Actusf : Votre livre aborde plusieurs thèmes importants, mais intéressons-nous tout d'abord à l'objet en lui-même : le vaisseau. Monstrueuse, cauchemardesque, mais aussi magnifique réalisation technologique. D'où vous est venue cette idée de navire capable de voguer sur l'eau et rouler sur la terre ?
Richard Harland : Je n’ai pas du tout pensé à un bateau. J’ai d’abord eu l’idée d’un château gothique, immense et labyrinthique. Je l’ai placé sur des rouleaux et l’ai envoyé rouler sur la terre ferme, détruisant tout sur son passage, laissant derrière lui une longue traînée de terre dévastée. À travers ce processus, il est devenu de plus en plus métallique et mécanique : pas seulement une ville en marche, mais toute une usine.
(Attention : spoiler)
Le fait qu’il puisse aussi voyager sur les mers est avant tout une nécessité pratique, que j’ai introduite vraiment plus tard. Les « mégalonefs » impérialistes, en général, ne peuvent faire le tour du monde que s’ils sont capables de traverser les océans, aussi ai-je décidé de les équiper de propulseurs. C’était aussi bien, car lorsque les Immondes terminent la révolution, je ne pouvais pas les faire rouler eux sur des populations entières sur la terre dans la suite.
Actusf : À son bord vivent plusieurs classes de personnages, que l'on sent inspirés au départ par la réalité des géants des mers comme le Titanic, particulièrement ainsi que représenté dans le film du même nom. Première classe, seconde classe, employés et machinistes sont clairement identifiables et cloisonnés par des règles ou des habitudes ancrées dans l'apprentissage. Même si la parenté est évidente, pourquoi avoir choisi une telle structure pour ce vaisseau hors-norme ?
Richard Harland : Les idées pour Le Worldshaker étaient en place il y a dix-sept ans, avant que le film Titanic ne sorte sur les écrans. Il n’a eu aucune influence ! et d’après ce que j’en ai lu, l’histoire du vrai Titanic n’a que peu à voir avec le film. Les passagers des classes supérieures et inférieures ont trouvé la mort de manière proportionnelle. La vraie disproportion concerne le nombre d’hommes d’un côté, de femmes et d’enfants de l’autre. Beaucoup plus de femmes et d’enfants ont survécu. Je pense qu’ils croyaient véritablement au fait de sauver les femmes et les enfants d’abord. Cela ne se passerait certainement pas ainsi sur le Worldshaker ! La structure des classes dans le roman s’inspire de celle de la société du dix-neuvième siècle, tout particulièrement celle de l’Angleterre victorienne – c’est celle sur laquelle j’en sais le plus. Peut-être que le fait d’avoir grandi en Angleterre a façonné ma manière de penser. Je trouve qu’il y a quelque chose de fascinant - et de terrible – dans ce monde où la façade respectable d’une société « supérieure » peut masquer une réalité si sordide, qui bouillonne à la surface. J’ai pris l’Angleterre victorienne en la déformant quelque peu – la rendant plus respectable, plus hypocrite, plus cruelle et brutale sous ses apparences lisses. A dire vrai, selon moi, le thème de l’inégalité des classes est sentimentalisé dans Titanic. Le problème des « classes », c’est à quel point cela rentre insidieusement dans l’esprit des gens, à quel point cela semble naturel, inévitable, à quel point les victimes elles-mêmes peuvent être prises au piège de cette idéologie. Ces thèmes étaient ceux que je souhaitais explorer dans Le Worldshaker. Cela ne se déroule pas de manière aussi flagrante et évidente que James Cameron semble le dire dans son film.
Actusf : Le héros fait partie de la plus haute aristocratie, les plus savants et les plus influents des voyageurs. Pourtant, il est pétri d'ignorance - ce qui le poussera à agir en découvrant la réalité. Tout son entourage, ceux qui savent, gardent le silence et cache la vérité. Cherchez-vous par là à critiquer la noblesse et la haute bourgeoisie qui refusait de voir ce qui n'était pas de leur monde fermé ?
Richard Harland : Les membres de la société à laquelle Col appartient tentent de lui cacher la vérité. Mais au-delà de cela, c’est surtout à eux-mêmes qu’ils tentent de cacher la vérité. Ils occultent les choses déplaisantes de leur esprit, ils les rationnalisent pour s’en débarrasser. Je suis sans cesse surpris par le pouvoir détenu par le fait de « rationaliser ». Dans le roman, je voulais montrer comment la réalité la plus monstrueuse peut être rationalisée par ceux qui vivent avec.
