Un ancien espoir des années 80
Joël Houssin a commencé à publier très jeune (une nouvelle dans l’anthologie Banlieue Rouge) puis a publié un roman coup de poing, Locomotive Rictus. Dans les années 80, il a ensuite écrit de nombreux romans pour le fleuve noir, comme Blue ou City qui est ici réédité. Rapides, brutaux, violents, ses textes donnaient l’impression d’une bouffée d’adrénaline. Après Le temps du twist (Denoël, 1990), une histoire de voyage dans le temps sur fond de Led Zeppelin, il s’est surtout consacré à l’écriture de scénarios pour le cinéma, comme celui de Gazon maudit de Josiane Balasko (si si) ou de Dobermann de Jan Kounen, adapté de sa série policière tout aussi déjantée, et la télévision : il a ainsi créé la série Les bœufs-carottes. Avec cette réédition de City (accompagnée de trois nouvelles), c’est une invitation au voyage dans le temps, celui de nos jeunes années, que nous envoie les éditions Goater.
Megapolis en crise
La « City » est une ville en pleine explosion urbaine, peuplée de drogués, de mutants aux tendances reptiliennes. Seuls des nettoyeurs, à l’instar de Patrick Stanton, arrivent à maintenir l’ordre. Stanton, las de sa vie avec sa compagne actuelle en pleine addiction à un jeu nommé « marvel », retourne voir son ex Jessica. Cette dernière joue un jeu trouble avec des opposants au système auquel Stanton n’entend pas grand-chose. L’arrivée du président change la donne : il s’agit pour le gouverneur de sauvegarder l’ordre à tout prix afin d’éviter tout problème. Mais on lui interdit de faire couler le sang. Il semblerait que certains parient sur un assassinat du président qui doit remettre en jeu son mandat lors d’un combat (pratique pour remplacer les élections). Que va faire Stanton, complètement défoncé, là-dedans ?
Toute une époque
Un petit mot sur les éditions Goater : leur collection évoque le fameux éditeur Champs Libres, dirigée par Gérard Lebovici, qui publia autrefois des textes jugés avant-gardistes, comme Vice Versa de Samuel Delany ou La foire aux atrocités de Ballard. Goater publie des auteurs issus de cette époque comme récemment Delany avec L’athée du guerrier. Houssin est issu de cette époque et son roman City fait penser à toutes ces fictions qui peignaient chaos urbain, apocalypse et tutti quanti, une sorte de Mad Max encore plus trash. Et le roman fonctionne toujours avec cette énergie typique de l’auteur (Houssin nous manqua dans les années 90 et 2000). Agréable à relire. Par contre les trois nouvelles, marquées par la drogue, le sexe et des innovations typographiques plutôt hasardeuses, sont plus anecdotiques. Les années 70 n’ont pas toujours bien vieilli… Mais City tient le coup.
Sylvain Bonnet