
Cette citation pourrait suffire à résumer «Involution», de Johan Heliot.
Voilà un roman qui fait moins de deux cents pages et qui, pourtant, embrasse une histoire formidable se déroulant sur des milliards d’années.
Au travers des actes et des impressions d’une poignée de personnages choisis à première vue arbitrairement — un couple d’ingénieurs séparés, leur fille, un chef de la mafia de São Paulo, un jeune milliardaire brésilien, magnat de la communication —, le lecteur, qui pensait lire un thriller du futur proche, assiste, médusé, non seulement à l’écroulement de la civilisation, mais aussi à la fin de l’humanité, tout au moins sous la forme que nous lui connaissons (la nôtre…). C’est que la Terre, planète humaine, n’est ni vraiment ce que nous imaginions (ou si peu), ni notre propriété (ça, les plus responsables d’entre nous s’en doutent depuis longtemps, mais peut-être pas de la manière envisagée par Johan Heliot…).
Le concept d’«involution», qui donne son titre au roman, ne sera clairement explicité que dans le dernier tiers du récit, disons, lorsque les protagonistes commenceront à comprendre le rôle tout particulier qu’ils seront amenés à jouer dans le véritable ordre du monde, ignoré jusqu’alors. La surprise sera de taille : cosmique.
«Involution» s’avère à la fois terrifiant et optimiste : pour accéder à l’optimisme, il faudra cependant changer d’échelle, et savoir se montrer sensible au fameux «sense of wonder» de la Science-Fiction dans ce qu’elle a de plus fondamental, concept si souvent invoqué et si mal compris.

Une fin de l’humanité enthousiasmante, qui nous change des envahissantes images millénaristes imprégnées d’un mysticisme souvent bien moisi… Ici, c’est la Science-Fiction qui est à l’œuvre, et la «Nuée Grise», émise par l’« artefact » tapi au centre de la Terre, décoiffe autrement que les battements d’ailes membraneuses des démons de l’Apocalypse, bien ringards en comparaison.
Ce n’est pas la première fois que Johan Heliot tente, sur une distance relativement courte, de bouleverser de fond en comble notre vision du monde : on se souvient par exemple de «Création» (2011), récit étrange et fascinant, mais qui m’avait laissé une certaine impression d’inachevé (une tendance de l’auteur ?). Cette fois, dans «Involution», pas de frustration : tout est dit, et dans la fulgurance.
Grandiose !
Joseph Altairac