Actusf : Pourquoi avoir choisi le genre science-fiction ?
José Luis Zarate Herrera : J'ai commencé par lire de la SF car les autres romans que l'on nous faisait lire à l'école ne me plaisaient pas. Je cherchais d'autres choses qui correspondaient plus à mes intérêts. Je fais partie d'une génération d'enfants dont les deux parents travaillaient. Nous restions à la maison sous charge de la grand-mère. Alors, elle nous mettait devant la télévision pour ne pas être embêtée. Je regardais donc beaucoup les programmes et dans les années 60, la science fiction était très présente. Par conséquent avant le côté fantastique ou irréel, la SF était avant tout un élément quotidien de ma vie. Quand j'ai commencé à écrire, ce qui est sorti naturellement de mon esprit sont des histoires de SF.
Miguel Angel Fernandez Delgado : Je crois que je me suis intéressé non pas à la SF seulement, mais à la littérature fantastique dans le sens large du terme parce que j'avais besoin d'un moyen d'évasion. Plus jeune, je trouvais la vie de tous les jours, peu variée, sans beaucoup de nouveauté. J'ai donc cherché dans la littérature fantastique autres choses. J'ai découvert qu'avec la littérature dites spécifique comme le polar, la SF ou bien encore l'horreur, il existait des nombreuses variations de thèmes. La SF reste le seul genre où tout est possible, où l'on peut combiner pleins d'éléments différents pour arriver à obtenir des résultats inespérés et totalement nouveaux. J'ai une formation universitaire d'avocat et après d'histoire, ce qui m'a permis d'utiliser ce bakround pour étudier la SF. On a tous commencé par lire des livres américains mais après avoir lu de plus amples informations sur la SF mexicaine, j'y ai trouvé des sujets intéressants. Alors je me suis dis pourquoi pas se servir ma formation de chercheur pour en savoir un peu plus la SF mexicaine.
Actusf : A quand remonte les premiers écrits de SF au Mexique ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : En poussant mes recherches, j'ai découvert que le premier livre de SF mexicaine remonte à 1775. Ce premier livre à été écrit par Pedro Castera, un maniaque dépressif qui voulait aborder le thème de la manipulation mentale. L'histoire raconte les expérimentations d'un scientifique. En fait, la femme qui n'a pas de volonté propre. Alors le scientifique l'hypnotise et la fait parler et agir selon sa volonté. Un autre homme arrive dans cette ville, découvre la femme et s'en éprend. Il demande alors au scientifique de manipuler la femme afin qu'elle tombe amoureuse de lui. Il s'agit là d'une sorte de version de Frankenstein avec beaucoup de misogynie. Ce livre n'est pas très connu au Mexique. Il a été publié en 1890 et en1923. Après il a disparu. Nous essayons actuellement de le récupérer et de le publier en tant que livre de SF.
Actusf : comment se porte la SF au Mexique ?
José Luis Zarate Herrera : Il faut savoir que le niveau de lecture au Mexique est très bas. Il y a plus ou moins 0.5 livre par an et par habitant par manque de culture. Il y a un rejet face à la lecture. Les lecteurs potentiels lisent plutôt des " sous-genres ". Par conséquent, la SF n'a pas subi de rejet de la part des lecteurs mais plutôt des éditeurs. Ils agissent ainsi surtout pour des motifs économiques et de prestige aussi. Comme la SF n'est pas beaucoup reconnu, ils n'ont pas envie de la publier.
Actusf : Est-ce que vous arrivez à vivre des ventes de vos livres ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : En général les livres de SF mexicain se vendent mais les lecteurs préfèrent acheter des livres américains. Les gens se rendent compte maintenant que la SF mexicaine est très présente dans leur pays, avant ils ignoraient totalement son existence. Et puis, les lecteurs pensaient qu'elle devait être très mauvaise alors ils n'allaient pas la lire. Nous sommes en train de tenter de faire changer les opinions.
José Luis Zarate Herrera : Mon livre s'est plutôt bien vendu. J'ai d'ailleurs reçu un prix littéraire pour ce roman. Il y a beaucoup de concours au Mexique alors lorsqu'un lecteur cherche un livre d'un auteur nouveau, il choisit en général un auteur qui a eu un prix, ça aide. Le problème vient des éditeurs. Ils changent souvent leur ligne éditoriale et nous écrivains, nous devons tout le temps chercher à quelle maison d'édition frapper. Les auteurs participent souvent à des concours car les maisons d'édition payent peu pour un roman, c'est environ 100 $ par livre ce qui est peu. Alors, ils préfèrent participer à des concours, cela leur permet de gagner de l'argent, d'être publié et en plus ils se font un CV qui leur permet d'accéder aux maisons d'édition plus facilement. Au Mexique, on dit qu'il existe deux types de communication : celle de masse et celle de table. Et c'est celle là qui fait que nous commençons à être connus par le public. Pour nous, c'est d'autant plus réconfortant.