Je suis certainement critique, même si le mot est sans doute trop faible. D’un côté, je livre une guerre sans merci à la mentalité des habitants des Ponts supérieur. De l’autre, cependant, je tente en parallèle de les comprendre. Le personnage principal, Col, partage l’aveuglement de cette société. Je les appellerais les classes privilégiées plutôt que les aristocrates ou la noblesse. Ils sont l’élite marchande, semblables à celle qui dominait l’Angleterre victorienne – pas vraiment la vieille aristocratie, mais plutôt les classes moyennes qui devenaient des aristocrates.
Actusf : Toujours concernant Colbert, il se heurte à un univers sclérosé, construit sur un conformisme absolu auquel il a du mal à adhérer. De nouveau, cherchez-vous à critiquer les élites enfermées dans la certitude que leur modèle est le seul valable ?
Richard Harland : Eh bien, Col tente de se détacher de ce conformisme, mais le roman met en scène l’histoire de ce combat pour rompre avec le conformisme et voir le monde avec ses propres yeux. Ce n’est pas si facile, au contraire, cela s’avère franchement difficile. C’est la vision du roman, c’est son but, si vous voulez.
Actusf : À l'autre bout de la chaîne des classes, Riff est une écorchée vive, révoltée par le sort des siens. C'est elle qui porte haut le flambeau de la lutte des classes, qui veut soulever une révolution dans les flancs du navire. On sent une sympathie pour ce combat de la part de l'auteur, un soutien moral à ses personnages. Pourtant, aujourd'hui, cette lutte des classes appartient au passé. Un regret pour vous ?
Richard Harland : Je dois dire que je ne suis absolument pas d’accord. La lutte des classes, le sexisme, le racisme… tout cela fonctionne sur les mêmes principes. La lutte des classes est l’exemple que j’ai utilisé, mais cela concerne de manière plus générale un aveuglement moral, un manque d’empathie qui empoisonne encore aujourd’hui les relations et les échanges entre les groupes d’individus. Je ne voudrais pas paraître pédant, mais je pense que Le Worldshaker parle de l’injustice de manière générale, et c’est triste à dire mais je ne pense pas du tout qu’il s’agisse de quelque chose qui ne serait plus
d’actualité aujourd’hui.
Actusf : Entre les deux extrémités se trouvent les Larbins, ces employés dénaturés. Leur vie est une sorte d'enfer, différent de celui des Immondes. Représentent-ils, dans notre civilisation, les employés de maison, les serviteurs ? Doit-on comprendre dans votre description une critique des entraves morales qui leur sont imposées et les maintiennent dans un carcan inflexible et inviolable, dans une dépendance et une sorte d'esclavage moderne ?Richard Harland : À vrai dire, je ne suis pas sûr que je mettrais les Larbins au milieu. Par essence, ils se sont retrouvés réduits à ce que les habitants des Ponts supérieurs considèrent comme la véritable condition des Immondes : des inhumains, des animaux. Les Immondes ont une volonté, ils réfléchissent : en réalité, ils sont beaucoup plus vivants que les habitants des Ponts supérieurs. Peut-être que c’était le cas aussi pour les serviteurs, à l’époque où « entrer au service de quelqu’un » était quelque chose de fréquent. Les Larbins ont été chirurgicalement dégradés, ils sont des moins que rien.
Actusf : L’attirance entre Colbert et Riff - au moins leur amitié - transgresse tous les tabous et brise les habitudes. On sent une ode à l'acceptation de l'autre, à l'ouverture, à ne pas juger sur la différence. Encore un thème important abordé en filigrane dans votre texte ?
Richard Harland : Oui, vous l’avez joliment résumé. Comme Riff se rapproche de Col « en silence », il la traite comme un être humain avant même que son esprit rationnel (et rationalisant) l’ait validée comme telle.
Actusf : Pour finir avec les pistes de réflexion ouvertes par votre ouvrage, l'existence du World Shaker et son mode d'approvisionnement mettent en lumière certains rapports qu'entretiennent les différents pays de la planète. Il est impossible de ne pas y voir un éclairage des rapports Nord-Sud et des alertes répétées apportées, au moins dans notre vieille Europe, par les écologiques et les adeptes du développement durable. Est-ce aussi un combat que vous cherchez à présenter à vos lecteurs ?
