt de ça...
ActuSF: Quelle est l'histoire de ce roman? Entre la première idée, la rédaction, l'envoi, la réponse de Mnémos...
Éric Holstein : En fait, j'avais depuis longtemps l'idée de faire, un jour, un roman de vampire. J'ai en lu beaucoup. Quelques bons et beaucoup de mauvais, mais c'est une figure du fantastique qui m'a longtemps fasciné. Donc, cette idée de voleur de temps doit bien avoir dans les dix ans. Ensuite, lorsque j'ai commencé à penser un peu plus sérieusement, j'ai cherché un mode de vie crédible pour mes vampires. Il ne pouvait donc être question qu'ils sucent du sang, il fallait qu'ils vivent dans les interstices de la société. De là à en faire des marginaux, limite des escrocs, il n'y avait qu'un pas.
Le dernier déclic est venu d'un roman que j'ai lu, où l'utilisation de l'argot ne m'avait pas semblé crédible. Lorsque j'y ai pensé, je me suis aperçu que c'est parce que l'argot (qui est une autre de mes marottes) n'était utilisé que comme un alibi. Une surcouche destinée à vaguement caractériser le personnage.
Du coup, lorsqu’Eugène s'est dessiné lentement, l'argot est devenu, au contraire, central. C'est son langage qui a décidé de son caractère, de sa personnalité.
De là, j'ai commencé à mettre sur le papier quelque chose comme 80 pages, qui m'ont servi de passeport et de synopsis pour Mnémos.
Ça s'est fait autour d'un déjeuner avec Célia Chazel, qui me parlait de ses envies de traduction et qui m'a demandé si j'avais des envies d'écriture. Je lui ai dit que j'avais un vague projet tournant autour du vampirisme. Elle m'a dit « fait péter », j'ai dit « chiche » et un mois plus tard, elle disait « banco ». Travaillent en flux tendu chez Mnémos.
ActuSF: À cause de tes activités chez ActuSF, tu connais le métier d'éditeur. Est-ce que ça a facilité le travail avec Mnémos?
Éric Holstein : Ce n'est pas Célia qui m'a édité, mais Charlotte Volper. Maintenant, si tu essaies de poliment me demander si le fait de marner depuis presque 10 ans dans ce milieu et de connaître tous les directeurs de collec', aide ; la réponse est "Certainement".
ActuSF: Non, c'était plutôt une question technique. Tu sais comment ça marche derrière. Par exemple, pour la couverture, est-ce que tu as eu ton mot à dire?
Est-ce que, dans tes conversations auteur-éditeur, tu as eu le sentiment d'être un client plus facile, plus pénible du fait de ta connaissance du boulot ? Remarque c'est peut-être à Charlotte que je devrais demander ça !
Éric Holstein : Exceptionnellement, et parce que c'est ce que je fais pour les éditions ActuSF (et aussi parce que Charlotte dirigeait mon bouquin), on m'a demandé si je voyais un illustrateur qui pourrait être pertinent. Et j'ai immédiatement proposé Diego, tout d'abord parce que j'adore travailler avec lui (même si là, ce n'est pas moi qui allait bosser sur la couv'), ensuite parce que je lui fais aveuglément confiance, et puis parce que c'est devenu un pote.
Ensuite, savoir si j'ai été chiant ou pas, faut demander à Charlotte.
Cela étant... J'étais conscient que le fait de travailler avec une amie pouvait générer des problèmes de "mélange des genres". Donc j'ai essayé de faire la part des choses et de bien distinguer le privé du boulot. J'ai fait ça pendant 15 ans en radio.
Ensuite, je suis un auteur débutant, donc encore un peu frais pour me la péter.
Au final, je pense avoir été un client pas trop pénible.
ActuSF: Revenons à Eugène, si tu veux bien.
Éric Holstein : Je veux bien.
ActuSF: On sent dans ta peinture de ce personnage une nostalgie d'un Paris disparu depuis longtemps ainsi qu'une tendresse particulière pour la Capitale.
Éric Holstein : Nostalgie, je ne sais pas. Une tendresse, certainement. J'aime bien cette ville, même si ce n'est pas forcément quelque chose que je ramène au premier plan. Je ne me dis pas tous les matins "Putain, qu'est-ce que j'adore cette ville ! Quelle chance d'y vivre !". Mais j'aime bien m'y promener, m'y perdre un peu.
