Actusf : Un petit mot de présentation pour commencer. Quels sont tes auteurs préférés ? Quand as-tu commencé à écrire ?
Olivier Vachey : Alors… Olivier, plus ou moins 40 ans, pharmacien reconverti à l'écriture sous diverses formes : journalisme scientifique, adaptation manga et dernièrement… scénarisation BD.
De façon très classique pour les lecteurs d'ActuSF (j'imagine), je suis tombé dans les littératures de l'imaginaire dès que j'ai été capable de piquer et comprendre les bouquins que laissait traîner mon père, énorme fan de SF (on ne disait pas "littératures de l'imaginaire" à l'époque…). Je reconnais un grand classicisme dans mes coups de cœur, forgés au fil du temps et de l'âge. Bercé petit par Lovecraft, Moorcock, Vance et Tolkien. Giflé (pour mon bien) à l'adolescence par Dick, Simmons, Varley et Zelazny. Séduit adulte par Hobb, Martin, Wilson et Hamilton. Dernier coup de cœur : Joe Abercrombie et sa Première loi. Je ne suis pas très calé en auteurs français, mais apprécie Bordage, Di Rollo et Damasio.
Côté personnel, j'ai toujours aimé écrire, d'où ma reconversion professionnelle et divers nouvelles et romans restés au fond de mes tiroirs avant de m'orienter vers le scénario, un domaine alliant imaginaire de l'histoire, rigueur de la construction et… collaboration avec un dessinateur. Voir ses mots prendre forme sous le pinceau d'un autre est une sensation particulièrement réjouissante !
Actusf : Comment est né le projet des Contresang ?
Olivier Vachey : J'ai développé pas mal de projets BD de styles variés, mais j'ai longtemps hésité à me frotter à la fantasy. Trop de titres, trop de séries cultes, trop l'impression que tout a déjà été dit. Mais, un jour qu'il devait faire beau et que j'étais de bonne humeur, j'ai craqué. Après tout, chacun son style et sa vision de ce type d'univers et je savais mon approche différente de la majorité des productions actuelles, plutôt orientées action et jeunesse. J'ai donc commencé à préciser mes envies et les ai résumées en 4 items : "univers déliquescent", "héros vieillissant", "psychologie prépondérante" et… "menace fantôme apocalyptique" (il faut au moins ça…). En malaxant l'ensemble et en l'affinant, j'ai fini par obtenir la terre d'Aldrak, sa faune, sa flore et mon héros : Arken.
Actusf : Comment pourrais-tu nous présenter ce dernier ?
Olivier Vachey : Comme beaucoup d'entre nous, Arken est un garçon plus complexe et torturé qu'il n'y paraît au premier abord. Sauf que lui frotte ses troubles existentiels à un quotidien fade et monotone de paysan médiéval dans un trou perdu d'un monde en décrépitude. De fait, traumatisé par une expérience de jeunesse, il s'est terré dans sa ferme natale auprès d'une mère castratrice, et n'en a plus bougé pendant des années. Ce qui ne l'a pas empêché de se forger un caractère - et un physique - d'aventurier ainsi qu'une forme sagesse (théorique, car via de nombreuses lectures) assez are pour Aldrak. Sauf qu'il ne connaît pas la réalité du terrain et des relations (in)humaines et que les démons du passé reviennent régulièrement l'enfoncer dans les affres de la déprime.
Actusf : Il a 50 ans, il vient d’enterrer sa mère, il est hanté par des fantômes et pourtant il repart sur les routes. Qu’avais-tu envie de raconter ? L’histoire d’un homme qui n’est pas “fini” malgré son âge ?
Olivier Vachey : La mort de sa mère marque un tournant aussi décisif qu'inconscient pour Arken : possibilité lui est enfin donnée de changer de vie. Une heureuse coïncidence (mais est-ce bien une coïncidence ?) sert de détonateur et l'incite à repousser ses doutes et sortir de sa réclusion volontaire. Véritable transformation ou feu de paille ?
Il n'y a pas d'âge pour tenter de réaliser ses rêves. Je dis bien "tenter". Je cherche donc avant tout à raconter l'histoire d'un homme qui aspire à se définir pleinement sur le tard et à développer des interactions, notamment féminines, plus enrichissantes que celles qu'il a pu connaître jusque-là. Une variation de la crise de la cinquantaine, arme au poing. Indispensable pour survivre à des aventures qui le mènent, à son corps défendant, à se battre pour la survie de son monde.