Richard Harland : C’est de l’exploitation sous sa forme la plus extrême. Je pense que c’est la raison pour laquelle j’aime tant la « fantasy », où l’on peut emmener les choses très loin et, de ce fait, mettre en relief la ou les mentalité(s) qui se cache(nt) derrière. Bien évidemment, la destruction opérée par le mégalonef est mauvaise ; bien sûr, le genre de « commerce » dans lequel s’engagent les impérialistes est absolument injuste et exploiteur. Je n’imagine pas que qui que ce soit aurait besoin d’être convaincu que de tels extrêmes sont moralement condamnables. Ma vraie cible, c’est l’aveuglement qui se cache derrière de tels comportements. C’est là que j’espère porter des coups.
Actusf : Comme on le voit, votre livre est extrêmement riche, cherchant à ouvrir l'esprit des jeunes, de ne pas limiter leur réflexion à ce qui leur est injecté par les médias tels que la télévision ou Internet. Vous avez choisi de vous exprimer par l'écriture, à une époque où d'autres modes de communication sont utilisés par vos lecteurs. Pensez-vous vraiment toucher complètement votre cible avec cet ouvrage ?
Richard Harland : Je pense qu’on peut aller plus loin avec un livre, ne serait-ce que parce que le lecteur a besoin de connaître davantage les personnages et leurs expériences, tout doit venir de l’intérieur. Puisque vous avez vous-même fait allusion à un film de James Cameron, je me permets d’en citer un autre du même réalisateur : Avatar. Le film prend le parti des anges, et en le regardant, je me suis complètement identifié aux indigènes exploités par les « Impérialistes ». J’ai trouvé le film puissant d’un point de vue émotionnel – le temps du film tout du moins. Et ensuite ? c’était trop facile, en quelque sorte. J’ai eu une réaction émotionnelle, mais ce n’était pas une réaction qui a changé la couleur de mon monde…
Actusf : Il est, semble-t-il, prévu une suite à cette aventure. Pouvez-vous nous en parler brièvement ?
Richard Harland : Je travaille en effet au deuxième tome, Le Liberator. L’histoire se déroule trois mois après la fin du Wordshaker. L’ancien Worldshaker, devenu le Liberator, est devenu le seul vaisseau révolutionnaire dans un monde peuplé de vaisseaux impérialistes et réactionnaires qui cherchent à se venger… L’on retrouvera Col et Riff, bien sûr, mais aussi Gillabeth, Antrobus, Quinnea, Orris, Septimus, le professeur Twillip... tous les personnages du premier tome.
Richard Harland : Je n’ai pas du tout pensé à un bateau. J’ai d’abord eu l’idée d’un château gothique, immense et labyrinthique. Je l’ai placé sur des rouleaux et l’ai envoyé rouler sur la terre ferme, détruisant tout sur son passage, laissant derrière lui une longue traînée de terre dévastée. À travers ce processus, il est devenu de plus en plus métallique et mécanique : pas seulement une ville en marche, mais toute une usine.
(Attention : spoiler)
Le fait qu’il puisse aussi voyager sur les mers est avant tout une nécessité pratique, que j’ai introduite vraiment plus tard. Les « mégalonefs » impérialistes, en général, ne peuvent faire le tour du monde que s’ils sont capables de traverser les océans, aussi ai-je décidé de les équiper de propulseurs. C’était aussi bien, car lorsque les Immondes terminent la révolution, je ne pouvais pas les faire rouler eux sur des populations entières sur la terre dans la suite.
Actusf : À son bord vivent plusieurs classes de personnages, que l'on sent inspirés au départ par la réalité des géants des mers comme le Titanic, particulièrement ainsi que représenté dans le film du même nom. Première classe, seconde classe, employés et machinistes sont clairement identifiables et cloisonnés par des règles ou des habitudes ancrées dans l'apprentissage. Même si la parenté est évidente, pourquoi avoir choisi une telle structure pour ce vaisseau hors-norme ?
