Iain M. Banks : Tout à fait. Et j'ai bien l'intention que ça dure le plus longtemps possible.
ActuSF : Est-ce que vous été surpris d'apprendre que le Fleuve Noir voulait - enfin – publier La Plage de verre ?
Iain M. Banks : Plutôt ravi, en fait.
ActuSF : La première version de La Plage de verre date de 1977. C'est long. Presque vingt ans. Vous vous reconnaissez toujours dans ce roman ?
Iain M. Banks : Oui, je suis toujours content de La Plage de verre. Et je n'aurais sans doute plus l'énergie suffisante aujourd'hui pour écrire un roman avec autant d'action.
ActuSF : Ce qui frappe en premier lieu dans La Plage de verre, c'est la folie et le non-sens de l'histoire. On pense par exemple à Tik Tok de John Sladek. Vous êtes d'accord ?
Iain M. Banks : Tout d'abord, je suis honoré que mon nom et celui de John Sladek soit asocié dans une même phrase. Il a toujours été un de mes auteurs préférés, et a été – et d'ailleurs est toujours – tristement sous-estimé. Mais sinon, je suis d'accord, c'est une histoire un peu dingue. Ma tentative pour écrire un roman d'Heroic Fantasy qui se situerait dans un univers scientifiquement plausible, mais avec des extra-terrestres et où la science remplacerait la magie. Alors certes, la Canon Lent n'est pas très crédible, mais finalement pas moins que la magie.
ActuSF : On pense aussi à John Harrison, un auteur que vous appréciez particulièrement. Il semble d'ailleurs que son œuvre ait eue quelque impact sur la vôtre. A quel dégré ?
Iain M. Banks : Cette fois encore, je suis éperdu d'admiration . Je n'aurais jamais osé faire la comparaison moi-même, mais je me plais à penser que des romans comme La Cité pastel ou Le Signe des locustes (ce sont ses meilleurs romans) ont eu une influence sur La Plage de verre.
ActuSF : C'est certainement votre roman le plus excentrique. Le dernier aussi dans cette veine ?
Iain M. Banks : Probablement. Mais bon… ne jamais dire jamais.
ActuSF : La Plage de verre est une folie, et peut-être même l'est-elle un peu trop pour certains de vos lecteurs. Si vous deviez la réécrire aujourd'hui, pensez-vous que vous iriez aussi loin ?
Iain M. Banks : Au moins aussi loin ! Non, plus ! Mais comme je le disais, je ne pense pas que j'en serais capable. Vous devez être jeune et un peu fou pour écrire sérieusement quelque chose comme La Plage de verre. Aujourd'hui, je ne suis plus qu'un peu fou.
ActuSF : Ce genre de Space Opera à la gonzo, semble avoir fait école avec des auteurs comme Neal Asher, Charles Stross ou China Miéville. Qu'est-ce que vous pensez de leur travail ?
Iain M. Banks : Ouaip ! Je suis fan de leurs œuvres. Mais je doute avoir eu la moindre influence sur eux.
ActuSF : Vous êtes plutôt rude avec vos personnages. Il y a un sadisme latent chez vous ? Il y a-t-il un dangereux psychopathe caché derrière le sympathique écrivain ?
Iain M. Banks : Je ne sais pas. Peut-être que si je n'étais pas autorisé à écrire ces horribles choses, je les ferais… Naaaan ! Je suis un type plutôt charmant en fait.
ActuSF : Vous avez déclaré que pour vous la Culture était une entité féminine, et que c'est sans doute pour ça que vous avez créé des personnages féminins aussi forts. Pourtant, elles ne sont souvent que des personnages secondaires. Pourquoi ça ?
Iain M. Banks : Il n'y a que les hommes qui soient assez stupides pour se lancer dans le genre d'aventures que j'écris, avec tous ces combats spatiaux, ces aliens, ces explosions…
ActuSF : Nombre de vos personnages semblent hantés par leur propre mortalité. C'est aussi votre cas ?
Iain M. Banks : QUOI ? Vous voulez dire que je vais mourir aussi ? Certainement pas ! Et d'abord pourquoi personne ne m'a rien dit ?
ActuSF : On prétend généralement que c'est pour respirer un peu que vous avez commencé à écrire des romans hors de la Culture. Or ce n'était évidemment pas le cas pour La Plage de verre, puisque vous l'avez écrit avant même qu'un seul de vos romans ne soit publié. Etait-ce alors une tentative pour proposer autre chose aux éditeurs, la Culture ne les ayant jusqu'alors pas franchement intéressé ?
Iain M. Banks : Je n'ai jamais voulu être lié à la Culture, dans le sens où je n'aurais été capable d'écrire que dans cet univers. Et même si je n'avais pas eu sous la main la première version de La Plage de verre à retravailler après la publication de L'Usage des armes, j'aurais probablement écrit un roman hors-Culture très peu de temps après. En fait dès que j'ai réalisé que la Culture allait devenir une série. Juste pour me ménager assez d'espace pour manœuvrer.
