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Interview Thibaud Eliroff
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Interview Thibaud Eliroff

Actusf : Petit bilan de santé pour commencer. Comment se portent la collection fantasy de Pygmalion et la collection Nouveaux Millénaires ? Quel est le premier bilan de cette dernière ?
Thibaud Eliroff : Pygmalion Fantasy a toujours été une collection à deux vitesses : d'un côté des best sellers que sont Robin Hobb et George R.R. Martin (avec une franche accélération des ventes de ce dernier du fait de la série télévisée) et les autres auteurs, qui enregistrent des ventes honorables - en tout cas, ils n'ont pas à rougir face à la concurrence -, mais qui restent très loin derrière. Seul Joe Abercrombie a nettement émergé parmi toutes les séries lancées ces dernières années. D'une manière plus générale, Pygmalion Fantasy subit de plein fouet la désaffection du public pour cette littérature. Si les gens continuent d'acheter les nouveaux romans des auteurs qu'ils aiment et qu'ils connaissent, de moins en moins de personnes sont prêtes à investir plus de 20 euros pour découvrir des auteurs inédits. Le marché est timide et la collection en souffre, c'est une indéniable réalité. La conséquence directe de cela, c'est une politique d'investissement revue à la baisse pour les prochaines années, autrement dit pas ou peu de lancements en 2012.
 
Nouveaux Millénaires est dans une toute autre problématique. Elle ne se positionne pas vraiment par rapport à un marché existant, mais tente au contraire une nouvelle approche, qui consiste à essayer de faire le lien entre le genre et un public plus large, qui aime la science-fiction mais ne le sait pas forcément. Les titres sortis sont tous, à leur manière, capables de cette synthèse. Idlewild de Nick Sagan est indéniablement un roman de SF, mais il est monté comme un thriller et utilise des concepts que le grand public a pris l'habitude de manipuler (notamment au travers de films comme Matrix) ; Algernon, Charlie et moi de Daniel Keyes est un témoignage sur l'écriture d'un roman qui a séduit la terre entière, bien au-delà du public de science-fiction ; Il faut reconnaître que Palimpseste est le plus pointu des livres sortis à ce jour, car Charles Stross y décrit des concepts étourdissants mais difficiles à saisir sans le bagage scientifique idoine. Et pourtant c'est le titre qui enregistre les meilleures ventes jusqu'à maintenant...
Quoi qu'il en soit, il est encore trop tôt pour tirer un quelconque bilan. Idlewild n'a pas encore trouvé son public, mais ce n'est pas étonnant car il faut plusieurs livres pour faire exister un auteur, et plus encore pour qu'il ait une chance de rencontrer le succès. Ses ventes modestes ne sont donc ni une surprise pour nous ni une déception. Pour Keyes, cela se passe mieux en librairie, ce qui est logique si l'on considère la très bonne réputation dont cet auteur jouit en France. La très bonne surprise vient de Palimpseste. S'il est vrai que son prix Hugo joue en sa faveur, cela suffit rarement à faire pencher la balance, et nous craignions que le sujet traité par l'auteur ne rebute le grand public que nous cherchons justement à séduire. C'est exactement le contraire qui est en train de se produire !
Le premier constat que nous faisons sur cette collection, c'est l'excellent accueil des libraires, qui se traduit par beaucoup de réactions positives et chaleureuses, et surtout de très bonnes mises en place (par rapport à la moyenne de ce qui se fait habituellement en science-fiction). J'en profite pour remercier ici les libraires de leur soutien et de leurs encouragements. J'espère sincèrement que la suite du programme comblera leurs attentes.

