ActuSF : Un petit mot tout d’abord sur cette édition 2015. Quels seront les temps forts ? Et les nouveautés ?
Valérie Frances : Outre le programme habituel de Trolls&Légendes, qui parcourt de manière transversale tous les aspects de la Fantasy, de l’édition à la musique, en passant par le jeu, l’illustration, l’artisanat, l’animation ou encore le cinéma, nous pourrons en effet cette année épingler quelques temps forts. Parmi ceux-ci, la présence en dédicace de cinq invités d’honneur : Trudi Canavan, Robin Hobb, Jean-Louis Mourier, David Petersen et Noah Hathaway. Sans compter des concerts très attendus du public avec des groupes internationaux très diversifiés, regroupés en soirées thématiques (plutôt humour le vendredi, métal le samedi et folk le dimanche). Parmi les nouveautés, pas mal d’artistes qui ne sont jamais venus au festival, mais également un espace agrandi vers l’extérieur avec une large part du marché artisanal, une scène avec des concerts et des animations en journée et une chasse aux œufs de Pixies !
ActuSF : Il y a un joyeux et très beau mélange entre musique, littérature, bande dessinée... Comment concevez-vous le programme ?
Valérie Frances : Nous sommes une équipe de bénévoles qui constituons ce fameux mélange. Chacun vient avec sa motivation et surtout sa connaissance du domaine qui est le sien… Et un bon carnet d’adresses bien entendu ! Une fois que le thème est établi – cette année, le Troll sera à l’honneur –, nous faisons en sorte d’établir la plus belle affiche de programmation possible en fonction de ce dernier, mais également de l’actualité culturelle (sorties littéraires, derniers albums, buzz autour d’un phénomène cinématographique ou musical, etc.). Depuis le début, nous avons cherché à créer des connexions entre les différentes facettes de la Fantasy. Nous savons ce qu’est un salon littéraire ou un festival du film, mais Trolls&Légendes se veut plus que cela. Sans prétention aucune, nous tentons à notre manière de faire se rencontrer les genres et les artistes d’univers parallèles, mais néanmoins complémentaires. Et nous essayons également de faire découvrir aux autres ceux qui comptent dans notre milieu. De leur ouvrir de nouvelles portes, de leur faire vivre de nouvelles rencontres, de les émerveiller avec les œuvres qui nous ont fait rêver.
ActuSF : Quelle a été ta ligne directrice pour choisir les auteurs que tu as invités ?
Valérie Frances : Je me constitue une première liste d’envies, de coups de cœur, d’auteurs que j’ai lus et appréciés et que je souhaiterais accueillir au festival. Je fais attention également aux sorties littéraires qui sont annoncées longtemps à l’avance et, dans la mesure du possible, au thème du festival. Ensuite, je rencontre les éditeurs qui sont nos partenaires sur l’événement. Eux aussi me proposent leur liste. Et nous accordons nos attentes afin que les deux parties soient satisfaites. J’échange aussi avec notre libraire pour avoir son avis sur certains ouvrages, sur l’engouement des lecteurs. Bien entendu, à côté de cela, je reçois beaucoup de demandes isolées, directement de la part des auteurs. Et, en fonction de la place dont je dispose, je peux enfin constituer mon panel d’invités.
ActuSF : Il y a de nombreux auteurs qui reviennent à chaque édition du festival, et notamment Robin Hobb qui était déjà là il y a deux ans. Quel est le lien entre le festival et les auteurs ?
