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Interview Xavier Mauméjean pour American Gothic
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Interview Xavier Mauméjean pour American Gothic

Actusf : Comment est née l'idée de ce roman ? Qu'est-ce qui t'a donné envie de l'écrire ? 
Xavier Mauméjean : L’envie a précédé l’idée. Il y a plus de dix ans, lors d’un séjour en Caroline du Nord, j’avais trouvé un recueil des contes de Mother Goose. La tradition anglo-saxonne qui est très particulière, faite de contes, comptines, charades, rébus, etc., d’origine anglaise puis américaine, notamment de la très puritaine Boston. Elizabeth Goose, auteure de l’ouvrage célèbre, était ainsi une proche du révérend Cotton Mather, le célèbre chasseur de sorcières.
Le mélange de naïveté, d’extrême candeur et aussi d’horreur pure, de violence sur enfants, m’a tout de suite donné envie d’écrire quelque chose. Mais il m’a fallu des années pour trouver la forme adaptée. 
 
 
Actusf : Qui était Daryl Leyland ? Qu'est-ce qui t'a amené à t'intéresser à ce personnage ? 
Xavier Mauméjean : Daryl Leyland est très largement inspiré du peintre et écrivain Henry Darger. Quantité d’éléments biographiques apparaissant dans le roman sont ainsi authentiques, ou à peine décalés. C’est précisément à partir de la vie invraisemblable de Darger que j’ai structuré le récit. En soi, son existence vaut le plus incroyable des romans. J’en profite pour saluer Jérôme Noirez qui m’a fourni une documentation précieuse, sacrifiant probablement au passage son propre projet. Un geste d’une valeur inestimable de la part d’un écrivain. 
 
 
Actusf : Peut-on le comparer à d'autres auteurs/collecteurs de contes comme les Frères Grimm ou L. Frank Baum ? Qu'est-ce qui fait sa spécificité ? 
Xavier Mauméjean : Dans le roman, Leyland est pratiquement inculte et ignore tout de la tradition européenne de la Mère l’Oye, celle effectivement des trois contes des frères Grimm et bien entendu de Perrault. Mais surtout il est américain. Ses fantasmes sont ceux de l’Amérique et vont s’imposer à l’imaginaire collectif de la nation. Il est donc en effet très proche de L. Frank Baum (Le magicien d’Oz) et de Winsor McCay, l’auteur notamment de Little Nemo. Comme chez eux, la rêverie n’est jamais très loin du cauchemar. D’ailleurs, dans American Gothic, un tueur en série s’inspire des contes pour mettre en scène ses meurtres. Et ce tueur est lui aussi largement inspiré d’un personnage réel.
 
 
Actusf : Ce qui frappe, c'est la construction assez épatante de ton livre avec cette enquête qui tourne autour de ton héros pour en dessiner les contours par petites touches. Comment as-tu travaillé pour ce roman ? Est-ce que cette construction t'a demandé un travail particulier ? 
Xavier Mauméjean : J’ai travaillé à la façon d’un patchwork, symbole s’il en est de la tradition américaine. Ou par collage, technique expérimentée pour la première fois dans Kraven qui s’inspirait largement du pop-art. J’ai donc créé autant de fichiers que de chapitres, ce qui me permettait de les travailler ensemble, de placer un élément ici pour le faire reparaître là, ce genre de choses. Une fois la structure établie, qui repose à la fois sur le Yi-king et une progression chaoticienne (deux éléments prépondérants dans le roman), je suis passé à la phase de rédaction en adoptant un style propre à chaque témoignage, ressenti de tel personnage, document officiel, etc. 
 
 
Actusf : La période choisie n'est évidemment par innocente. On est en pleine Amérique du maccarthisme. Pourquoi avoir choisi cette période de Chasse aux sorcières ? 
Xavier Mauméjean : Parce que le roman veut décrire la création d’un imaginaire américain. Or le maccarthisme est aussi une vaste élaboration collective, mais sombre, paranoïaque. Le début des années 1950 était donc un contrepoint obscur idéal.
 
 
Actusf : Tu reviens une nouvelle fois aux États-Unis. Qu'est-ce qui t'intéresse dans les mythes américains et dans leur construction ?
Xavier Mauméjean : L’Amérique est une nation jeune qui se forge sa propre mythologie fin XIXe, début du XXe siècle. Notamment d’ailleurs une mythologie extrêmement originale car en partie non pas issue du passé, mais tournée vers le futur avec la science-fiction. En tant qu’européen, je trouve fascinant d’étudier cette élaboration, car notre propre mythologie est ancienne, plusieurs fois millénaires. Mais écrire un pseudo roman américain ne me semblait pas avoir de sens.  C’est pourquoi dans le récit celui qui rassemble les documents est français. Tout comme dans Lilliputia la plupart des personnages étaient des migrants de fraîche date en provenance du vieux continent.  
 
 
Actusf : Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?
Xavier Mauméjean : Actuellement, je travaille principalement pour France Culture. Mais aussi sur un roman qui conclura la trilogie initiée par Lilliputia et poursuivie par American Gothic. L’histoire portera sur la rencontre de Sigmund Freud et d’Harry Houdini à New York en septembre 1909. Deux juifs originaires de l’empire austro-hongrois, l’un spécialisé dans l’intrusion de l’esprit l’autre dans l’évasion. Freud en entrant dans le port de New York avait déclaré à Jung « Nous leur apportons l’Enfer ». L’imaginaire américain confronté à la psychanalyse pour un roman qui s’appellera Le complexe de Sisyphe

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