Le formidable engouement actuel pour les œuvres de H. P. Lovecraft pourrait bien profiter à quelques-uns des membres de son cercle d’amis épistolaires. L’ensemble des récits de Robert Howard est maintenant disponible en français, et les récents volumes compilant les nouvelles de Clark Ashton Smith laissent espérer d’autres entreprises de ce type. Donald Wandrei devrait donc, en toute logique, être l’un des prochains à ressortir de l’ombre. Avec August Derleth, il a été l’un des fondateurs d’Arkham house, qui édita non seulement les œuvres de Lovecraft, lettres comprises, mais aussi celles de quelques-uns de ses plus fameux disciples, ainsi que des auteurs aussi différents que Nancy Kress, James Blaylock ou Lucius Shepard, sans oublier les essais érudits de S. T. Joshi…
L’un des plus remarquables épigones de Lovecraft…
La première nouvelle, Les vies d’Alfred Kramer, atteste de la filiation littéraire de l’auteur et nous livre un récit qui pourra servir de modèle pour le reste du recueil. Autrement dit, si le lecteur ne se sent pas d’affinités avec le style « Weird tales » des années quarante, inutile de poursuivre. Abandonner si tôt serait pourtant dommage car, en dépit des maniérismes caractéristiques de l’époque de leur rédaction (que l’on peut facilement ignorer avec un peu de bonne volonté), Les vies d’Alfred Kramer possède le charme ténébreux d’un croisement entre la science-fiction / merveilleux scientifique d’un H. G. Wells et la sombre poésie des visions lovecraftiennes. Les dernières pages, avec leur terrible conclusion, démontreront bien entendu qu’on ne joue pas impunément avec l’espace-temps… Dans un genre tout aussi horrifique la nouvelle suivante, Cela germera sur vous, met un médecin aux prises avec un patient atteint d’un mal aussi effrayant qu’atypique. Est-il vraiment nécessaire d’en révéler davantage ?
Un poète de l’horreur scientifique ?
Si Weird tales a donné de solides bases au fantastique et à la fantasy modernes, cette revue a également compté à son sommaire un nombre important de récits où les sciences se marient avec bonheur à des visions beaucoup plus — osons le mot — métaphysiques... Donald Wandrei était en effet un poète accompli et a vu paraître ses vers dans Weird tales en un temps où, à l’exemple de Poe, leur maître à tous, la poésie restait encore largement pratiquée par les auteurs de fantastique, et prenait régulièrement place dans les pages des magazines populaires. Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir des poèmes épiques de Robert Howard, ou des Fungi de Yuggoth de Lovecraft, mais il y en eut d'autres... Certaines des nouvelles de L’œil et le doigt attestent de cette sensibilité, comme en témoignent quelques textes très courts —Le messager ; Un fragment de rêve… — et complètent ainsi l’éventail des talents d’un auteur que l’on aimerait voir revenir hanter les librairies du vingt-et-unième siècle…
La chronique de 16h16 !