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L'hiver éternel

Alain Dorémieux (Traducteur), John Christopher ( Auteur), Cathy Millet (Illustrateur interne)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/03/1975  -  livre
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L'hiver éternel

Bien qu'étant toujours resté fidèle aux littératures de l'imaginaire, la carrière de John Christopher comprend deux périodes distinctes dont la seconde, qui débute à la fin des années soixante, a été principalement consacrée à l'écriture de romans pour la jeunesse, un domaine dans lequel il s'est illustré avec la série des Tripodes. Parmi les romans de sa période "adulte", deux sont parus en français dans un des volumes cartonnés du maintenant légendaire Club du Livre d'Anticipation Opta, au milieu des années soixante-dix. Si le premier de ces superbes récits apocalyptiques, Terre brûlée, a été récemment repris dans un Omnibus sur les Catastrophes, le second méritait largement un coup de projecteur.
 
Un vent glacial souffle sur les relations nord-sud.
 
Une baisse soudaine et considérable des radiations thermiques du Soleil entraîne pour la Terre une nouvelle période glaciaire en l'espace de quelques mois. Londres est sous la glace, de même que le reste de l'Europe et des États-Unis. Dans ces conditions particulièrement difficiles, la survie devient très aléatoire et les plus fortunés n'ont plus qu'une seule ressource : l'émigration sous des latitudes plus clémentes. La région équatoriale devient alors un refuge de choix pour ceux qui ont la chance de pouvoir prendre l'un des derniers vols avant la fermeture définitive des aéroports. C'est le cas d'Andrew Leeds et de sa famille alors que d'autres décident de rester malgré tout en Angleterre, ou n'ont pas la possibilité de fuir. Une fois arrivés au Nigeria, les réfugiés climatiques se trouveront dans la situation inconfortable d'immigrés sans ressources, confrontés aux problèmes posés par la couleur de leur peau dans cette ancienne colonie britannique qui commence à envisager avec un certain enthousiasme une guerre contre l'Afrique du Sud...
 
Une planète hémiplégique.

 L'apocalypse, comme les histoires de vampires, a inspiré un tel nombre de romans que le thème en semble souvent usé au point de ne plus provoquer chez le lecteur aguerri qu'un regard blasé assorti d'un profond soupir d'ennui. Quel plaisir reste-t-il encore à suivre les mésaventures d'une énième bande d'énergumènes en haillons qui tentent de survivre dans un monde où ils n'ont plus leur place ? Aucun, en effet. A moins que la fin du monde ne soit qu'un décor dans lequel évoluent des personnages dont les préoccupations restent proches des nôtres, et c'est ce qui impressionne dans des livres comme Terre brûlée et L'hiver éternel, et leur permet de demeurer encore pertinents au vingt-et-unième siècle.
 
Une catastrophe aux conséquences aussi tragiques qu'une nouvelle et brutale période glaciaire reste avant tout, malgré sa portée universelle, une affaire très personnelle. Les engelures des autres, on ne s'en moque peut-être pas complètement mais les nôtres resteront toujours plus douloureuses que celles du voisin. C'est justement dans ce registre égocentriste et intime qu'excelle John Christopher, cet aspect fondamental de la nature humaine donnant une profondeur immédiate aux différents personnages. La construction du roman est également très intéressante et démontre la finesse dont l'auteur fait preuve dans la psychologie de ses personnages. Faisant écho au refroidissement planétaire, nous assistons en parallèle au refroidissement des relations entre les différents protagonistes, le cataclysme écologique devenant le reflet macrocosmique de bouleversements sentimentaux et familiaux à la suite desquels il ne reste qu'à accepter de se contenter de peu en attendant d'improbables jours meilleurs. Seuls les plus aptes parviendront à s'en sortir et John Christopher, avec toute l'élégance d'un authentique gentleman britannique, parvient à le dire sans verser dans un cynisme racoleur, d'autant que les plus aptes ne sont pas nécessairement les plus intègres. L'auteur se contente d'observer, de rendre compte, laissant le lecteur se faire une opinion en fonction de son éthique personnelle. Le héros du récit ne cherche pas à sauver le monde, il n'en a évidemment pas plus le pouvoir que n'importe lequel d'entre nous, il tente seulement d'accomplir quelque chose d'ordinaire dans un contexte extraordinaire et c'est ce qui constitue une grande partie de l'intérêt de L'hiver éternel.
 
On ne prend cependant toute la mesure du propos que dans la seconde partie du roman. L'histoire décolle vraiment lorsque les héros anglais, plus frileux qu'on ne l'imagine, arrivent en Afrique et se trouvent placés dans la situation inconfortable d'immigrés pas forcément bienvenus. Les blancs deviennent alors les domestiques des noirs, plus riches, sont victimes du racisme, de la ségrégation, et sont parfois traités avec une compassion empreinte de condescendance par leurs nouveaux maîtres... Le récit prend alors des allures de pamphlet antiraciste, ironique et mordant, alors que la première partie était seulement un excellent roman sur la fin d'un monde. Dans le domaine apocalyptique, les ouvrages de John Christopher sont à la fois aussi incontournables et relativement oubliés que Génocide de Thomas Disch ou Les furies de Keith Roberts, alors n'hésitez pas.

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