Richard Harland : Les idées pour Le Worldshaker étaient en place il y a dix-sept ans, avant que le film Titanic ne sorte sur les écrans. Il n’a eu aucune influence ! et d’après ce que j’en ai lu, l’histoire du vrai Titanic n’a que peu à voir avec le film. Les passagers des classes supérieures et inférieures ont trouvé la mort de manière proportionnelle. La vraie disproportion concerne le nombre d’hommes d’un côté, de femmes et d’enfants de l’autre. Beaucoup plus de femmes et d’enfants ont survécu. Je pense qu’ils croyaient véritablement au fait de sauver les femmes et les enfants d’abord. Cela ne se passerait certainement pas ainsi sur le Worldshaker ! La structure des classes dans le roman s’inspire de celle de la société du dix-neuvième siècle, tout particulièrement celle de l’Angleterre victorienne – c’est celle sur laquelle j’en sais le plus. Peut-être que le fait d’avoir grandi en Angleterre a façonné ma manière de penser. Je trouve qu’il y a quelque chose de fascinant - et de terrible – dans ce monde où la façade respectable d’une société « supérieure » peut masquer une réalité si sordide, qui bouillonne à la surface. J’ai pris l’Angleterre victorienne en la déformant quelque peu – la rendant plus respectable, plus hypocrite, plus cruelle et brutale sous ses apparences lisses. A dire vrai, selon moi, le thème de l’inégalité des classes est sentimentalisé dans Titanic. Le problème des « classes », c’est à quel point cela rentre insidieusement dans l’esprit des gens, à quel point cela semble naturel, inévitable, à quel point les victimes elles-mêmes peuvent être prises au piège de cette idéologie. Ces thèmes étaient ceux que je souhaitais explorer dans Le Worldshaker. Cela ne se déroule pas de manière aussi flagrante et évidente que James Cameron semble le dire dans son film.
Actusf : Le héros fait partie de la plus haute aristocratie, les plus savants et les plus influents des voyageurs. Pourtant, il est pétri d'ignorance - ce qui le poussera à agir en découvrant la réalité. Tout son entourage, ceux qui savent, gardent le silence et cache la vérité. Cherchez-vous par là à critiquer la noblesse et la haute bourgeoisie qui refusait de voir ce qui n'était pas de leur monde fermé ?
Richard Harland : Les membres de la société à laquelle Col appartient tentent de lui cacher la vérité. Mais au-delà de cela, c’est surtout à eux-mêmes qu’ils tentent de cacher la vérité. Ils occultent les choses déplaisantes de leur esprit, ils les rationnalisent pour s’en débarrasser. Je suis sans cesse surpris par le pouvoir détenu par le fait de « rationaliser ». Dans le roman, je voulais montrer comment la réalité la plus monstrueuse peut être rationalisée par ceux qui vivent avec.
Je suis certainement critique, même si le mot est sans doute trop faible. D’un côté, je livre une guerre sans merci à la mentalité des habitants des Ponts supérieur. De l’autre, cependant, je tente en parallèle de les comprendre. Le personnage principal, Col, partage l’aveuglement de cette société. Je les appellerais les classes privilégiées plutôt que les aristocrates ou la noblesse. Ils sont l’élite marchande, semblables à celle qui dominait l’Angleterre victorienne – pas vraiment la vieille aristocratie, mais plutôt les classes moyennes qui devenaient des aristocrates.
Actusf : Toujours concernant Colbert, il se heurte à un univers sclérosé, construit sur un conformisme absolu auquel il a du mal à adhérer. De nouveau, cherchez-vous à critiquer les élites enfermées dans la certitude que leur modèle est le seul valable ?
Richard Harland : Eh bien, Col tente de se détacher de ce conformisme, mais le roman met en scène l’histoire de ce combat pour rompre avec le conformisme et voir le monde avec ses propres yeux. Ce n’est pas si facile, au contraire, cela s’avère franchement difficile. C’est la vision du roman, c’est son but, si vous voulez.
Actusf : À l'autre bout de la chaîne des classes, Riff est une écorchée vive, révoltée par le sort des siens. C'est elle qui porte haut le flambeau de la lutte des classes, qui veut soulever une révolution dans les flancs du navire. On sent une sympathie pour ce combat de la part de l'auteur, un soutien moral à ses personnages. Pourtant, aujourd'hui, cette lutte des classes appartient au passé. Un regret pour vous ?
Richard Harland : Je dois dire que je ne suis absolument pas d’accord. La lutte des classes, le sexisme, le racisme… tout cela fonctionne sur les mêmes principes. La lutte des classes est l’exemple que j’ai utilisé, mais cela concerne de manière plus générale un aveuglement moral, un manque d’empathie qui empoisonne encore aujourd’hui les relations et les échanges entre les groupes d’individus. Je ne voudrais pas paraître pédant, mais je pense que Le Worldshaker parle de l’injustice de manière générale, et c’est triste à dire mais je ne pense pas du tout qu’il s’agisse de quelque chose qui ne serait plus
d’actualité aujourd’hui.
