1. D'où vous est venue l'idée de parler des nouvelles technologies, des RFID et des menaces qu'elles représentent ?
J’avais envie d’écrire un roman d’anticipation sur les excès de la consommation ou plus exactement sur la consommation forcée. Qu’on le veuille ou non, nous sommes obligés de surconsommer du fait notamment des changements incessants de normes, des problèmes de compatibilité et de l’obsolescence programmée des produits fabriqués récemment.
La RFID peut notamment permettre la surveillance du citoyen via sa consommation. J’ai pu, en développant mes recherches, trouver le moyen de relier ma première thématique, celle de la surconsommation (volontaire ou non) et une autre, qui me fascine depuis l’adolescence : celle de Big Brother.
2. Zen City est-elle une ville plausible dans un futur proche ?
Elle existe déjà. Vous y êtes à chaque fois que vous prenez les transports en commun avec votre passe Navigo et que les données de vos déplacements sont transmis en temps réel aux serveurs de la RATP. Ou que vous utilisez votre portable (avec puce GPS intégrée ou non), votre carte bancaire ou que vous collectionnez les points sur vos cartes de fidélité.
Les technopoles existent depuis les années 1960 et les villes ubiquitaires sont une réalité aujourd’hui, de cette rue commerçante de « Lille Métropole ubiquitaire » à Schenzhen, en passant par le projet New Songdo City (U-City), en Corée.
3. Faudrait-il, selon vous, mener une réflexion globale à un niveau international, voire même, mettre en oeuvre un principe de précaution en matière de technologies RFID ?
Il me semble que le « principe de précaution » s’applique pour des découvertes qui présentent un risque sanitaire. Dans le cas de la RFID, il s’agit surtout de menaces contre la vie privée. Je serais plus pour augmenter largement le budget et le pouvoir de la CNIL, mais je n’ai que très peu d’illusions à ce sujet.
Le gouvernement veut tripler le nombre de caméras vidéo en France, alors que les seules études sérieuses à ce sujet montrent leur manque d’efficacité et que la plupart des policiers n’en voient pas l’intérêt, alors…
A l’inverse, il y a eu un débat parlementaire et public sur le droit à l’oubli numérique, sujet passionnant et fort utile s’il est suivi d’effets.
4. "Zen City" est-il un roman de science-fiction ?
Oui, dans le sens où il s’agit d’un roman d’anticipation sociale qui explore les conséquences de certaines « avancées » technologiques : RFID, GPS, vidéosurveillance, bases de données, neuromarketing, etc. Cependant, toutes les technologies évoquées dans le roman existent aujourd’hui (sauf l’extrapolation finale) et « tout est possible ».
Je pense que ce sont nos doubles vies, réelle et numérique (via nos avatars), qui ressemblent à de la science-fiction. En ce sens, Zen City est juste un roman contemporain qui tient compte de ces paramètres.
Pour moi, c’est surtout une satire sous la forme d’un thriller d’anticipation.
5. Quels autres livres que le "1984" d'Orwell vous ont inspiré pour cet ouvrage ?
Les livres qui m’ont inspirés sont tous cités sur mon site zencity.fr.
Le Bonheur paradoxal de Gilles Lipovetsky et ses réflexions sur les nouvelles habitudes de consommation, m’a particulièrement intéressé. Pour l’aspect surveillance, j’ai vraiment apprécié l’excellent Sous l’œil des puces de Michel Alberganti et Sous surveillance de Françoise de Blomac et Thierry Rousselin. J’ai découvert depuis un autre essai, exceptionnel, intelligent et visionnaire : Surveillance globale d’Eric Sadin, dont je conseille vivement la lecture.
Mais ma grande rencontre littéraire sur ce projet a été la lecture de La France contre les Robots (Georges Bernanos, 1948), un livre à la fois excessif et terriblement visionnaire, qui est pour moi d’une force équivalente à celle de 1984, même s’il ne s’agit pas d’un roman.
6. Votre roman s'adresse-t-il plutôt aux adultes ou aux jeunes ?
Je ne réfléchis pas trop en ces termes, même si Zen City est certainement plus adulte que mon premier roman, Scream Test. Je dirais que c’est un livre pour adultes qui fonctionne aussi très bien chez les jeunes, d’après les nombreuses rencontres que j’ai pu faire. Il s’adresse à tous ceux qui sont sensibles à la modernité et ses travers.
7. Vos personnages sont-ils imaginés de toutes pièces ou calqués sur des personnes réelles ?
Je les créé à partir des nécessités de mon histoire, mais certains traits de caractère peuvent être inspirés de proches, ou éventuellement de moi-même - c’est partiellement le cas pour mon personnage principal, Dominique Dubois. Je serais assez gêné de « copier-coller » une personne existante dans un roman et je ne le fais pas (pour l’instant).
8. Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
J’ai passé beaucoup de temps sur un projet un peu pointu que j’ai mis de côté parce que j’ai trouvé une idée que j’estime meilleure, en tout cas qui me correspond plus. Ce sera un polar sans doute plus classique sur la forme mais dans un domaine qui, à ma connaissance, n’a pas encore été traité en littérature policière.
Je suis au tout début de l’écriture, même si l’histoire et les personnages se précisent chaque jour dans ma tête, et je fais beaucoup de recherches. Je n’ai pas du tout l’impression de travailler, ce qui est bon signe…
9. Y aura-t-il un Zen City 2 ?
Si les lecteurs d’actusf plébiscitent Zen City et me permettent de dépasser le seuil fatidique des dix millions d’exemplaires, alors oui, très probablement !
10. Comment situez-vous votre livre par rapport à celui de Kaoutar Harchi ("Zone cinglée") ?
Le mien est plus drôle !
Plus sérieusement, Zone Cinglée aborde aussi l’idée d’une ville et de ses frontières. Dans ces deux romans, la ville créé une accoutumance, une dépendance psychologique qui fait qu’il devient difficile voire impossible de s’en échapper. Dans Zen City, on est censé se sentir bien à l’intérieur, dans Zone Cinglée tout donne à fuir. L’écriture de Kaoutar est très poétique et torturée, avec à la fois beaucoup de force et de subtilité. Elle utilise la stratégie du pire, c’est souvent éprouvant mais il y a quand même une petite lueur d’espoir.
Pour ceux qui souhaitent me rencontrer et discuter, je serais en dédicace au Salon du livre de Paris le samedi 27 mars sur le Stand du Diable.