Uchronews : Bonjour François, peux-tu te présenter, nous parler de ton parcours, tes œuvres, ce qui t'as amené au dessin ?
François Miville-Deschenes : Bonjour. C’est un peu vaste comme question… Bien, je suis originaire de Bonaventure, petit village de la Gaspésie. La Gaspésie est elle-même une région péninsulaire située au nord-est du Québec, loin des centres urbains. J’y réside encore aujourd’hui, puisant dans le rythme de vie moins frénétique qui y règne tout ce qui est nécessaire à ma création artistique. J’ai toujours dessiné, cela résume assez bien mon parcours. Dès l’âge de deux ans, j’ai commencé à manier le crayon et ne l’ai plus lâché depuis. Nous recevions, avec quelque six mois de retard, les Spirou, Tintin, Pif, Pilote que je dévorais et décortiquais. Mon père m’a donc initié très jeune à la bande dessinée, à ses particularité et à ses codes. J’y puisais une grande part de mon inspiration et l’essentiel de mon apprentissage technique. Car il n’y a pas d’école de dessin ici, ni de beaux-arts, on s’arrange comme on peut. Je ne me suis donc pas éternisé au collège, où le cours de graphisme ne me permettait décidément pas de dessiner suffisamment à mon goût. À 18 ans, ce fut le début de mon travail d’illustrateur (faire de la BD au Québec et en vivre n’était pas envisageable à ce moment), il me permit de tâter de moult genres et styles, de dessiner mille et une choses, ainsi que d’apprendre sur une multitude de sujets et thèmes. Je touchai à l’illustration scientifique, historique, fantastique, publicitaire, etc.
La bande dessinée était toujours présente, j’en lisais toujours. Ce sont les délais et retards de paiement dans le monde de l’illustration qui me poussèrent à soumettre un projet aux maisons d’édition européennes. Les Humanoïdes Associés furent les plus rapides à me répondre; je réalisai alors le premier cycle de la série « Millénaire », en cinq tomes, avec Richard D. Nolane.
Uchronews : Comment s'est décidée et mise en place la collaboration avec Sylvain Runberg ?
François Miville-Deschenes : Lorsque les Humanos cessèrent de payer leurs auteurs, suite à des déboires financiers et autres, je proposai à Sylvain de travailler sur un projet commun. Il m’avait déjà contacté dans le passé pour m’offrir de collaborer, mais ça n’avait pu être possible alors. Le jour était enfin venu. J’ai mis de côté le tome 5 de « Millénaire », qui était très peu avancé. En deux temps trois mouvements, un petit paragraphe résumant la série fut envoyé, un vendredi, à Dupuis et au Lombard. Même sans avoir la moindre image ou esquisse, ils furent immédiatement intéressés et le tapis rouge du Lombard (assorti d’un contrat) se déroulait le lundi suivant.
Uchronews : Comment avez-vous travaillé ensemble ?
François Miville-Deschenes : Par échange de courriels. C’est ce qui nous réussit le mieux, et de toute façon, comme je n’avais pas, jusqu’à récemment, la haute vitesse internet, nous ne pouvions pas compter sur skype ou sur ce genre de technologie de communication. Par téléphone, cela nous aurait coûté une fortune, ça n’a même pas été envisagé. Et je n’aime pas parler au téléphone, même si je le fais aisément en dessinant. Bref, nous fonctionnons par ping-pong épistolaire informatique: une proposition, un retour, une modification, une autre idée, etc. Cette façon de procéder m’a permis de m’impliquer de manière très concrète dans l’élaboration du scénario, ce qui me plaît beaucoup. Pouvoir influencer le cours de l’histoire (celle que nous racontons) est intéressant, car je peux alors, ici ou là, lui faire prendre un tournant qui me favorise et me permet de donner le meilleur de mon dessin (ou simplement d’éviter de dessiner des sujets qui me tentent moins, au bénéfice des autres).
Uchronews : J'imagine que tu as dû réunir une documentation assez conséquente par rapport aux thèmes abordés (peuples antiques, architectures, animaux, etc.) ?
François Miville-Deschenes : J’avais déjà une bibliothèque plutôt bien garnie en raison de mon passé d’illustrateur polyvalent. Je l’enrichis progressivement dès que j’en ai l’occasion. Même si, à la base, notre récit est fictif et met en scène des peuples cavaliers dont les époques se sont chevauchées -on ne saurait mieux dire- il n’en reste pas moins que je m’attache à représenter chacun du mieux que je le peux, en leur prêtant respectivement les caractéristiques qui les distinguent.
Uchronews : Combien de temps cela t'a-t-il pris pour réaliser cet album ?
