Sauf revirement spectaculaire lors des deux prochains mois, l'année 2003 ne restera pas dans les mémoires comme un grand cru… Une avalanche de mauvaise fantasy en guise de dommages collatéraux des bombes Harry Potter et Seigneur des Anneaux (ce qui fort heureusement n'interdit pas quelques joyaux - on songe à Coraline de Gaiman, à Rilha de Juan Miguel Aguilera, ou bien encore, dans un registre fort différent et pour citer un auteur français, au Faërie Hackers de Johan Heliot ), et finalement assez peu de science-fiction (en tous cas de la vraie, de la bonne - merci à Tommaso Pincio et à son Silence de l'espace, à Terry Bisson à et son recueil Meucs, aux Chronolithes de Robert Charles Wilson, à Roland C. Wagner dont on salue l'engagement bienvenu de La Saison de la sorcière…). On retiendra enfin quelques OVNI littéraires, assez nombreux finalement, des livres à la croisée des genres, inclassables, iconoclastes et irrévérencieux, d'excellentes surprises en fait (Pizzeria Inferno de l'italien Michele Serio, Le Faiseur d'histoire d'Alasdair Gray, les recueils Le Plus petit zoo du monde de Thomas Gunzig et Le Chien de ma chienne d'Arthur Bradford, Christopher Moore et son Lézard lubrique de Melancholy Cove…). Bref, du grain à moudre, il y en a eu, même s'il nous aura souvent fallu aller le chercher loin des collections et éditeurs spécialisés. Et puis le vrai problème, c'est toujours le rapport bons libres/nombre de livres publiés : là, le bilan est médiocre. Dernier constat, en pointillé car il nous faudra le vérifier sur la durée : le tassement du nombre de nouveautés (sensible sur juin, juillet, août et surtout septembre et octobre - rarement les littératures de genre auront si peu suivi le flot de la rentrée littéraire mainstream), ce qui, en soi, n'a rien d'une mauvaise nouvelle. Est-ce là le signe d'un virage durable ou le résultat ponctuel du caractère calamiteux, en terme de ventes en librairies (tous secteurs confondus) du premier semestre 2003 ? L'avenir nous le dira…
Quelques mots maintenant sur ce magnifique objet, joliment couvert par Guillaume Sorel, que tu tiens présentement, ami lecteur, entre tes mains (qu'on souhaite propres, merci pour lui…). Le pingre attentif que tu fais sans doute n'aura pas manqué de remarquer que, depuis deux numéros, l'objet de ton attention a vu son prix passer de 9 à 10 euros. Pourquoi tant de haine ? t'interroges-tu, angoissé. Eh bien parce que, ami lecteur, amie lectrice, Bifrost a effectué, depuis plusieurs livraisons déjà, un subtil glissement de 160 à 192 pages, accroissement de pagination qu'il nous faut financer. Ce qui ne veut pas dire que chaque nouveau numéro fera désormais 192 pages. Disons plutôt que cette latitude nouvelle nous permettra davantage de flexibilité et nous autorisera même, pourquoi pas, à ponctuellement proposer un numéro de 200 ou 208 pages… Ce qui conduit tout naturellement à ce second point, corollaire du premier : le passage du prix d'abonnement de 39 à 41 euros (un Bifrost plus gros, c'est un Bifrost plus cher à fabriquer, mais aussi à expédier). Ce changement de prix interviendra à compter de janvier prochain. Ami lecteur, amie lectrice, si tu n'es pas encore abonné(e), tu sais ce qu'il te reste à faire… Tu n'auras pas non plus été sans remarquer que le chapitre fiction du présent numéro est occupé par un seul texte, un roman de fantasy nippone signé Thomas Day. Ce roman n'est autre que la suite de La Voie du sabre, une suite indépendante toutefois : point n'est nécessaire d'avoir lu le premier pour goûter le second. Le Japon trouve d'ailleurs un double écho dans notre partie magazine - via le manga dans la rubrique de Pierre Stolze d'une part, et le retour du " Cabinet de curiosités ", ici animé par Thomas Day, décidément très présent ce trimestre et qui, en manière de prolongement à son récit, nous offre une ballade au sein de la littérature japonaise contemporaine. Au-delà de notre " chapitre japonais ", on soulignera l'interview d'un jeune auteur à suivre tout particulièrement et qu'on retrouvera au sommaire d'au moins deux Bifrost en 2004 (et ce, dès la prochaine livraison), à savoir Xavier Mauméjean, l'article ravageur du regretté Raphael Aloysius Lafferty, et bien sûr le passionnant essai sur l'écriture de la S-F par Claude Ecken… Bref, 192 pages chargées pour vous accompagner jusqu'à la fin d'année, un horizon 2004 qu'on souhaite plus dégagé que ne le fut à bien des points cette morose année 2003. Ami lecteur, amie lectrice, je te salue.
Olivier Girard