Actusf : Entre les deux extrémités se trouvent les Larbins, ces employés dénaturés. Leur vie est une sorte d'enfer, différent de celui des Immondes. Représentent-ils, dans notre civilisation, les employés de maison, les serviteurs ? Doit-on comprendre dans votre description une critique des entraves morales qui leur sont imposées et les maintiennent dans un carcan inflexible et inviolable, dans une dépendance et une sorte d'esclavage moderne ?Richard Harland : À vrai dire, je ne suis pas sûr que je mettrais les Larbins au milieu. Par essence, ils se sont retrouvés réduits à ce que les habitants des Ponts supérieurs considèrent comme la véritable condition des Immondes : des inhumains, des animaux. Les Immondes ont une volonté, ils réfléchissent : en réalité, ils sont beaucoup plus vivants que les habitants des Ponts supérieurs. Peut-être que c’était le cas aussi pour les serviteurs, à l’époque où « entrer au service de quelqu’un » était quelque chose de fréquent. Les Larbins ont été chirurgicalement dégradés, ils sont des moins que rien.
Actusf : L’attirance entre Colbert et Riff - au moins leur amitié - transgresse tous les tabous et brise les habitudes. On sent une ode à l'acceptation de l'autre, à l'ouverture, à ne pas juger sur la différence. Encore un thème important abordé en filigrane dans votre texte ?
Richard Harland : Oui, vous l’avez joliment résumé. Comme Riff se rapproche de Col « en silence », il la traite comme un être humain avant même que son esprit rationnel (et rationalisant) l’ait validée comme telle.
Actusf : Pour finir avec les pistes de réflexion ouvertes par votre ouvrage, l'existence du World Shaker et son mode d'approvisionnement mettent en lumière certains rapports qu'entretiennent les différents pays de la planète. Il est impossible de ne pas y voir un éclairage des rapports Nord-Sud et des alertes répétées apportées, au moins dans notre vieille Europe, par les écologiques et les adeptes du développement durable. Est-ce aussi un combat que vous cherchez à présenter à vos lecteurs ?
Richard Harland : C’est de l’exploitation sous sa forme la plus extrême. Je pense que c’est la raison pour laquelle j’aime tant la « fantasy », où l’on peut emmener les choses très loin et, de ce fait, mettre en relief la ou les mentalité(s) qui se cache(nt) derrière. Bien évidemment, la destruction opérée par le mégalonef est mauvaise ; bien sûr, le genre de « commerce » dans lequel s’engagent les impérialistes est absolument injuste et exploiteur. Je n’imagine pas que qui que ce soit aurait besoin d’être convaincu que de tels extrêmes sont moralement condamnables. Ma vraie cible, c’est l’aveuglement qui se cache derrière de tels comportements. C’est là que j’espère porter des coups.
Actusf : Comme on le voit, votre livre est extrêmement riche, cherchant à ouvrir l'esprit des jeunes, de ne pas limiter leur réflexion à ce qui leur est injecté par les médias tels que la télévision ou Internet. Vous avez choisi de vous exprimer par l'écriture, à une époque où d'autres modes de communication sont utilisés par vos lecteurs. Pensez-vous vraiment toucher complètement votre cible avec cet ouvrage ?
Richard Harland : Je pense qu’on peut aller plus loin avec un livre, ne serait-ce que parce que le lecteur a besoin de connaître davantage les personnages et leurs expériences, tout doit venir de l’intérieur. Puisque vous avez vous-même fait allusion à un film de James Cameron, je me permets d’en citer un autre du même réalisateur : Avatar. Le film prend le parti des anges, et en le regardant, je me suis complètement identifié aux indigènes exploités par les « Impérialistes ». J’ai trouvé le film puissant d’un point de vue émotionnel – le temps du film tout du moins. Et ensuite ? c’était trop facile, en quelque sorte. J’ai eu une réaction émotionnelle, mais ce n’était pas une réaction qui a changé la couleur de mon monde…
Actusf : Il est, semble-t-il, prévu une suite à cette aventure. Pouvez-vous nous en parler brièvement ?
Richard Harland : Je travaille en effet au deuxième tome, Le Liberator. L’histoire se déroule trois mois après la fin du Wordshaker. L’ancien Worldshaker, devenu le Liberator, est devenu le seul vaisseau révolutionnaire dans un monde peuplé de vaisseaux impérialistes et réactionnaires qui cherchent à se venger… L’on retrouvera Col et Riff, bien sûr, mais aussi Gillabeth, Antrobus, Quinnea, Orris, Septimus, le professeur Twillip... tous les personnages du premier tome.