Si nostalgie il y a, c'est celle d'un Paris fantasmé à mi-chemin entre celui des affranchis à la Boudard et le Paris crépusculaire de Léo Mallet?
ActuSF: Pourrais-tu vivre ailleurs?
Éric Holstein : Vivre ailleurs ? 'Sais pas. Jamais essayé. Le plus loin que je sois allé c'est Rosny-sous-Bois et j'ai pas aimé.
ActuSF: On a envie (on nous apprend à faire ça à l'école) de chercher Éric Holstein dans son personnage principal. On trouve son amour de Paris, l'argot, mais Eugène est quelque peu misogyne, raciste... C'est amusant de créer de tels personnages?
Éric Holstein : Comme je te le disais, c'est l'argot, la clef. Celui des fortifs.
Eugène ne parle pas argot, il pense argot. Il est né à la fin du XIXè siècle, dans un quartier populaire. Il n'a pas fait d'études, s'est construit tout seul sur sa singularité. Il a eu bien plus de temps que ses contemporains pour s'ouvrir à d'autres choses (comme l'art et un bon goût qu'il dissimule bien), mais il reste un homme de son temps.
Donc oui, un peu raciste, comme plein de gens de sa génération (et de la nôtre, sauf que nous on parle de complexe xénophobe) et oui, il a cette sorte de misogynie qu'ont les hommes qui évoluent dans des milieux essentiellement masculin (mais qui le sont, je crois, moins que bien des hommes évoluant dans des milieux prétendument plus ouverts).
ActuSF: Tu t'es documenté pour lui fournir cette connaissance pointue de la peinture et de l'art en général ?
Éric Holstein : Pas vraiment. J'ai une assez bonne culture générale picturale. Assez pour que ça passe à l'esbrouffe. Ce n'est pas là-dessus que je me suis documenté.
ActuSF: Sur quoi alors? L'éther?
Éric Holstein : Non plus. Je me suis juste contenté de récupérer un concept un peu fumeux pour en faire ce dont j'avais besoin. Je me suis, en revanche, pas mal documenté sur Copernic. J'ai travaillé en permanence avec des dictionnaires d'argot (notamment La Méthode à Mimille, de Boudard, le Petit Simonin Illustré et pour faire la balance voyou/poulet L'Argot chez les vrais de vrais d'Auguste Le Breton). J'ai aussi lu quelques livres sur Paris. Et sinon, je remercie encore la coloc' de Radiolaire, sur le forum du Cafard. Elle est indienne et c'est elle qui m'a fourni la trad pour Gin Kho Shikari.
ActuSF: Ça y est, le livre est lancé. En quelque sorte, il ne t'appartient plus. Quels sont les retours à ce jour?
Éric Holstein : Ben plutôt pas mal, à vrai dire. On m'a dit plein de choses gentilles. C'est bizarre. J’ai pas l'habitude.
ActuSF: Cela te choque-t-il que je compare ton texte avec ceux de Catherine Dufour?
Éric Holstein : Non. Ça me flatterait même plutôt.
ActuSF: D’autres auteurs dont tu te sentes proche ?
Éric Holstein : Difficile Question. Il y en a un paquet que j'admire. De là à me sentir proche...
ActuSF: Je te reposerai la question dans quelques années, si tu préfères.
Éric Holstein : Why not ?
Disons que sur Petits Arrangements, un auteur auquel je pensais, effectivement, assez souvent, c'est Léo Mallet. Mais je n'irais pas me comparer à lui.
ActuSF: Toi, tu es vivant
Éric Holstein : Après une journée de vacances avec mes gamins, je ne suis pas sûr.
ActuSF: On parle souvent de parodie à propos de ce roman. Était-ce intentionnel ?
Éric Holstein : Non. Ça c'est surtout à cause de la 4 de couv'.
En fait, je ne suis pas certain d'avoir fait une parodie.
Ça me rappelle un peu une interview de Beck au moment de la sortie de son premier single "Loser". Tout le monde trouvait son espèce de folk rock low-fi absolument génial, et lui disait qu'en fait, il avait voulu faire un rap. Du coup, il se demandait s’il n'y avait pas comme un décalage conceptuel qu'il n'avait pas encore bien mesuré.
ActuSF: Justement, tu as l'occasion de rencontrer tes lecteurs quand tu t'occupes de la promo de tes textes. Comment le vis-tu ? Comment cela se passe-t-il ? Y a t-il ce "décalage" ?
