On ne présente plus Philip K. Dick : auteur majeur de science-fiction, il a reçu un accueil plutôt favorable en France, et les nombreuses adaptations cinématographiques de ses œuvres (Blade Runner, Total Recall, Minority Report, entre autres) ont contribué à les faire connaître au grand public. Connu surtout pour ses fictions qui interrogent la nature de la réalité, et où les faux-semblants règnent en maître, on en sait moins sur l’expérience mystique que l’homme a vécue dans la dernière partie de sa vie, et que l’écrivain a tenté de retranscrire dans ses derniers ouvrages.

Cette Exégèse, fruit du travail de fourmi mené par Jonathan Lethem et Pamela Jackson, comporte également les notes de nombreux chercheurs, et permet d’explorer sous un autre angle l’univers d’un auteur d’une extraordinaire richesse.

Un pan méconnu de l’œuvre de Dick

Il faut tout d’abord saluer le travail qui a permis la publication de cet ouvrage. Les anthologistes ont réalisé une remise à plat absolument titanesque : ils ont réussi à rendre cohérente et tout à fait lisible une énorme masse d’écrits, et les différentes notes qui parsèment l’ouvrage arrivent à point nommé pour préciser le contexte ou expliciter certaines références.

On pouvait craindre un étalage d’érudition ennuyeux, il n’en est rien et les choix effectués paraissent pertinents et en phase avec les objectifs explicités en introduction. L’approche choisie par les anthologistes respecte profondément l’auteur et son œuvre, l’appareil critique venant l’éclairer sans la parasiter.

Un éclairage passionnant

En février 1974, suite à une opération des dents de sagesse, Philip K. Dick a une série d’hallucinations qui auront une influence non négligeable sur sa vie et sa perception du monde. Une véritable révélation mystique point de départ de l’Exégèse, un ensemble de près de 8 000 pages où Dick essaie de comprendre et de donner du sens à son expérience. Les extraits rassemblés ici (l’édition française fera deux gros volumes) nous en donnent un aperçu fascinant, avec des passages où l’auteur décrit ses délires, d’autres où il fait preuve de davantage de recul sur ses visions...

Les passages obscurs sont au final assez peu nombreux et la lecture est tout à fait plaisante ; la façon dont l’ouvrage se présente n’oblige pas à une lecture linéaire, et permet de découvrir au hasard des pages quelques très jolis textes. Pour pouvoir apprécier l’ensemble à sa juste valeur, il conviendra toutefois d’avoir au moins lu quelques romans de l’auteur, mais à cet écueil près, on se trouve face à un livre très accessible. Cette exégèse apporte un éclairage passionnant sur l’auteur et son œuvre, et se doit de figurer dans la bibliothèque de tout bon amateur. On attend maintenant de pied ferme le volume deux !