Actusf : Comment est née l'idée de ce roman ?
Marianne Leconte : J'ai toujours été passionnée par l'Histoire avec un grand H, et par les civilisations passées et/ou étrangères. La Science fiction n'est-elle pas aussi une Histoire du futur ? Les guerres de religions et les massacres de la Saint-Barthélemy ont été pour moi, dès l'enfance, un sujet d'incompréhension. Que des des êtres évolués puissent s'entre-tuer au nom de Dieu me dépassaient. Je croyais naïvement que nous étions désormais à l'abri. La réalité nous prouve tous les jours le contraire. Ce sujet m'intéressait donc depuis longtemps. Mais le déclencheur a été un voyage en Andalousie, avec la découverte d'une civilisation exceptionnelle capable de construire l'Alhambra de Grenade ou la mosquée de Cordoue, d'accueillir des penseurs juifs, chrétiens et musulmans . j'avais le lieu, le sujet, il ne me restait que les personnages à inventer.Actusf : Qu'est-ce qui t'a intéressé dans cette période en Espagne ? Est-ce la
coexistence des mondes ?
Actusf : Peux-tu nous présenter tes trois personnages de jeunes femmes ? Pourquoi d'ailleurs avoir choisit trois personnages féminins ?
Marianne Leconte : Isabeau la catholique est l'héritière d'un grand domaine mais elle en a été spoliée car depuis la mort de ses parents, sa féminité a disparu. Elle ressemble à un jeune homme. Pour l'église, c'est un monstre qui doit être enfermé dans un couvent. Myrin la juive est la descendante d'une longue lignée de guérisseuses. Les femmes de sa famille se transmettent une bague qui possède certains pouvoirs mais dont l'utilisation est dangereuse même pour celle qui la porte. Yasmin la musulmane est une adolescente sûre de ses charmes qui se conduit souvent comme une petite peste. Elle possède un Talent particulier dont je ne parlerai pas pour laisser la surprise au lecteur. En plus des trois personnages féminins, il y a quatre personnages masculins importants : Manuel, Pedro musulman converti, l'inquisiteur Alonso Jimenez et son chien de garde Koldo.
Actusf : Pourquoi avoir introduit un élément uchronique dans ton récit ?
Marianne Leconte : Me plaignant un jour devant Mélanie Fazi des grandes difficultés que j'avais à trouver certains point de détails historiques mais que je trouvais importants, elle m'a suggéré l'uchronie. L'idée m'a soulagée. Je me suis mise à explorer les différentes possibilités.
Actusf : Est-ce qu'il t'a demandé beaucoup de recherches historiques ou sur l'ésotérisme, même si je sais que tu connais bien le sujet ?
Marianne Leconte : En ce qui concerne l'ésotérisme, peu de recherches. En revanche pour l'histoire et la civilisation andalouse, j'ai lu pas mal d'essais comme Al-Andalus de Pierre Guichard, Histoire d'Espagne de Jean Descola, Histoire des Espagnols de Bartolomé Bennassar. J'ai aussi relu le merveilleux Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki.
Actusf : Tu es une auteur plutôt rare. Qu'est-ce qui déclenche chaque roman ? L'histoire ? Une rencontre avec un éditeur ?
Marianne Leconte : Un lieu : Les Portes dans l'Ile de Ré rebaptisé les Doors dans L'Araignée de Mer, Un pays et une civilisation : la Chine ancienne dans Le Temple du Dragon. Parfois un personnage comme la Comtesse de la villa Palmyre, la tranche de vie d'une vieille dame indigne.
Actusf : Toi qui a été éditrice, quel regard portes-tu sur la production actuelle ?
Marianne Leconte : J'aime la fantasy et je trouve que nous sommes gâtés dans ce domaine. A chacun de faire ses choix, il y en a pour tous les goûts. j'ai été fascinée par Elantris de Sanderson. Mais je regrette que les lecteurs se désintéressent de la science fiction. Les éditeurs n'osent plus trop en publier. Heureusement de temps un temps nous découvrons une pépite comme Starfish de Peter Watts. Spin était déjà très bon.
Actusf : Tu as dirigé il y a quelques années une anthologie féminine. Trouves-tu que la situation s'est améliorée pour les femmes écrivains en science fiction et en fantasy ?
Marianne Leconte : Les femmes écrivains de SF ont les mêmes problèmes que les hommes : peu de collections. En revanche elle s'épanouissent en fantasy. Je pense que les éditeurs choisissent avant tout les romans qui leur plaisent ou qui vont se vendre, et non pas un homme ou une femme.
Actusf : Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?
Marianne Leconte : Je termine les corrections d'un polar historique qui se passe à Istanbul en 1930. On ne se refait pas, toujours l'Histoire et une civilisation différente. Après j'aimerais faire une suite au Manuscrit de Grenade, pour découvrir ce que deviennent mes personnages et explorer l'uchronie européenne que j'ai commencée à mettre en place. J'ai aussi un projet de SF pour adolescents.