Actusf : Comment as-tu composé le monde des Contresang ?
Olivier Vachey : L'intrigue se déroule sur l'antique terre d'Aldrak. Digression : il faut toujours un "antique", "ancestral" ou "immémorial" en fantasy, sinon on ne te laisse pas entrer au club… L'antique terre d'Aldrak, donc, est une petite île isolée du reste du monde par une mer de fange. Un univers clos et confiné. Paysages, sociétés, mentalités : tout est en fin de cycle, en fin de vie, pour des raisons qui se dévoileront au gré de l'histoire et ses rebondissements. Fantasy et BD obligent, les environnements sont particulièrement variés et visuellement marquants, avec des ruptures franches d'une région à l'autre. Seul grand point commun : le Malroche. Une maladie aux origines inconnues, qui progresse dans tout le pays et laisse ses victimes irrémédiablement pétrifiées. De façon classique, mais à mon sens efficace, la petite histoire d'Arken ne tarde pas à rejoindre la grande Histoire d'Aldrak et faire le lien entre passé, présent et sombre futur.
Actusf : Comment avez-vous travaillé avec le dessinateur Gregory Delaunay ? Peux-tu nous dire un petit mot de lui ?
Olivier Vachey : Grégory (Greg pour les intimes ; Greg II pour les fans d'Achille Talon) est illustrateur de formation avec une première expérience dans la BD, suivie d'une longue pause pour embrasser le métier de forgeron d'art. Note aux amateurs : ses épées, dagues et autres créations forgées ou sculptées sont des splendeurs. Toujours est-il que, désireux de retrouver ses premières amours, il a publié un livre illustré (Sylf), avant de partir en quête d'un scénariste dont l'univers fantasy correspondrait à ses aspirations. Je passais par là (virtuellement) et mon histoire comme l'importance que je donne aux relations entre personnages lui ont plu. Une aubaine car son style, mélange de ligne claire et de colorisation directe à l'aquarelle, marie une expressivité, une lisibilité et une finesse qui collent parfaitement à l'ambiance du récit.
Concernant la construction de la BD, Gregory a le synopsis détaillé de l'histoire et un résumé succinct du contenu de chaque page. Pour entretenir son plaisir de la découverte, je lui envoie en revanche le découpage précis (nombre, taille et position des cases, avec descriptifs détaillés et première version des dialogues) au fur et à mesure. Nous en discutons autour d'un premier rough et modifions des éléments si besoin est (pour des raisons de composition, généralement). Une fois la structure bien calée, Gregory réalise le crayonné, puis l'encrage et la mise en couleurs. L'aquarelle est délicate à manier, mais confère un rendu chaleureux, facilitant l'immersion des futurs lecteurs…
Actusf : Pourquoi avoir choisi la publication via Sandawe.com ?
Olivier Vachey : Nous avons envoyé un dossier aux principaux éditeurs BD et Sandawe fut le premier (avouons-le, le seul) à nous répondre favorablement. Sa particularité : s'appuyer sur le financement participatif et la puissance des réseaux sociaux pour lancer et soutenir ses titres. Charge aux auteurs d'embarquer les édinautes dans le projet, échanges enflammés et contreparties à l'appui (tirés à part, dédicaces, aquarelles et planches originales…).
Revers de la médaille, il faut du temps et de l'adhésion pour atteindre l'objectif financier garantissant à la BD de voir le jour. D'où l'importance de facebook et consorts, du partage d'information et d'une visibilité maximale du projet pour inviter les amateurs de BD et/ou de fantasy à participer à l'aventure et construire avec nous la légende des Contresang.
Actusf : Quels sont tes projets ensuite ?
Olivier Vachey : L'adhésion du public a été importante et la publication d'Arken est assurée moins de trois mois après le lancement du projet. Nous sommes donc désormais entrés dans l'étape de réalisation de l'ensemble des planches. Avis aux amateurs de fantasy : il est encore temps vous joindre à l'aventure et suivre l'avancement de la BD en temps réel ! Nous enchaînerons ensuite directement avec le second tome, là encore sous forme de financement participatif. Avec possibilité de déclinaison cross-media sous forme de nouvelle ou de roman, si le public est au rendez-vous. En parallèle je développe quelques projets BD dans d’autres univers et d’autres styles, avec d’autres dessinateurs. Je fonde notamment beaucoup d’espoirs dans un triptyque SF dont j’aime beaucoup le concept (forcément…) à la fois simple, original et fun. En espérant que les éditeurs et les lecteurs penseront de même !