Les éditions Actes Sud éditent depuis plusieurs années l'auteur chinois Liu Cixin dans leur collection Exofictions, dédiée au grand format en science-fiction et en fantasy. Après avoir publié la célèbre trilogie de l'écrivain, Le Problème à trois corps, dont le premier tome a obtenu le prix Hugo du meilleur roman en 2015, Actes Sud a choisi de sortir un recueil de nouvelles intitulé L'équateur d'Einstein. Un second ouvrage de nouvelles est également prévu. Le livre est préparé sous la direction de Gwennaël Gaffric, habituel traducteur de l'auteur en France.

Une très bonne porte d’entrée

Liu Cixin est surtout connu en France pour sa trilogie Le problème à 3 corps. Mais pour ceux qui auraient peur de se lancer dans une trilogie dont les tomes sont de véritables pavés, ce recueil de nouvelles est une porte d’entrée idéale. Il permet de se familiariser avec la plume de l’auteur et à ses thématiques préférées. Sur les 17 textes contenus dans le recueil, 2 ne sont pas des inédits. Il s’agit de la nouvelle Avec ses yeux, précédemment publiée dans le Bifrost n°87 et qui a d’ailleurs obtenu le Prix des lecteurs Bifrost en 2017. Le second est la novella Terre errante, précédemment publiée chez Actes Sud. Ce texte a été adapté par Netflix sous le titre The Wandering Earth. Dans ce texte, le soleil est sur le point de se transformer en une géante rouge et, pour sauver l’humanité, les différents pays se regroupent autour d’un projet fou : transformer la Terre en un vaisseau spatial grâce à des moteurs. Ce texte est assez représentatif de l’écrivain qui place la science, les inventions et les progrès technologiques au cœur de ses histoires. Dans les 17 textes de l’auteur chinois, on remarque aussi une prédilection pour un côté très cérébral au détriment parfois des personnages, qui dans certaines nouvelles manquent un peu d’épaisseur. On peut aussi noter une place assez pauvre des femmes hormis dans quelques textes. Toutes les nouvelles ont en commun de faire réfléchir le lecteur sur les grandes questions sur l’univers, de lui ouvrir de nouvelles perspectives, d’offrir des visions grandioses de l’espace et de nous faire voyager très loin.

Le vertige de la science

Une chose est certaine dans les écrits de Liu Cixin : que ce soit des nouvelles ou des romans, ses textes donnent toujours le vertige. C’est toujours grandiose, en mettant en scène soit des populations nombreuses, soit des concepts très riches. On y parle de voyage dans le temps, dans l’espace, d’océans vidés, de miniaturisation de l’humain, d’extraterrestres, d’univers parallèles. Tout cela avec un véritable sense of wonder. L’auteur aborde aussi dans ce recueil la question de l’art dans plusieurs nouvelles. Le Messager, une très belle nouvelle, parle de musique et bien entendu aussi de physique. La mer des rêves a pour thème un concours de sculptures en glace.

Il ne faut pas oublier que Liu Cixin est chinois, et l’histoire de son pays a également de l’importance dans plusieurs nouvelles. L’instituteur du village est une nouvelle en forme d’hommage aux enseignants, avec la triste et belle histoire d’un professeur dans un village perdu des montagnes chinoises. Le Soleil de Chine suit le parcours d’un jeune paysan, venu d’un coin perdu de Chine, puis gravissant les échelons, changeant sans cesse d’horizon. L’aspect politique est toutefois présent avec des allusions explicites à la manière de penser américaine, en opposition totale à celle de la Chine.

L'équateur d'Einstein est ainsi un recueil d'une très grande richesse qui place la science au cœur des récits et des préoccupations des différents protagonistes. Les textes sont de différentes longueurs, et abordent de très nombreuses thématiques. Ce livre est une parfaite introduction à l’œuvre de l'écrivain chinois. On regrettera juste l'absence de paratexte et de précisions sur les dates d’écritures des nouvelles qui auraient apporter un plus non négligeable.