Le dernier livre en date de Matheson, La traque avait tout pour mettre en rogne le plus indulgent des fans. Dépourvu d'imagination tant au niveau de l'histoire que d'un point de vue narratif, des protagonistes hyper-caricaturaux avec en tête d'affiche un personnage principal désespérément con et aucune volonté de crédibilité apparente, ce roman est une ignoble bouse que certains voudront sans doute nous faire prendre pour une merveille de second degré…

Lecteur échaudé craint le Matheson nouveau

Passons sur ce ratage complet et laissons-le pour ce qu'il est : indigne du maître. Une nouvelle et deux romans écrits dans les années 50 ont suffit à propulser Matheson au Panthéon : Né de l'homme et de la femme, Je suis une légende et L'homme qui rétrécit. Suivront bien des textes devenus dès lors des références de la SF et du fantastique. L'auteur s'est ensuite tourné vers le scénario pour Hollywood ralentissant ainsi grandement son rythme d'écriture. Il affirme d'ailleurs avec franchise qu'il s'est dirigé vers le métier le plus rentable. Malheureusement, ses incursions dans le polar n'arrivent pas à convaincre grand monde ni ses retours au fantastique. Il est préférable d'éviter La maison des années et Les seins de glace pour se diriger plutôt vers Le jeune homme, la mort et le temps, A 7 pas de minuit ou Au-delà de nos rêves.

Second souffle ou autre fond de tiroir ?

Certes Matheson est un auteur emblématique des années 50, mais pour ses textes les plus récents il ne semble pas avoir trouvé un second souffle. Au mieux, on retrouvera avec plaisir son efficacité comme dans le recueil de ses dernières nouvelles Miroir, miroir…, au pire : La traque. L'amateur aura donc de compréhensibles appréhensions devant un nouvel inédit de Matheson. En février 2001, dans un essai (in La touche finale) Daniel Riche se demandait si l'auteur était " perdu pour la littérature ? ", malheureusement la lecture de La traque semble répondre par l'affirmative. Pourtant Lunes d'encre nous a habitué à une qualité constante dans le choix des textes… so, let's see.

Western réaliste

Comme son nom l'indique, Journal des années de poudre est le récit, à la première personne, de la vie d'un as de la gâchette devenu une légende du Far West. Instinctivement doué au fusil ou au pistolet, l'aura de Clay Hasler rayonne sur toute l'Amérique du Nord. Gonflé par les médias et les romanciers, sa vie ne lui appartient plus. L'édition par un journaliste des cahiers qu'il rédigeait va nous éclairer sur qui était réellement le fameux Clay Hasler. En fin de compte, Hasler est juste un bouseux bas de plafond doué pour les armes et doté d'un sixième sens extrêmement aiguisé.

Du mythe à la réalité

Vous pouvez y aller sans crainte, Journal des années de poudre est un bon roman. Loin du fantastique teinté de SF (ou l'inverse) auquel Matheson nous avait habitués, ce texte de 1991 est dans la veine western comme sa nouvelle Le conquérant. En plus d'ouvrir une réflexion sur le statut de légende, l'influence de la notoriété sur l'entourage ou les effets sur la personne réputée elle-même, Matheson nous offre une vision réaliste de l'épopée du Far West que le cinéma a - souvent injustement - magnifiée pendant des années.