ActuSF : Vous avez déclaré que la Culture était une tentative délibérée de produire une science fiction de gauche qui pourrait tenir la dragée haute avec celle de droite que vous aviez lu dans votre jeunesse. Pensez-vous que la SF est une littérature de droite ?
Iain M. Banks : Non, mais on peut parfois avoir cette impression, vu qu'une bonne partie de ce qui s'est fait de meilleur en SF a été écrit par des auteurs américains de centre droit, entre les années quarante et le début des années soixante. Disons que ce que je fais pourrait être perçu comme un moyen de rétablir un petit peu la balance.
ActuSF : Quels sont vos sentiments à l'égard de la Culture ?
Iain M. Banks : C'est là que je veux vivre ! Juste là, maintenant !
ActuSF : Pensez-vous qu'une telle civilisation pourrait être notre futur ?
Iain M. Banks : Avant toute chose, il faudrait certainement qu'on se livre à quelques manipulations génétiques. Pour éradiquer le ou les gènes responsables du racisme, du sexisme, etc… Enfin… si c'est possible.
ActuSF : Et pensez-vous qu'une telle civilisation pourrait être détruite, ou être amenée à disparaître ?
Iain M. Banks : Détruite, certainement. Il suffit juste de croiser la route d'une civilisation moins bien intentionnée et disposant d'un arsenal plus perfectionné. Être amenée à disparaître… Mouais, disons qu'elle pourrait se sublimer, ce qui peut être vu comme une forme de disparition, même si ce n'est pas le cas. Maintenant… les tous derniers événements décris à la fin du Sens du vent impliquent que la Culture n'existe plus.
ActuSF : On sent que vous aimez vraiment écrire de la science fiction. Rien qu'à voir la manière dont vous décrivez les scènes de batailles, à la manière dont vous campez vos héros ou inventez de nouvelles civilisations. Qu'est-ce que vous ressentez pour la SF ?
Iain M. Banks : De l'affection, je dirais. J'aime le côté grand écran, scène géante, le lyrisme qui se dégage de tout ça. Ce sont les grandes orgues comparées au piano du mainstream. Mais expressif émotionnellement, mais tellement plus bluffant.
ActuSF : On dirait que pour vous, la science fiction ne se conçoit que par le Space Opera. N'avez-vous jamais été tenté d'explorer d'autres formes de SF. Des choses un peu plus intimistes comme l'ont fait vos compatriotes Priest ou Ballard ?
Iain M. Banks : Mais j'ai un faible pour les Space Opera, avec tout ces grands vaisseaux, et tout, et tout… et une fois que vous mettez ça dans un roman, automatiquement, ça fait SF. Aucun risque qu'on vous classe en mainstream. Si je me mettais à écrire des histoires dans un futur proche, avec moins d'aliens à trois pattes dans les placards, ça changerait… mais ça ne serait pas moi.
ActuSF : La science fiction anglaise a longtemps été très contre culturelle, et tournée vers le social. Est-ce toujours le cas aujourd'hui, et pensez-vous que c'est ainsi que la SF doit être ?
Iain M. Banks : Non, c'est fini. A bien des égards elle est de plus en plus influencée par la SF américaine. Ça a du mauvais (il y a des auteurs anglais qui sont beaucoup trop à droite pour moi - d'authentiques enfants du thatcherisme - même si je reconnais que ce sont de bons écrivains) mais ça a aussi du bon (la SF anglaise devient plus excitante, moins empreinte de sinistrose).
ActuSF : Si on jette un coup d'œil sur les sites des libraires en ligne en France, en Italie, en Espagne ou en Allemagne, on s'aperçoit que vous êtes plus connu pour vos romans de science fiction qu'en Grande-Bretagne, où votre double carrière est parfaitement reconnue. Comment expliquez-vous ça ?
Iain M. Banks : Je pense que mes romans mainstream sont très anglais, et du coup, séduisent moins sur le continent, alors que la SF a une audience potentielle plus large. Après tout la Culture nous est à tous également étrangère. Enfin… en théorie.
ActuSF : En Angleterre vous avez vraiment deux lectorats bien distincts. Cela dépend du "M" en fait. N'avez-vous jamais essayé de faire le crossover ?
Iain M. Banks : En un sens je l'ai fait avec Entrefer.
ActuSF : Est-ce que vous êtes confiant en l'avenir de l'Humanité ?
Iain M. Banks : Non. Aussi bien au plus profond de mon cœur qu'au plus profond de ma esprit, je m'attends au pire. Mais tout au fond, tout au fond des deux, il reste toujours une ch'tiote lueur d'espoir. Sinon, à quoi bon écrire ?