Actusf : Peux-tu nous présenter les sorties de l’automne ? Qu'allons-nous pouvoir lire ?
Thibaud Eliroff : Chez Pygmalion, deux chouettes livres arrivent très bientôt. D'abord une réédition en un seul (gros) volume de la trilogie Winterheim de Fabrice Colin. Elle était précédemment publiée en poche et en volumes séparés chez J'ai lu, mais indisponible depuis pas mal de temps. Quand Fabrice m'a dit qu'il aimerait voir cette trilogie rééditée, et en profiter pour dépoussiérer sa prose au passage, j'ai sauté sur l'occasion. Winterheim n'a pas pris une ride et les modifications de forme qu'y a apporté Fabrice l'ont encore amélioré. Et Dernière Querelle, qui conclut la trilogie de la Première Loi de Joe Abercrombie.
Puis la fin d'année verra sortir le deuxième volume des Chroniques de Siala du russe Aleksei Pekhov. Il s'agit, pour ceux qui ont raté le premier tome, d'une série de fantasy classique dans sa forme, mais d'une efficacité redoutable et peuplée de personnages très attachants. Les amateurs de fantasy traditionnelle devraient y trouver leur compte...
Et, bien évidemment, la suite tant attendue par ses fans de la nouvelle série de Robin Hobb, Les Cités des anciens.
 
En Nouveaux Millénaires, il y a donc Création de Johan Heliot le 29 septembre, un roman qui mêle l'aventure trépidante dont Johan a le secret à un argument science-fictif audacieux. Puis, le 26 octobre, deux livres de Lois McMaster Bujold : Cryoburn, une aventure inédite de Miles Vorkosigan, et La Saga Vorkosigan, Intégrale 1, ou le premier volume de l'édition complète de son fameux cycle aux quatre prix Hugo. Cette édition complète réunira trois romans par tome (soit cinq "omnibus" pour une quinzaine de romans et novellas), à raison d'un tous les six mois environ. Les romans sont placés dans l'ordre chronologique de l'histoire et toutes les traductions ont été harmonisées et, au besoin, complétées.
Enfin, début novembre sort Edenborn, de Nick Sagan, qui fait suite à Idlewild. Difficile de le pitcher sans spoiler Idlewild, mais je dirais en guise de teasing qu'il y sera question de ressusciter l'humanité (et pardon pour cette prolifération de termes anglo-saxons !).

Actusf : Que peux-tu nous dire sur le nouveau roman de Johan Heliot chez Nouveaux Millénaires ?
 Thibaud Eliroff : D'abord que ce fut un plaisir et une joie de travailler avec Johan. Quand je lui ai demandé d'écrire un roman pour la collection Nouveaux Millénaires, la consigne était simple : faire preuve d'audace et d'ambition. Johan a relevé le défi et est très rapidement revenu vers moi avec un synopsis où il était question de la création du monde et d'un nouveau regard sur les mythes qui lui sont liés, d'un radeau capable de se mouvoir sur la cime des arbres, d'un journaliste qui filme et monte ses reportages en temps réel sur sa rétine... et de plein d'autres idées qui m'ont immédiatement fait saliver. Le résultat est quelque chose d'étonnant, où les fans de l'auteur retrouveront bien sûr la patte de Johan, mais également de nouvelles choses à même, je l'espère, de les étourdir ou de les émouvoir. Quant à ceux qui ne connaissent pas encore l'auteur, c'est une très bonne occasion de le découvrir !

Actusf : En octobre sort chez Pygmalion le dernier tome de La Première Loi de Joe Abercrombie. La série a-t-elle eu le succès que tu espérais ?
Thibaud Eliroff : Oui et non. Eu égard aux chiffres du marché de la fantasy ces dernières années et au fait qu'il s'agisse du premier roman de son auteur (du moins pour son tome 1), on peut dire que La Première Loi s'est très bien vendue, se hissant au niveau d'autres auteurs populaires ces dernières années comme Patrick Rothfuss ou Brandon Sanderson. Mais évidemment, quand vous lancez une série de cette trempe, vous espérez toujours tenir le nouveau best seller de la décennie. Qui sait, elle le deviendra peut-être en poche...
 
Actusf : S'il n'y a pas de rentrée littéraire à proprement parler en Imaginaire, le phénomène qui occupe de l'espace dans les médias et les libraires impactent-ils vos ventes ? Est-ce que cela a des conséquences sur tes choix de publication ?
Thibaud Eliroff : Je te confirme qu'il n'y a aucun impact de la rentrée littéraire, ni sur les ventes ni sur mon programme. Evidemment, les journalistes sont moins réceptifs, mais c'est déjà très difficile pour eux en temps normal de parler de SF/Fantasy, alors au final ça ne fait pas une grosse différence. En revanche, octobre est traditionnellement le mois où nous organisons chez J'ai lu ce que nous appelons la "promo SF", une opération commerciale où pour deux titres achetés, un troisième est offert directement en librairie. Les ventes sont véritablement dopées sur cette période, aussi je me débrouille toujours pour faire sortir un maximum de titres avant.