François Miville-Deschenes : Bof, je n’ai pas calculé. Peut-être trois ans. Il est arrivé trop de choses depuis que j’ai contacté Sylvain pour lui proposer de galoper de concert dans les steppes, que cela n’a pas tellement d’importance. Entre-temps, nous avons déménagé, nous avons eu un enfant (pas ensemble). Le troisième marmot dans mon cas, ça occupe et influence le rendement à la table à dessin, soit dit en passant. Puis il m’a fallut terminer le tome 5 de « Millénaire », auquel je faisais référence plus haut.
Le deuxième tome devrait assurément prendre moins de temps à paraître…
Uchronews : Peux-tu décomposer les différentes séquences de création pour nous ?
François Miville-Deschenes : Ah, je travaille « à l’ancienne » : d’abord, découpage sommaire en petit format sur une feuille volante, crayonné sur la planche originale, encrage (application de l’encre de chine par-dessus le dessin réalisé au crayon), et finalement, coloration à l’aquarelle et à l’encre de couleur. Je fais de la « couleur directe » sur les planches de « Reconquêtes »; c’est un peu plus de travail, mais le résultat me plaît bien davantage, et il est, j’en suis convaincu, beaucoup plus personnel.
Uchronews : J'ai cru comprendre que tu travaillais déjà sur le troisième tome, le tome 2 est donc quasi bouclé ?
François Miville-Deschenes : Non, votre informateur vous a raconté n’importe quoi, ou alors il prend ses désirs pour des réalités (j’opterais pour cette deuxième proposition, si vous n’avez pas d’objection) : je n’en suis encore qu’au premier tiers du tome 2. Sincèrement désolé; il vous faudra être patient.
[Uchronews : autant pour moi, ça m’apprendra à lire en diagonale sur un forum dédié à la Bande Dessinée !]
Uchronews : Un dernier mot pour la route ?
François Miville-Deschenes : Bonne relecture, car c’est ce qu’il faut : l’une pour l’histoire, plus rapide, l’autre pour le dessin, plus attentive.
Ah, tiens, un internaute m’avait lancé le défi de dessiner un axolotl quelque part dans l’album. Le pauvre fait une fixation sur ces petites bêtes. Je me suis exécuté. Vos lecteurs pourront tenter –à la troisième lecture- de dénicher la sympathique bestiole…
[Uchronews : Preuve que l’on devient maso avec l’âge, jetez un coup d’œil attentif à la case 2, page 53…]
Bertrand Campeis
François Miville-Deschenes : Bonjour. C’est un peu vaste comme question… Bien, je suis originaire de Bonaventure, petit village de la Gaspésie. La Gaspésie est elle-même une région péninsulaire située au nord-est du Québec, loin des centres urbains. J’y réside encore aujourd’hui, puisant dans le rythme de vie moins frénétique qui y règne tout ce qui est nécessaire à ma création artistique. J’ai toujours dessiné, cela résume assez bien mon parcours. Dès l’âge de deux ans, j’ai commencé à manier le crayon et ne l’ai plus lâché depuis. Nous recevions, avec quelque six mois de retard, les Spirou, Tintin, Pif, Pilote que je dévorais et décortiquais. Mon père m’a donc initié très jeune à la bande dessinée, à ses particularité et à ses codes. J’y puisais une grande part de mon inspiration et l’essentiel de mon apprentissage technique. Car il n’y a pas d’école de dessin ici, ni de beaux-arts, on s’arrange comme on peut. Je ne me suis donc pas éternisé au collège, où le cours de graphisme ne me permettait décidément pas de dessiner suffisamment à mon goût. À 18 ans, ce fut le début de mon travail d’illustrateur (faire de la BD au Québec et en vivre n’était pas envisageable à ce moment), il me permit de tâter de moult genres et styles, de dessiner mille et une choses, ainsi que d’apprendre sur une multitude de sujets et thèmes. Je touchai à l’illustration scientifique, historique, fantastique, publicitaire, etc.
La bande dessinée était toujours présente, j’en lisais toujours. Ce sont les délais et retards de paiement dans le monde de l’illustration qui me poussèrent à soumettre un projet aux maisons d’édition européennes. Les Humanoïdes Associés furent les plus rapides à me répondre; je réalisai alors le premier cycle de la série « Millénaire », en cinq tomes, avec Richard D. Nolane.
Uchronews : Comment s'est décidée et mise en place la collaboration avec Sylvain Runberg ?
