Bonjour à tous,
Nous sommes ravis de vous retrouver pour un nouvel épisode de l’Instant Critic et, alors que se profile l’euro de football, pour ceux qui préfèrent se couper du monde pendant cette période, voire s’en aller vers d’autres, nous avons dans notre musette interstellaire quelques suggestions de lecture pour vous ce mois-ci !
Notre terrain de jeu est bien plus vaste qu’un rectangle de gazon, notre terrain de jeu… les étoiles ! Alors, pour ne pas rester sur la touche, regardez le ciel, il s’y passe plein de choses… au moins en Imaginaire !
Première mi-temps : Les grands formats

Jetez un œil sur
Eschatôn d’Alex Nikolavitch, d’ores-et-déjà paru aux Moutons Electriques, savant mélange d’ambiance fantasy et d’univers space-opera, où un guerrier – qui n’est pas sans rappeler ceux de
Warhammer 40K ou l’univers de
Dominium Mundi (les motifs de la religion, chrétienne notamment y sont également plus qu’importants, ils font partie du moteur de l’intrigue), va se réveiller en plein cauchemar sans ce qui fait habituellement sa force : ses « pouvoirs ». Aventures, réflexion, visions de cauchemars façon Grands Anciens, vous allez vous régaler de ce roman d’Alex Nikolavitch, plus connu, jusqu’alors, comme scénariste et traducteur. S’il était sur une pelouse, l’auteur serait un jeune ailier, virevoltant et imprévisible, capable à tout moment de mettre des buts d’anthologie. Mais heureusement pour nous, il écrit.
Plus défensif – on le verrait bien défenseur central, pour sa qualité première : propre et rassurant – James S. Corey revient avec La Porte d’Abbadon, troisième volume de la série The Expanse (Actes Sud). Les pions mis en place dans le premier volume continuent de se déployer dans le schéma de jeu et un bon défenseur comme Corey sait manipuler ce jeu loin en amont et distribuer les ballons qui apporteront le but. C’est ce que fait très bien James S. Corey et on se délecte de son intrigue jusqu’au dénouement. Plus que jamais, une série à découvrir ! Pour prolonger le plaisir, le lecteur pourra aussi se tourner vers l’excellente adaptation en série TV, dont la saison 2 ne saurait tarder.

Quant à Romain Benassaya, il connaît sa première titularisation avec
Arca (Critic) et tient la dragée haute à James S. Corey ! Dans
Arca, le
sense of wonder est de mise, le voyage semé d’embûches et l’auteur, avec un don certain pour le dribble et le petit pont, nous ballote entre la Terre, Encelade, Mars (sa description de la colonisation est remarquable), et bien sûr ce gigantesque vaisseau, l’Arca, qui file vers une exo-planète, La Griffe du Lion. Un vrai bonheur de lecture que ce one-shot, et un joueur auteur d’avenir !

Dans tout groupe, on trouve un vieux briscard – un peu comme Patoche Evra vous voyez – et on ne peut donc pas ne pas parler de la réédition de
L’Etrangère de Gardner Dozois chez ActuSF. Plus talentueux que le défenseur sus-cité, l’auteur nous embarque, avec style et classe, dans une histoire d’amour, comme l’Histoire ou la fiction savent les rendre universelles par leur, parfois triste, beauté (voir la vraie histoire de Pocahontas – et lire à ce propos l’excellente BD de Loïc Locatelli-Kournwsky, parue chez Sarbacane), et par l’entremise de la confrontation à l’autre, à ce qui nous est étranger, à ce qu’on ne comprend pas, à d’autres cultures tout bonnement – ici sur une autre planète. C’est plus beau qu’une feuille morte de Platini ou une Madjer de… euh… Madjer, c’est un classique trop méconnu – initialement paru en France chez Denoël en Présence du Futur –, c’est indéniablement à lire et à relire, quand on veut encore rêver.
Deuxième mi-temps : Les poches .jpg)
La première mi-temps était déjà bien intense, mais la deuxième vaut la peine d’être suivie, aussi ! Retour dans notre système solaire avec deux rééditions ce mois-ci au Livre de Poche de romans de Robert Heinlein. Tout d’abord,
En terre étrangère est un classique du roman d’apprentissage (Heinlein aimait cela, y compris en juvenile avec notamment Citoyens de la Galaxie) et une satire qui a fait couler beaucoup d’encre à sa sortie, devenant une œuvre culte de la contre culture des années 70, notamment, devenant une bible pour la Flower Generation, ce qui valut à l’auteur de voir sa maison assiégée par des hordes fans qui voulaient le rencontrer, un peu comme ces jeunes (ou moins jeunes) gens qui courent, l’œil fou, après un autographe de Cristiano Ronaldo.

L’histoire est simple, celle d’un jeune homme, Valentin Michaël Smith, venant de Mars où il a été élevé, qui vient sur Terre et découvre notre civilisation. On peut penser aux Lettres Persanes, parfois à Voltaire, on y trouve de nombreuses références à Nietzsche, et toujours cette plume enjouée et caustique d’un Heinlein au sommet de sa forme. Après ce joli crochet, un petit passement de jambes nous envoie tout droit vers
Révolte sur la Lune, qui reparaît lui aussi au Livre de Poche, où Heinlein se pose en défenseur de l’opprimé, sur une Lune dirigée de façon dictatoriale, où l’on évoque une Terre à bout de souffle, minée par les crises et les famines, qui profite (trop) largement du produit du travail des Lunatiques, ces descendants de criminels envoyés travailler sur la Lune, dans les fermes hydroponiques. Un somptueux roman, qui vous remuera d’autant plus que son propos reste finalement toujours autant d’actualité. Un coup de boule dans le ventre que Zinédine Zidane n’aurait pas renié.
Bref, si Heinlein était dans le onze de départ – il ne peut que l’être – il serait incontestablement le maestro, le chef d’orchestre, celui qui mène les siens à la victoire. Alors, plus d’excuses, on lit ces deux romans.
Allez, coup de sifflet de l'arbitre, fin du match ! La lecture a gagné ! A bientôt et, bien sûr, En Avant Guingamp !
Xavier Dollo & Simon Pinel