Kaleidoscope Century (1995) fait partie du cycle Century Next Door, tout comme Orbital Resonance (1991, nominé pour le prix Nebula) et Candle (2000). Cette série est clairement de la hard SF tout comme la plupart des romans de John Barnes (certains ont même été écrits en collaboration avec l'astronaute Buzz Aldrin). De ses 23 romans, quinze font partie de cycles divers (Timeline Wars, Jak Jinnaka, Million Open Doors...) ; seuls Le vin des dieux, La mère des tempêtes (nominé pour les prix Hugo et Nebula 1995) et Passerelles vers l'infini (nominé pour le prix Nebula 1992) ont été traduits en français.

Le boucher

Kaleidoscope Century n'est pas du tout dans la même veine qu'Orbital Resonance. Mais alors pas du tout. De nouveau, l'histoire est racontée par le personnage principal, mais cette fois, nous allons traverser le temps de notre époque à celle d'Orbital Resonance, à travers les souvenirs qu'il tente de retrouver. Joshua Ali Quare a été recruté très jeune par une agence gouvernementale étrangère, et n'a eu aucune hésitation à s'engager malgré le fait que cela faisait de lui un traître. Il a fait partie d'un programme très spécial où une drogue permettant un rajeunissement de dix ans à chaque prise était à la disposition des agents. Facile ensuite de leur fournir une nouvelle identité et de les remettre dans le circuit… Ce que ses employeurs n'avaient pas prévu, c'est que rien n'est éternel, pas plus les pays que les régimes. Joshua et ses semblables passèrent du statut de traîtres à celui de mercenaires, prêts à tout pour survivre. Caractéristique commune : un manque quasi total de conscience et pas d'aversion pour les viols et les meurtres. Joshua a survécu. Mais il a d'étranges sautes de mémoire qu'il ne parvient pas à expliquer entièrement par les effets amnésique de la drogue…

Intéressant mais…

Si Orbital Resonance se caractérisait par un manque d'action, ce reproche ne peut pas vraiment être fait à Kaleidoscope Century. Tout en Joshua est action, d'ailleurs, le manque de recul qu'il a par rapport à elles est proprement effrayant. Sa vie est un condensé d'exactions et d'horreurs, qui ne lui font ni chaud ni froid, et si certains de ses meilleurs souvenirs sont des moments presque normaux, d'autres, qu'il met sur le même plan, sont abominables. Joshua vit sa vie par tranches de dix ans à la fin desquelles il oublie tout et doit tout ré-assimiler. Seule caractéristique commune entre ces tranches : son caractère et son approche de la vie… Un personnage franchement antipathique, qui parvient pourtant parfois, presque par hasard, à effectuer une action positive. John Barnes a, de nouveau, réussi à donner vie à ses personnages, créant l'antithèse presque parfaite de ceux d'Orbital Resonance.

Il parvient également à créer un univers pas si improbable qui lui correspond parfaitement. Un aperçu de l'histoire telle que vue par les bourreaux, pas ceux tout en haut de la chaîne de commande, mais les exécutants, et un roman intéressant, mais qui laisse une sensation de malaise (ce qui était probablement le but, d'ailleurs).