ActuSF : Est-ce que vous été surpris d'apprendre que le Fleuve Noir voulait - enfin – publier La Plage de verre ?
Iain M. Banks : Plutôt ravi, en fait.
ActuSF : La première version de La Plage de verre date de 1977. C'est long. Presque vingt ans. Vous vous reconnaissez toujours dans ce roman ?
Iain M. Banks : Oui, je suis toujours content de La Plage de verre. Et je n'aurais sans doute plus l'énergie suffisante aujourd'hui pour écrire un roman avec autant d'action.
ActuSF : Ce qui frappe en premier lieu dans La Plage de verre, c'est la folie et le non-sens de l'histoire. On pense par exemple à Tik Tok de John Sladek. Vous êtes d'accord ?
Iain M. Banks : Tout d'abord, je suis honoré que mon nom et celui de John Sladek soit asocié dans une même phrase. Il a toujours été un de mes auteurs préférés, et a été – et d'ailleurs est toujours – tristement sous-estimé. Mais sinon, je suis d'accord, c'est une histoire un peu dingue. Ma tentative pour écrire un roman d'Heroic Fantasy qui se situerait dans un univers scientifiquement plausible, mais avec des extra-terrestres et où la science remplacerait la magie. Alors certes, la Canon Lent n'est pas très crédible, mais finalement pas moins que la magie.
ActuSF : On pense aussi à John Harrison, un auteur que vous appréciez particulièrement. Il semble d'ailleurs que son œuvre ait eue quelque impact sur la vôtre. A quel dégré ?
Iain M. Banks : Cette fois encore, je suis éperdu d'admiration . Je n'aurais jamais osé faire la comparaison moi-même, mais je me plais à penser que des romans comme La Cité pastel ou Le Signe des locustes (ce sont ses meilleurs romans) ont eu une influence sur La Plage de verre.
ActuSF : C'est certainement votre roman le plus excentrique. Le dernier aussi dans cette veine ?
Iain M. Banks : Probablement. Mais bon… ne jamais dire jamais.
ActuSF : La Plage de verre est une folie, et peut-être même l'est-elle un peu trop pour certains de vos lecteurs. Si vous deviez la réécrire aujourd'hui, pensez-vous que vous iriez aussi loin ?
Iain M. Banks : Au moins aussi loin ! Non, plus ! Mais comme je le disais, je ne pense pas que j'en serais capable. Vous devez être jeune et un peu fou pour écrire sérieusement quelque chose comme La Plage de verre. Aujourd'hui, je ne suis plus qu'un peu fou.
ActuSF : Ce genre de Space Opera à la gonzo, semble avoir fait école avec des auteurs comme Neal Asher, Charles Stross ou China Miéville. Qu'est-ce que vous pensez de leur travail ?
Iain M. Banks : Ouaip ! Je suis fan de leurs œuvres. Mais je doute avoir eu la moindre influence sur eux.
ActuSF : Vous êtes plutôt rude avec vos personnages. Il y a un sadisme latent chez vous ? Il y a-t-il un dangereux psychopathe caché derrière le sympathique écrivain ?
Iain M. Banks : Je ne sais pas. Peut-être que si je n'étais pas autorisé à écrire ces horribles choses, je les ferais… Naaaan ! Je suis un type plutôt charmant en fait.
ActuSF : Vous avez déclaré que pour vous la Culture était une entité féminine, et que c'est sans doute pour ça que vous avez créé des personnages féminins aussi forts. Pourtant, elles ne sont souvent que des personnages secondaires. Pourquoi ça ?
Iain M. Banks : Il n'y a que les hommes qui soient assez stupides pour se lancer dans le genre d'aventures que j'écris, avec tous ces combats spatiaux, ces aliens, ces explosions…
ActuSF : Nombre de vos personnages semblent hantés par leur propre mortalité. C'est aussi votre cas ?
Iain M. Banks : QUOI ? Vous voulez dire que je vais mourir aussi ? Certainement pas ! Et d'abord pourquoi personne ne m'a rien dit ?
ActuSF : On prétend généralement que c'est pour respirer un peu que vous avez commencé à écrire des romans hors de la Culture. Or ce n'était évidemment pas le cas pour La Plage de verre, puisque vous l'avez écrit avant même qu'un seul de vos romans ne soit publié. Etait-ce alors une tentative pour proposer autre chose aux éditeurs, la Culture ne les ayant jusqu'alors pas franchement intéressé ?
Iain M. Banks : Je n'ai jamais voulu être lié à la Culture, dans le sens où je n'aurais été capable d'écrire que dans cet univers. Et même si je n'avais pas eu sous la main la première version de La Plage de verre à retravailler après la publication de L'Usage des armes, j'aurais probablement écrit un roman hors-Culture très peu de temps après. En fait dès que j'ai réalisé que la Culture allait devenir une série. Juste pour me ménager assez d'espace pour manœuvrer.
