ActuSF : Parlez-nous tout d'abord de votre parcours. Comment en êtes-vous arriver à la bande dessinée ?
Wilfrid Lupano : Véritablement par hasard. j'ai travaillé pendant longtemps dans les bars musicaux, je servais, j'organisais les concerts... L'un de ces bars s'appelait le Bistrologue, et j'y ai rencontrer Fred Campoy et Roland Pignault, deux dessinateurs (Arcanes, Shrog, Pandora Box...) qui sont aussi musiciens et alcolodépendants. On est devenu des amis, et ils m'ont un jour proposé de collaborer avec eux sur un projet qu'ils avaient en tête: Little Big Joe, un western burlesque...
De mon côté, j'écrivais depuis longtemps, (depuis toujours en fait... de la nouvelle, des petits textes...), et je dévorais de la bande dessinée mais curieusement, je n'avais jamais fait le rapprochement entre ces deux activitées... Je sais ce que vous allez dire, je ne suis pas très malin...
Bref...
J'ai accepté l'idée, on a monté le projet avec Fred Campoy, et hop ! C'était parti.
ActuSF : Votre biographie indique que vous avez eu de multiples sources d'influences dont des romans de science-fiction. Lesquels vous ont le plus marqués ?
Wilfrid Lupano : J'ai effectivement adoré la science fiction dans mes jeunes années. J'en lis moins aujourd'hui... Les romans qui m'ont vraiment marqués et que je continue de conseiller autour de moi sont Câblé de Walter John Williams, les nouvelles de Sterling, La Vie Eternelle de Jack Vance, et Elric le Necromancien de Moorcock. Du très classique, quoi... Ah, n'oublions pas l'énormissime Terry Pratchett, ce ne serait pas bien...
ActuSF : Comment l'aventure Célestin est-elle née ?
Wilfrid Lupano : Elle est née d'une volonté de jouer avec l'ordre des clichés et de varier les genres, ce que j'aime faire par-dessus tout. Dans Célestin, mon personnage principal est un gars qui a un profil très féminin : il joue sur la séduction, sur la promotion canapé, bref, sur son physique... A l'inverse, les personnages féminins sont très engagés dans la politique et l'action... Voilà pour l'inversion des rôles.
Quant à l'univers de Célestin, je voulais mélanger deux genres qui a priori ne se croisent jamais: la légèreté de la romance "Vaudevillesque" et la gravité de la condition du peuple. J'ai envoyé scénario aux édtions Delcourt il y a presque 3 ans, mais on a mis du temps de trouver le dessinateur adequat pour cette série. Et puis soudain, l'année dernière à Angoulême, on a rencontré Jannick Corboz, qui arpentait le festival avec le pantalon déchiré aux fesses... Le doute n'était pas permis: c'était lui !
ActuSF : Qu'aviez-vous envie de raconter comme histoire ? Quelles ont vos influences si vous en avez identifié certaines ?
Wilfrid Lupano : L'histoire de Célestin, c'est la sempiternelle histoire de tous ceux qui aimeraient bien être né ailleurs que dans leurs chaussures. C'est un sentiment que presque tout le monde ressent un jour dans sa vie, il me semble... Mais je voulais explorer ce thème sur le ton de la farce... En ces temps troubles où l'ascenseur social est moins social que la TVA, "il est bon de rire parfois" (j'adore cette expression...). Mes influences, on les devine largement à la lecture: on voit passer l'ombre de Cyrano, celle de Cartouche, de Fanfan la Tulipe, de Moli... Cet univers de la farce romanesque qui fait tant rêver...
Wilfrid Lupano : Célestin n'est pas vraiment poète. Il est surtout fort pour déclamer les vers des autres. Ce n'est pas pour rien que son meilleur ami est un véritable écrivain, lui.
Célestin est un beau parleur, un mignon sans le sou qui se donne des airs. C'est un couillon un peu pathétique, mais dépourvu de méchanceté. Il n'est pas précisément lunatique, mais plutôt dirions-nous, "Sélénite". Il est à la fois "tombé de la lune", "dans la lune", "sous la lune"... Bref, il est tellement affligé par le mystère de sa naissance qu'il s'est choisi la Lune pour marraine... La lune, blanche et vierge, remplace la maman qu'il n'a jamais connu... En revanche, pour l'arrivisme, vous avez raison. C'est même chez lui une seconde nature, et une obsession.
ActuSF : L'époque n'est pas tout à fait précisée, mais avez-vous eu besoin de documentation ?
Wilfrid Lupano : monde imaginaire, époque imaginaire. Nous sommes quelque part dans une ville d'eau, un mélange entre Vienne et Venise... La ville et le royaume que dirige Maurice 1er ont été élaboré de concert avec Yannick. Chacun a apporté sa vision, par petites touches... Yannick a passe beaucoup de temps à faire exister cet univers, et ça se ressent, je crois.
ActuSF : Il y a une certaine poésie, une douceur dans Celestin que l'on avait déjà dans Alim le Tanneur. Vous semblez jeter un regard assez tendre sur vos personnages...
Wilfrid Lupano : Je suis ravi que se remarque... C'est à la fois voulu et un réflexe naturel : je ne sais pas faire autrement que d'avoir de l'affection pour mes personnages...
ActuSF : :Comment Célestin va-t-il évoluer par la suite ? Quelle direction l'histoire va-t-elle prendre ?
Wilfrid Lupano : Oulah, permettez-moi de ne pas répondre, ce serait bien dommage...
ActuSF : Combien de tomes prévoyez-vous ?
Wilfrid Lupano : Cette aventure de Célestin se terminera au prochain tome, mais on ne s'interdit pas de continuer à nous amuser avec ce personnage par la suite...
ActuSF : Quels sont vos projets ?
Wilfrid Lupano : Je travaille actuellement sur deux nouvelles series : Corpus Crispies, aux éditions Soleil, avec l'excellent Mako au dessin. (Sortie en aout). Plus tard, courant 2008, j'aurais également l'honneur et l'avantage de vous présenter L'Honneur des Tzarom, aux édtions Delcourt, avec le sulfureux Paul Cauuet au dessin. Et dans l'intervale, Alim le Tanneur T3 sortira le 7 novembre, et L'Ivresse des Fantômes T2 en Janvier.