Éric Holstein : Ben, en fait, je rencontre pas mal de gens dont les tronches me sont familières depuis que je traîne dans le milieu, donc je ne suis pas spécialement dépaysé. Pas mal de ceux que j'ai rencontrés connaissaient déjà mes critiques et mon humour. Donc eux non plus n'ont, je pense, pas été dépaysés.
Peut-être un peu surpris ou curieux de me voir passer de l'autre côté, mais comme c'est aussi mon cas, il n'y a pas vraiment de décalage.
ActuSF: Et la suite alors ? As-tu des tiroirs pleins de textes qui vont bientôt nous inonder ? Des projets déjà en route ?
Éric Holstein : Pleins de textes. Tu penses ! J'écris comme je respire. Alors normalement, je suis au sommaire de l'antho des Fées dans la ville, d’Anne Fakhouri, avec en fait le premier texte que j'avais publié dans Solaris. Ensuite, je suis - normalement - au sommaire de l'antho LdH de la Volte.
ActuSF: un texte écrit exprès pour l'occasion ?
Éric Holstein : Yep. En fait je travaillais sur un texte qui collait pile poil au moment où est tombé l'AT (qui était assez serré). Coup de bol.
Sinon, je travaille sur un autre roman que je pensais plutôt orienté jeunesse et qui, semble-t-il, sera adulte, en fait.
ActuSF: de la SF?
Éric Holstein : Une sorte d'uchronie autour du mythe de l'El Dorado et de la fondation de Bogota.
ActuSF: ah !
Éric Holstein : Et sinon, il y a projet de comics avec Diego, l'illustrateur de Petits Arrangements, qui traîne dans les tuyaux. Un truc plutôt rock n'roll, qui sent le gasoil coupé, la crotte de chèvre transgénique et le peyotl.
Et l'ampli à lampe qui chauffe aussi.
ActuSF: Plus qu'à attendre quoi... des éditeurs sont déjà sur le coup ?
Éric Holstein : En fait, pour l'uchronie, deux ont déjà dit non. Pour d'évidentes raisons de format.
Du coup, on se réoriente vers ce que je pressentais, une fiction adulte.
J'apprends encore à tous les niveaux. Donc, maintenant je sais que lorsqu'on écrit un jeunesse comme un adulte, il y a de bonnes chances pour qu'au final, ça donne un adulte. En même temps, c'est un peu con, j'aurais dû y penser avant.
ActuSF: Bien. Il ne me reste plus qu’à te remercier d’avoir pris de ton temps pour répondre à mes questions.
Éric Holstein : Même pas eu mal.
ActuSF: Tu nous fais une jolie phrase de fin ?
Éric Holstein : Du genre : « Mais de rien, c'est à moi que ça a fait plaisir, j'aime bien aider les médias complémentaires. » ?
ActuSF: oui, c'est pas mal, ça. Merci.
Éric Holstein : Officiellement, ma première nouvelle publiée date de 2005, par là, c'était dans Solaris.
Cela étant, quand j'ai rejoins ActuSF, Jérôme Vincent a absolument insisté pour publier sous forme artisanale un truc super mauvais que seuls Joseph Altairac, les 42 et Georges Bormand doivent avoir. Sinon, j'ai un peu écrivouillé avant, mais j'ai vraiment pris conscience que j'aimais bien, en écrivant des pubs et des promos d'émissions radio. Pas forcément glorieux, mais bon...
ActuSF: Comment t’es-tu décidé à en faire profiter les autres ?
Éric Holstein : Je ne sais pas trop, ce qui fait qu'on décide de vouloir se faire publier. Comme pour toute activité artistique, dès lors qu'on l'envisage de manière un peu plus professionnelle que pour son propre plaisir, il y a une certaine vanité derrière tout ça. La présomption de s'imaginer que ce qu'on peut produire peut aussi intéresser quelqu'un d'autre. En fait, en radio, je faisais déjà profiter les autres de ma prose.
ActuSF: Avec la parution coup sur coup de deux textes plus visibles (i.e. pas au Canada) on peut dire que c'est parti ?
Éric Holstein : Là, on peut dire que tu es une enthousiaste optimiste. Rien n'est jamais certain.
Mais c'est vrai, que de figurer au sommaire de Retour sur l'Horizon et de travailler avec Serge (qui est un peu l'auteur qui m'a donné envie d'essayer un jour) et de voir un roman publié, ça donne envie de continuer à faire des efforts.