Valérie Frances : Robin Hobb a effectivement partagé avec nous l’édition 2011 de Trolls&Légendes. Elle a exprimé avec enthousiasme son désir de revenir et j’en ai bien sûr été enchantée. D’autres auteurs sont devenus en quelque sorte des fidèles de l’événement. D’abord, parce qu’ils souhaitent (avec force conviction) y revenir à tout prix, ensuite parce qu’ils sont d’excellents ambassadeurs. Il suffit de les entendre parler du festival pour être convaincus de ne pas pouvoir rater la prochaine édition. Cela nous encourage à continuer dans nos efforts. Nous mettons un point d’honneur à recevoir nos invités comme ils le méritent. Et ils nous le rendent bien ! Enfin, certains de ces auteurs ont ce lien particulier avec le public qui fait que nous ne pouvons pas feindre d’ignorer qu’ils ont sorti un livre inédit, même s’ils sont déjà venus. Ceci étant, nous aurons cette année une petite dizaine d’auteurs qui n’ont jamais mis les pieds à Trolls&Légendes…
ActuSF : Il y a pas mal d’expositions prévues. Peux-tu nous dire un mot des artistes ?
Valérie Frances : Il y aura dix artistes dont les œuvres seront exposées dans la galerie d’exposition et qui seront en dédicace dans l’espace Édition. Parmi eux, je citerai Sandrine Gestin, que l’on ne présente plus, spécialiste talentueuse du monde féerique, Séverine Pineaux que l’on connaît pour ses hybridations d’arbres et d’animaux ou d’hommes, mais qui en surprendra plus d’un avec ses chats. Ou encore Bruno Brucero qui présentera une toute nouvelle série de toiles (dont un troll ;-) autour de son nouveau livre illustré. Sans parler de Magali Villeneuve et Alexandre Dainche qui, à eux deux, travaillent pour les plus grandes licences telles que Lord of The Rings, Game of Thrones ou encore Star Wars. Enfin, cerise sur le gâteau, Olivier Ledroit présentera les originaux de ses planches de Wika dont, certaines, arrivées tout droit de la Galerie Glénat à Paris !
ActuSF : Un petit mot sur les dix ans du festival. Quel regard portes-tu sur ces dix ans ?
Valérie Frances : Dix ans, sixième édition… et que de chemin parcouru, sans presque m’en rendre compte j’ai envie de dire. Le festival a grandi, s’est développé, un peu malgré nous (l’équipe de l’organisation), qui ne nous attendions pas vraiment à ce succès au début ; un peu grâce à nous et à notre engagement pour lui garder son âme. Un enfant exigeant aussi, qui demande de plus en plus d’attention, de travail, vu l’ampleur qu’il a pris. Une tâche sans cesse repassée sur l’écheveau, remise en question, quand il s’agit de l’améliorer, d’y apporter de petits plus. Et je me rends compte qu’il n’y a pas vraiment de routine, de système à simplement mettre à jour, car chaque édition est finalement assez différente de la précédente. Celle-ci plus encore que les autres, car nous tenions à marquer le coup, tant au niveau du programme que de la décoration par exemple, mais aussi en tenant compte de l’affluence et donc de l’espace alloué au public (allées doublement plus larges) ou en accordant une attention toute particulière aux personnes à mobilité réduite.

ActuSF : Tu as dirigé l’anthologie officielle de Trolls et Légendes. Comment as-tu choisi les auteurs que tu voulais mettre au sommaire ?
Valérie Frances : Comme pour l’anthologie de l’édition précédente, les auteurs au sommaire sont des auteurs invités. Il n’y a donc pas eu d’appel à textes ouvert. J’ai proposé le thème du festival – il allait donc être question de trolls pour rappel –, à un certain nombre de ces auteurs qui pourraient me surprendre, en tant que lectrice, dans cet univers. Et je n’ai pas été déçue. Ils ont tous joué le jeu de formidable manière ! Neuf textes d’auteurs français de talent (Pierre Pevel, Claudine Glot, Estelle Faye, Cassandra O’Donnell, Jean-Luc Marcastel, Magali Ségura, Adrien Tomas, Gabriel Katz et Patrick Mc Spare), plus une préface de Gilles Francescano que l’on n’attendait pas dans cet exercice, et traitant des trolls de manières totalement différentes, plus une nouvelle inédite en français de Megan Lindholm, n’importe quel anthologiste serait aux anges !