ActuSF : Vous avez déclaré que la Culture était une tentative délibérée de produire une science fiction de gauche qui pourrait tenir la dragée haute avec celle de droite que vous aviez lu dans votre jeunesse. Pensez-vous que la SF est une littérature de droite ?
Iain M. Banks : Non, mais on peut parfois avoir cette impression, vu qu'une bonne partie de ce qui s'est fait de meilleur en SF a été écrit par des auteurs américains de centre droit, entre les années quarante et le début des années soixante. Disons que ce que je fais pourrait être perçu comme un moyen de rétablir un petit peu la balance.
ActuSF : Quels sont vos sentiments à l'égard de la Culture ?
Iain M. Banks : C'est là que je veux vivre ! Juste là, maintenant !
ActuSF : Pensez-vous qu'une telle civilisation pourrait être notre futur ?
Iain M. Banks : Avant toute chose, il faudrait certainement qu'on se livre à quelques manipulations génétiques. Pour éradiquer le ou les gènes responsables du racisme, du sexisme, etc… Enfin… si c'est possible.
ActuSF : Et pensez-vous qu'une telle civilisation pourrait être détruite, ou être amenée à disparaître ?
Iain M. Banks : Détruite, certainement. Il suffit juste de croiser la route d'une civilisation moins bien intentionnée et disposant d'un arsenal plus perfectionné. Être amenée à disparaître… Mouais, disons qu'elle pourrait se sublimer, ce qui peut être vu comme une forme de disparition, même si ce n'est pas le cas. Maintenant… les tous derniers événements décris à la fin du Sens du vent impliquent que la Culture n'existe plus.
ActuSF : On sent que vous aimez vraiment écrire de la science fiction. Rien qu'à voir la manière dont vous décrivez les scènes de batailles, à la manière dont vous campez vos héros ou inventez de nouvelles civilisations. Qu'est-ce que vous ressentez pour la SF ?
Iain M. Banks : De l'affection, je dirais. J'aime le côté grand écran, scène géante, le lyrisme qui se dégage de tout ça. Ce sont les grandes orgues comparées au piano du mainstream. Mais expressif émotionnellement, mais tellement plus bluffant.
ActuSF : On dirait que pour vous, la science fiction ne se conçoit que par le Space Opera. N'avez-vous jamais été tenté d'explorer d'autres formes de SF. Des choses un peu plus intimistes comme l'ont fait vos compatriotes Priest ou Ballard ?
Iain M. Banks : Mais j'ai un faible pour les Space Opera, avec tout ces grands vaisseaux, et tout, et tout… et une fois que vous mettez ça dans un roman, automatiquement, ça fait SF. Aucun risque qu'on vous classe en mainstream. Si je me mettais à écrire des histoires dans un futur proche, avec moins d'aliens à trois pattes dans les placards, ça changerait… mais ça ne serait pas moi.
ActuSF : La science fiction anglaise a longtemps été très contre culturelle, et tournée vers le social. Est-ce toujours le cas aujourd'hui, et pensez-vous que c'est ainsi que la SF doit être ?
Iain M. Banks : Non, c'est fini. A bien des égards elle est de plus en plus influencée par la SF américaine. Ça a du mauvais (il y a des auteurs anglais qui sont beaucoup trop à droite pour moi - d'authentiques enfants du thatcherisme - même si je reconnais que ce sont de bons écrivains) mais ça a aussi du bon (la SF anglaise devient plus excitante, moins empreinte de sinistrose).
ActuSF : Si on jette un coup d'œil sur les sites des libraires en ligne en France, en Italie, en Espagne ou en Allemagne, on s'aperçoit que vous êtes plus connu pour vos romans de science fiction qu'en Grande-Bretagne, où votre double carrière est parfaitement reconnue. Comment expliquez-vous ça ?
Iain M. Banks : Je pense que mes romans mainstream sont très anglais, et du coup, séduisent moins sur le continent, alors que la SF a une audience potentielle plus large. Après tout la Culture nous est à tous également étrangère. Enfin… en théorie.
ActuSF : En Angleterre vous avez vraiment deux lectorats bien distincts. Cela dépend du "M" en fait. N'avez-vous jamais essayé de faire le crossover ?
Iain M. Banks : En un sens je l'ai fait avec Entrefer.
ActuSF : Est-ce que vous êtes confiant en l'avenir de l'Humanité ?
Iain M. Banks : Non. Aussi bien au plus profond de mon cœur qu'au plus profond de ma esprit, je m'attends au pire. Mais tout au fond, tout au fond des deux, il reste toujours une ch'tiote lueur d'espoir. Sinon, à quoi bon écrire ?