ActuSF: Sur un plan pratique, comment t’organises-tu entre ta vie de famille, le boulot, ActuSF, l’écriture ?
Éric Holstein : Ben alors déjà pour le boulot, tout va bien, je suis au chômage. Donc, ça, c'est fait...
Pour la famille, je réapprends les fondamentaux avec mon fils, qui est en CP.
ActuSF, hélas, je ne chronique plus beaucoup (parce que je lis lentement et plutôt de la doc, et parce que c'est assez compliqué d'écrire et de lire en analysant ce que font les autres. Enfin, moi, j'ai du mal à y arriver). Par contre, je m'occupe toujours des articles des autres, et je travaille toujours sur le volet édition d'ActuSF.
Pour l'écriture, j'essaie d'être régulier. Je m'y atelle tôt le matin et j'essaie de tomber du signe.
Évidemment, tout ça est plus gratifiant que rentable, alors cet état de béatitude marginale n'aura qu'un temps, il va sans dire.
ActuSF: Tu tiens à garder les pieds sur terre...
Éric Holstein : Ah parce qu'on vit dans un monde où on a le choix ? Et personne ne me dit rien !
ActuSF: Certains sont moins raisonnables et se donnent le choix, à leurs risques et périls…
Éric Holstein : Cool pour eux. A quarante balais avec deux gosses, c'est un loisir que je n'ai plus depuis longtemps.
ActuSF: Parlons un peu des Petits Arrangements...
Éric Holstein : C'est ça, parlons plutôt de ça...
ActuSF: Quelle est l'histoire de ce roman? Entre la première idée, la rédaction, l'envoi, la réponse de Mnémos...
Éric Holstein : En fait, j'avais depuis longtemps l'idée de faire, un jour, un roman de vampire. J'ai en lu beaucoup. Quelques bons et beaucoup de mauvais, mais c'est une figure du fantastique qui m'a longtemps fasciné. Donc, cette idée de voleur de temps doit bien avoir dans les dix ans. Ensuite, lorsque j'ai commencé à penser un peu plus sérieusement, j'ai cherché un mode de vie crédible pour mes vampires. Il ne pouvait donc être question qu'ils sucent du sang, il fallait qu'ils vivent dans les interstices de la société. De là à en faire des marginaux, limite des escrocs, il n'y avait qu'un pas.
Le dernier déclic est venu d'un roman que j'ai lu, où l'utilisation de l'argot ne m'avait pas semblé crédible. Lorsque j'y ai pensé, je me suis aperçu que c'est parce que l'argot (qui est une autre de mes marottes) n'était utilisé que comme un alibi. Une surcouche destinée à vaguement caractériser le personnage.
Du coup, lorsqu’Eugène s'est dessiné lentement, l'argot est devenu, au contraire, central. C'est son langage qui a décidé de son caractère, de sa personnalité.
De là, j'ai commencé à mettre sur le papier quelque chose comme 80 pages, qui m'ont servi de passeport et de synopsis pour Mnémos.
Ça s'est fait autour d'un déjeuner avec Célia Chazel, qui me parlait de ses envies de traduction et qui m'a demandé si j'avais des envies d'écriture. Je lui ai dit que j'avais un vague projet tournant autour du vampirisme. Elle m'a dit « fait péter », j'ai dit « chiche » et un mois plus tard, elle disait « banco ». Travaillent en flux tendu chez Mnémos.
ActuSF: À cause de tes activités chez ActuSF, tu connais le métier d'éditeur. Est-ce que ça a facilité le travail avec Mnémos?
Éric Holstein : Ce n'est pas Célia qui m'a édité, mais Charlotte Volper. Maintenant, si tu essaies de poliment me demander si le fait de marner depuis presque 10 ans dans ce milieu et de connaître tous les directeurs de collec', aide ; la réponse est "Certainement".
ActuSF: Non, c'était plutôt une question technique. Tu sais comment ça marche derrière. Par exemple, pour la couverture, est-ce que tu as eu ton mot à dire?
Est-ce que, dans tes conversations auteur-éditeur, tu as eu le sentiment d'être un client plus facile, plus pénible du fait de ta connaissance du boulot ? Remarque c'est peut-être à Charlotte que je devrais demander ça !