Actusf : Comment as-tu choisi les mois de parution des titres à venir ? Est-ce que cela change quelque chose de sortir un livre en septembre ou en novembre ? Y'a-t-il une "stratégie" dans le choix des mois de parution ?
Thibaud Eliroff : Il y a au final, non pas une stratégie, mais plusieurs petites. Je viens de parler de la "promo SF", mais il y a d'autres phénomènes qui influencent le programme. Les mois creux, par exemple : je ne sors quasiment jamais de livre ni en décembre, ni en juillet, car les commandes de Noël s'arrêtent en novembre et celles de l'été début juin. Et si un livre doit sortir en août, je le mets sur le dernier office, car il n'y a pas grand monde en librairie pendant les vacances. Ensuite c'est du cas par cas. En poche, nous essayons notamment de caler nos sorties sur les nouveautés des auteurs concernés en grand format, ce qui permet de faire de la promo croisée et de motiver les journalistes.
 
Actusf : Et y'a-t-il finalement une rentrée littéraire en SF et en fantasy ?
Thibaud Eliroff : S'il y en a une, je ne suis pas au courant.
 
Actusf : Pour Pygmalion, pourquoi avoir choisi un titre de Bitt lit en septembre et trois titres de fantasy en même temps en octobre ?
Thibaud Eliroff : Je serais bien en peine de répondre à cette question dans la mesure où je ne suis pas l'éditeur de la bit-lit chez Pygmalion (qui est en quelque sorte l'organe grand format de Darklight). Je ne suis pas l'éditeur de Robin Hobb non plus, je ne me risquerais donc pas à expliquer pourquoi ce titre a été placé en octobre.

Actusf : On parle d'une crise en librairie depuis le début de l'année avec une baisse de leur fréquentation et des ventes. Avez-vous ressenti le phénomène sur vos ventes dans les deux collections ? Est-ce que cela t’a incité à changer des choses dans les programmes de parution ?
Thibaud Eliroff : Comme je l'ai dit plus haut, Nouveaux Millénaires est née au beau milieu de la crise, donc nous savons à quoi nous attendre. Pour Pygmalion Fantasy, le repli du marché de la fantasy nous a conduits à réduire la voilure sur les nouveaux projets, comme je l'ai également expliqué.

Actusf : Es-tu inquiets pour l'avenir ? 
Thibaud Eliroff : Pas particulièrement. Il est vrai que l'avenir du poche est menacé par l'arrivée du numérique, mais la situation est loin d'être aussi désespérée qu'on l'entend ici ou là. En ce qui concerne Nouveaux Millénaires, je suis très optimiste : je crois beaucoup en ce projet, qui répond à une demande réelle des lecteurs et des libraires. Et le programme à venir a de sérieux arguments à faire valoir !

Actusf : Quels sont les titres à venir en 2012 ? Que peux-tu déjà nous dire sur le programme ?
Thibaud Eliroff : 2012 sera une année ambitieuse pour Nouveaux Millénaires : du fantastique urbain avec un nouvel auteur qui cartonne en Grande Bretagne, Ben Aaronovitch ; du steampunk mâtiné de réalité virtuelle et d'uchronie au sein d'un projet fou, le Demi-Monde de Rod Rees ; la suite des aventures de Miles Vorkosigan ; tout un programme de rééditions de Philip K. Dick, dont Le Maître du Haut Château et Blade Runner avec de nouvelles traductions, douze autres romans compilés en deux omnibus avec des traductions révisées ; un roman de SF de Fabien Clavel qui nous emmène au temps de la conquête de la Germanie par les Romains ; et peut-être, si vous êtes sage, un roman inédit de Pierre Bordage...
 
En marge de la collection, Stephen King fera son grand retour chez J'ai lu avec un nouvel opus à son monumental cycle de la Tour Sombre, et qui s'intercalera entre les volumes 4 et 5.
 
Enfin, l'événement chez Pygmalion, c'est - enfin - la suite du Trône de fer de George R.R. Martin. Tome 13 au printemps, 14 à l'automne et 15 en début d'année 2013.

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