Actusf : Quelles sont les thèmes, les tendances de la SF mexicaine ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : Notre littérature au début, copiait beaucoup ce qui se faisait à l'étranger. Du XVIIIème jusqu'au début du XXème siècle, nous avons subi les influences des français avec par exemple Voltaire ou bien encore Jules Verne. Après vers les années 40, Diego Canedo commence à écrire des histoires dont l'ambiance est plus mexicaine. Par exemple, un de ses récits se passe dans un monde parallèle où le Mexique se fait envahir par des nazis. C'est vraiment un précurseur dans le milieu. Ensuite, c'est dans les années 60-70 que la littérature mexicaine tente de prendre une direction propre. Les personnages commencent à parler en mexicain avec des expressions mexicaines. Il faut savoir que les traductions provenaient d'Espagne et donc avec des termes espagnols. Par exemple, en Espagne, on utilise le mot " Ordinatorio " et au Mexique, nous disons " computadora ". Plus les années passent et plus la littérature mexicaine puisse dans ses racines. Aujourd'hui, la SF aborde des sujets de corruption, vices, de politique, des préjudices de la société… Il est rare actuellement, que les romans n'aient aucun rapport avec la réalité mexicaine.
Actusf : comment êtes-vous perçu par les critiques ?
José Luis Zarate Herrera : Les critiques sont quasiment inexistantes. Ils nous ignorent totalement. Un phénomène curieux apparaît : des auteurs généralistes ou des gens reconnus du milieu littéraire classique ont commencé à écrire des livres sur la SF. Entres autres, Lopez Castro a gagné un des prix littéraires importants du Mexique avec un travail intitulé " Un expedicion por la SF mexicana " (une expédition dans la SF mexicaine).
Actusf : Et la presse, s'intéresse-t-elle à vous ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : oui et non. En fait, la presse parle de nos livres mais en vérité, ils recopient le résumé derrière le livre et cela s'arrête là. On sait bien qu'ils ne l'ont pas lu.
Actusf : Vous pensez à publier à l'étranger ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : Il y a une forte participation des auteurs mexicains à des concours en Espagne. C'est un bon moyen de nous faire connaître mais sinon, être publié dans d'autres pays cela reste difficile. Mes travaux ont été quand même traduit en anglais et publié aux Etats-Unis, en Allemagne, en Espagne et en Argentine. Mais ce ne sont pas des romans. Nous sommes vus par les pays comme un mouvement tout nouveau car nous n'avons pas une réputation aussi ancienne que vous.
Actusf : Comment se fait-il que vous soyez présent à Utopia ?
Miguel Angel Fernandez Delgado : Patrick Gyger m'a demandé de venir comme j'étais la seule personne qu'il connaissait au Mexique, de lui donner trois noms de la SF d'Amérique Latine. Je lui ai fourni un auteur argentin, un brésilien et enfin, un mexicain, qui n'est autre que José Luis Zarate Herrera. Et C'est le seul qui était disponible. Mais ne pensez pas que parce qu'il est mexicain et que c'est un ami, je l'ai pistonné (rires).
Actusf : Quelles sont vos impressions sur le salon ?
José Luis Zarate Herrera : J'ai beaucoup aimé être présent. Il y a une énergie, une sensation que la science-fiction est vivante et active. En plus, il est très agréable de rencontrer des gens qu'habituellement, on ne peut pas rencontrer physiquement tous les jours. On communiquait juste avec Internet et là, c'est vraiment autre chose. J'aime l'importance que prend ce festival et par-dessus tout j'ai découvert l'intérêt qui existait pour la Science-fiction. Il y a beaucoup de gens qui vont aux conférences, qui vont voir les films… J'ai découvert que le public, lui aussi s'intéressait à la SF où qu'on soit.
Miguel Angel Fernandez Delgado : Je n'avais participé qu'à des festivals aux Etats-Unis ou Mexique, et l'intérêt était toujours porté vers la SF anglo-saxonne. Ici, c'est le premier où il existe une présence plus diversifiée. Les anglo-saxons sont minoritaires. Ce qu'il ressort de ce festival est que la SF doit être étudiée dans chaque pays avec son contexte propre et non pas comparée à la SF américaine. Chaque pays doit avoir sa propre identité, sa propre réflexion et ses propres réactions. * jeu de mots car table se dit " mesa " en mexicain : " comunicacion de massa y de mesa ". En fait, il allusion au bouche à oreille.
La chronique de 16h16 !