Éric Holstein : Exceptionnellement, et parce que c'est ce que je fais pour les éditions ActuSF (et aussi parce que Charlotte dirigeait mon bouquin), on m'a demandé si je voyais un illustrateur qui pourrait être pertinent. Et j'ai immédiatement proposé Diego, tout d'abord parce que j'adore travailler avec lui (même si là, ce n'est pas moi qui allait bosser sur la couv'), ensuite parce que je lui fais aveuglément confiance, et puis parce que c'est devenu un pote.
Ensuite, savoir si j'ai été chiant ou pas, faut demander à Charlotte.
Cela étant... J'étais conscient que le fait de travailler avec une amie pouvait générer des problèmes de "mélange des genres". Donc j'ai essayé de faire la part des choses et de bien distinguer le privé du boulot. J'ai fait ça pendant 15 ans en radio.
Ensuite, je suis un auteur débutant, donc encore un peu frais pour me la péter.
Au final, je pense avoir été un client pas trop pénible.
ActuSF: Revenons à Eugène, si tu veux bien.
Éric Holstein : Je veux bien.
ActuSF: On sent dans ta peinture de ce personnage une nostalgie d'un Paris disparu depuis longtemps ainsi qu'une tendresse particulière pour la Capitale.
Éric Holstein : Nostalgie, je ne sais pas. Une tendresse, certainement. J'aime bien cette ville, même si ce n'est pas forcément quelque chose que je ramène au premier plan. Je ne me dis pas tous les matins "Putain, qu'est-ce que j'adore cette ville ! Quelle chance d'y vivre !". Mais j'aime bien m'y promener, m'y perdre un peu.
Si nostalgie il y a, c'est celle d'un Paris fantasmé à mi-chemin entre celui des affranchis à la Boudard et le Paris crépusculaire de Léo Mallet?
ActuSF: Pourrais-tu vivre ailleurs?
Éric Holstein : Vivre ailleurs ? 'Sais pas. Jamais essayé. Le plus loin que je sois allé c'est Rosny-sous-Bois et j'ai pas aimé.
ActuSF: On a envie (on nous apprend à faire ça à l'école) de chercher Éric Holstein dans son personnage principal. On trouve son amour de Paris, l'argot, mais Eugène est quelque peu misogyne, raciste... C'est amusant de créer de tels personnages?
Éric Holstein : Comme je te le disais, c'est l'argot, la clef. Celui des fortifs.
Eugène ne parle pas argot, il pense argot. Il est né à la fin du XIXè siècle, dans un quartier populaire. Il n'a pas fait d'études, s'est construit tout seul sur sa singularité. Il a eu bien plus de temps que ses contemporains pour s'ouvrir à d'autres choses (comme l'art et un bon goût qu'il dissimule bien), mais il reste un homme de son temps.
Donc oui, un peu raciste, comme plein de gens de sa génération (et de la nôtre, sauf que nous on parle de complexe xénophobe) et oui, il a cette sorte de misogynie qu'ont les hommes qui évoluent dans des milieux essentiellement masculin (mais qui le sont, je crois, moins que bien des hommes évoluant dans des milieux prétendument plus ouverts).
ActuSF: Tu t'es documenté pour lui fournir cette connaissance pointue de la peinture et de l'art en général ?
Éric Holstein : Pas vraiment. J'ai une assez bonne culture générale picturale. Assez pour que ça passe à l'esbrouffe. Ce n'est pas là-dessus que je me suis documenté.
ActuSF: Sur quoi alors? L'éther?
Éric Holstein : Non plus. Je me suis juste contenté de récupérer un concept un peu fumeux pour en faire ce dont j'avais besoin. Je me suis, en revanche, pas mal documenté sur Copernic. J'ai travaillé en permanence avec des dictionnaires d'argot (notamment La Méthode à Mimille, de Boudard, le Petit Simonin Illustré et pour faire la balance voyou/poulet L'Argot chez les vrais de vrais d'Auguste Le Breton). J'ai aussi lu quelques livres sur Paris. Et sinon, je remercie encore la coloc' de Radiolaire, sur le forum du Cafard. Elle est indienne et c'est elle qui m'a fourni la trad pour Gin Kho Shikari.
ActuSF: Ça y est, le livre est lancé. En quelque sorte, il ne t'appartient plus. Quels sont les retours à ce jour?
Éric Holstein : Ben plutôt pas mal, à vrai dire. On m'a dit plein de choses gentilles. C'est bizarre. J’ai pas l'habitude.