ActuSF : Ce sommaire est alléchant. Un petit mot peut être sur les textes de Robin Hobb et de Cassandra O’Donnell ?
Valérie Frances : Le texte de Megan Lindholm, alias Robin Hobb, est le seul qui ne porte pas sur le thème des trolls. Il y est question d’un vieux tacot, héritage de famille, qui est doté d’équipements électroniques très sophistiqués à l’époque de sa construction, mais un peu obsolètes à l’époque où l’histoire se déroule. S’ensuit une succession de scènes de famille entre une mère et ses deux enfants ; la mère ayant connu la voiture dans sa jeunesse y retrouve quelques souvenirs nostalgiques et son aîné, adolescent en pleine crise, n’y voit quant à lui qu’un tas de boue ringard… Du moins jusqu’à ce que certains événements le fassent changer d’avis.
Celui de Cassandra O’Donnell, particulièrement croustillant, met en scène Leonora Kean, la fille de Rebecca Kean, héroïne de sa série phare. Une sorte de pré-spin off, avec la verve de l’auteur que l’on connaît bien et ce sens des dialogues qui rend l’histoire très vivante. Il y est question d’une Yamadut (pour savoir de quoi il s’agit, je vous renvoie à la lecture du texte) qui pourchasse un troll qui a quitté le droit chemin… Le tout avec un humour et un final sarcastique de toute beauté ! En dire plus vous gâcherait le plaisir de la lecture.
ActuSF : Même chose sur la nouvelle de Pierre Pevel qui n’écrit que peu de nouvelles. Comment l’as-tu convaincu ?
Valérie Frances : Il y a quelques mois, aux Imaginales, j’ai discuté avec lui de la future anthologie et je lui ai dit que je voulais absolument qu’il soit au sommaire, car il fait partie justement des meilleurs ambassadeurs du festival. Il m’a répondu qu’il n’écrivait pas de nouvelles, que le texte court ne lui allait pas, mais que s’il avait une idée, sur le thème de Trolls&Légendes, il voulait bien essayer pour me faire plaisir (entendez par là le festival dans son ensemble). Je crois qu’il n’y a pas qu’à moi qu’il va faire ce plaisir, car ce texte est un vrai bijou. Non seulement il m’a vraiment surprise par la façon qu’il a eue d’aborder le thème, mais également en reprenant d’anciens personnages et l’univers des Enchantements d’Ambremer. Probablement, le fait de retravailler sur cette série du Paris des Merveilles n’a-t-il pas été anodin dans ce choix, mais je suis honorée qu’il ait proposé cette très rare nouvelle pour cette anthologie en particulier.
ActuSF : La couverture est magnifique. Qu’est-ce qui te plait chez Alexandre Dainche et Magalie Villeneuve pour les sélectionner ?
Valérie Frances : Les personnages de ses deux illustrateurs sont pleins de force, les sentiments se dégagent de leurs visages de façon parlante et les couleurs sont particulièrement vibrantes. J’ai aussi été admirative, dès la première fois que j’ai vu leurs œuvres, par la façon dont ils parvenaient à créer des personnages de sagas cultes, en se détachant des acteurs qui interprétaient leurs rôles dans les films ou séries (licences obligent), mais en les rendant tout à fait reconnaissables et identifiables malgré tout. Ce sont deux artistes de grand talent qui ont plus d’une corde à leur arc ; il suffit de suivre ce qu’ils font autour de leur cycle Fantasy de La Dernière Terre.
ActuSF : Un petit mot sur 2017 et l’édition prochaine du festival ?
Valérie Frances : Une édition à la fois… Il est encore trop tôt pour dévoiler quoi que ce soit concernant le festival en 2017. Nous pourrons revenir sur la question, une fois ce Trolls&Légendes passé et le bilan des dix ans derrière nous.