François Miville-Deschenes : Lorsque les Humanos cessèrent de payer leurs auteurs, suite à des déboires financiers et autres, je proposai à Sylvain de travailler sur un projet commun. Il m’avait déjà contacté dans le passé pour m’offrir de collaborer, mais ça n’avait pu être possible alors. Le jour était enfin venu. J’ai mis de côté le tome 5 de « Millénaire », qui était très peu avancé. En deux temps trois mouvements, un petit paragraphe résumant la série fut envoyé, un vendredi, à Dupuis et au Lombard. Même sans avoir la moindre image ou esquisse, ils furent immédiatement intéressés et le tapis rouge du Lombard (assorti d’un contrat) se déroulait le lundi suivant.
Uchronews : Comment avez-vous travaillé ensemble ?
François Miville-Deschenes : Par échange de courriels. C’est ce qui nous réussit le mieux, et de toute façon, comme je n’avais pas, jusqu’à récemment, la haute vitesse internet, nous ne pouvions pas compter sur skype ou sur ce genre de technologie de communication. Par téléphone, cela nous aurait coûté une fortune, ça n’a même pas été envisagé. Et je n’aime pas parler au téléphone, même si je le fais aisément en dessinant. Bref, nous fonctionnons par ping-pong épistolaire informatique: une proposition, un retour, une modification, une autre idée, etc. Cette façon de procéder m’a permis de m’impliquer de manière très concrète dans l’élaboration du scénario, ce qui me plaît beaucoup. Pouvoir influencer le cours de l’histoire (celle que nous racontons) est intéressant, car je peux alors, ici ou là, lui faire prendre un tournant qui me favorise et me permet de donner le meilleur de mon dessin (ou simplement d’éviter de dessiner des sujets qui me tentent moins, au bénéfice des autres).
Uchronews : J'imagine que tu as dû réunir une documentation assez conséquente par rapport aux thèmes abordés (peuples antiques, architectures, animaux, etc.) ?
François Miville-Deschenes : J’avais déjà une bibliothèque plutôt bien garnie en raison de mon passé d’illustrateur polyvalent. Je l’enrichis progressivement dès que j’en ai l’occasion. Même si, à la base, notre récit est fictif et met en scène des peuples cavaliers dont les époques se sont chevauchées -on ne saurait mieux dire- il n’en reste pas moins que je m’attache à représenter chacun du mieux que je le peux, en leur prêtant respectivement les caractéristiques qui les distinguent.
Uchronews : Combien de temps cela t'a-t-il pris pour réaliser cet album ?
François Miville-Deschenes : Bof, je n’ai pas calculé. Peut-être trois ans. Il est arrivé trop de choses depuis que j’ai contacté Sylvain pour lui proposer de galoper de concert dans les steppes, que cela n’a pas tellement d’importance. Entre-temps, nous avons déménagé, nous avons eu un enfant (pas ensemble). Le troisième marmot dans mon cas, ça occupe et influence le rendement à la table à dessin, soit dit en passant. Puis il m’a fallut terminer le tome 5 de « Millénaire », auquel je faisais référence plus haut.
Le deuxième tome devrait assurément prendre moins de temps à paraître…
Uchronews : Peux-tu décomposer les différentes séquences de création pour nous ?
François Miville-Deschenes : Ah, je travaille « à l’ancienne » : d’abord, découpage sommaire en petit format sur une feuille volante, crayonné sur la planche originale, encrage (application de l’encre de chine par-dessus le dessin réalisé au crayon), et finalement, coloration à l’aquarelle et à l’encre de couleur. Je fais de la « couleur directe » sur les planches de « Reconquêtes »; c’est un peu plus de travail, mais le résultat me plaît bien davantage, et il est, j’en suis convaincu, beaucoup plus personnel.
Uchronews : J'ai cru comprendre que tu travaillais déjà sur le troisième tome, le tome 2 est donc quasi bouclé ?
François Miville-Deschenes : Non, votre informateur vous a raconté n’importe quoi, ou alors il prend ses désirs pour des réalités (j’opterais pour cette deuxième proposition, si vous n’avez pas d’objection) : je n’en suis encore qu’au premier tiers du tome 2. Sincèrement désolé; il vous faudra être patient.
[Uchronews : autant pour moi, ça m’apprendra à lire en diagonale sur un forum dédié à la Bande Dessinée !]
Uchronews : Un dernier mot pour la route ?
François Miville-Deschenes : Bonne relecture, car c’est ce qu’il faut : l’une pour l’histoire, plus rapide, l’autre pour le dessin, plus attentive.
Ah, tiens, un internaute m’avait lancé le défi de dessiner un axolotl quelque part dans l’album. Le pauvre fait une fixation sur ces petites bêtes. Je me suis exécuté. Vos lecteurs pourront tenter –à la troisième lecture- de dénicher la sympathique bestiole…
[Uchronews : Preuve que l’on devient maso avec l’âge, jetez un coup d’œil attentif à la case 2, page 53…]
Bertrand Campeis