ActuSF: Cela te choque-t-il que je compare ton texte avec ceux de Catherine Dufour?
Éric Holstein : Non. Ça me flatterait même plutôt.
ActuSF: D’autres auteurs dont tu te sentes proche ?
Éric Holstein : Difficile Question. Il y en a un paquet que j'admire. De là à me sentir proche...
ActuSF: Je te reposerai la question dans quelques années, si tu préfères.
Éric Holstein : Why not ?
Disons que sur Petits Arrangements, un auteur auquel je pensais, effectivement, assez souvent, c'est Léo Mallet. Mais je n'irais pas me comparer à lui.
ActuSF: Toi, tu es vivant
Éric Holstein : Après une journée de vacances avec mes gamins, je ne suis pas sûr.
ActuSF: On parle souvent de parodie à propos de ce roman. Était-ce intentionnel ?
Éric Holstein : Non. Ça c'est surtout à cause de la 4 de couv'.
En fait, je ne suis pas certain d'avoir fait une parodie.
Ça me rappelle un peu une interview de Beck au moment de la sortie de son premier single "Loser". Tout le monde trouvait son espèce de folk rock low-fi absolument génial, et lui disait qu'en fait, il avait voulu faire un rap. Du coup, il se demandait s’il n'y avait pas comme un décalage conceptuel qu'il n'avait pas encore bien mesuré.
ActuSF: Justement, tu as l'occasion de rencontrer tes lecteurs quand tu t'occupes de la promo de tes textes. Comment le vis-tu ? Comment cela se passe-t-il ? Y a t-il ce "décalage" ?
Éric Holstein : Ben, en fait, je rencontre pas mal de gens dont les tronches me sont familières depuis que je traîne dans le milieu, donc je ne suis pas spécialement dépaysé. Pas mal de ceux que j'ai rencontrés connaissaient déjà mes critiques et mon humour. Donc eux non plus n'ont, je pense, pas été dépaysés.
Peut-être un peu surpris ou curieux de me voir passer de l'autre côté, mais comme c'est aussi mon cas, il n'y a pas vraiment de décalage.
ActuSF: Et la suite alors ? As-tu des tiroirs pleins de textes qui vont bientôt nous inonder ? Des projets déjà en route ?
Éric Holstein : Pleins de textes. Tu penses ! J'écris comme je respire. Alors normalement, je suis au sommaire de l'antho des Fées dans la ville, d’Anne Fakhouri, avec en fait le premier texte que j'avais publié dans Solaris. Ensuite, je suis - normalement - au sommaire de l'antho LdH de la Volte.
ActuSF: un texte écrit exprès pour l'occasion ?
Éric Holstein : Yep. En fait je travaillais sur un texte qui collait pile poil au moment où est tombé l'AT (qui était assez serré). Coup de bol.
Sinon, je travaille sur un autre roman que je pensais plutôt orienté jeunesse et qui, semble-t-il, sera adulte, en fait.
ActuSF: de la SF?
Éric Holstein : Une sorte d'uchronie autour du mythe de l'El Dorado et de la fondation de Bogota.
ActuSF: ah !
Éric Holstein : Et sinon, il y a projet de comics avec Diego, l'illustrateur de Petits Arrangements, qui traîne dans les tuyaux. Un truc plutôt rock n'roll, qui sent le gasoil coupé, la crotte de chèvre transgénique et le peyotl.
Et l'ampli à lampe qui chauffe aussi.
ActuSF: Plus qu'à attendre quoi... des éditeurs sont déjà sur le coup ?
Éric Holstein : En fait, pour l'uchronie, deux ont déjà dit non. Pour d'évidentes raisons de format.
Du coup, on se réoriente vers ce que je pressentais, une fiction adulte.
J'apprends encore à tous les niveaux. Donc, maintenant je sais que lorsqu'on écrit un jeunesse comme un adulte, il y a de bonnes chances pour qu'au final, ça donne un adulte. En même temps, c'est un peu con, j'aurais dû y penser avant.
ActuSF: Bien. Il ne me reste plus qu’à te remercier d’avoir pris de ton temps pour répondre à mes questions.
Éric Holstein : Même pas eu mal.
ActuSF: Tu nous fais une jolie phrase de fin ?
Éric Holstein : Du genre : « Mais de rien, c'est à moi que ça a fait plaisir, j'aime bien aider les médias complémentaires. » ?
ActuSF: oui, c'est pas mal, ça. Merci.