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La Bouche sèche

Laurence Croix (Coloriste), Jean-Philippe Peyraud (Scénariste, Dessinateur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 31/12/2004  -  bd
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La Bouche sèche

Jean-Philippe Peyraud, né en 1969, a fondé avec Christopher le collectif d’auteurs La Comédie illustrée. Avec ce complice de toujours, il a réalisé l’album A Boire et à manger (La Comédie illustrée). Après des études d’arts appliqués et un détour par l’audiovisuel jusqu’en 1994, il réalise scénarios et dessins sur plusieurs albums. Citons la série Hermine (Glénat) dont il est le co-scénariste avec Eric Omond et dont les dessins sont assurés par Delphine Rieu et Eric Dérian qui narrent les aventures cocasses d’une jeune femme bien de son temps. Il a également publié Premières chaleurs chez Casterman, Mine de rien au Cycliste ou Grain de beauté (Treize étrange).

Un flot de paroles pour masquer le silence des mots impossibles à dire

Dix nouvelles où la parole et le silence se conjuguent dans des situations si proches et si familières. Un jeune homme qui regarde une jolie étudiante pleurer dans le métro et qui est incapable d’aller la voir. Un père divorcé qui rend son enfant à la mère, rendu muet par le déchirement de la séparation, une femme qui attend son mari qui tarde à revenir et qui ne peut plus supporter les phrases insignifiantes de ses parents, un homme qui atterrit chez son meilleur pote après que sa copine l’a plaqué, une femme qui arrive enfin à sortir à son amant « Je ne rentre pas ». Autant de situations qui feront battre le cœur du lecteur au rythme de celui des personnages.

Une bande dessinée où simplicité rime avec profondeur

Une consigne primordiale, ne vous fiez pas à la couverture de ce recueil qui n’est absolument pas représentative de l’album, pire elle le dénature. Cette mise en garde faite, vous pouvez ouvrir l’ouvrage et vous plonger dans ces courts récits qui prennent tous pour cadre le quotidien. Les situations décrites sont impressionnantes de réalisme, de vérités si banales, d’événements si communs et c’est toute la force de ces instants de vie qui nous touchent et nous vont droit au cœur. Sans effusion de mots, ni de larmes, Peyraud raconte le quotidien et ses petits drames à l’échelle de la vie. Dix nouvelles pour dire les maux et les mots qui restent au fond de la gorge, serrée, qui ne peuvent sortir car trop douloureux et à côté la logorrhée de certains personnages pour combler le silence, mettre des mots même insignifiants, pour ne pas entendre le vide et ne pas voir les mots qui coincent, les non-dits.

La bouche sèche, les mots qui manquent, les mots tampons, et à côté le flot de paroles bavardes qui prennent toute la place de ces cris intérieurs. La dernière nouvelle est la plus apaisée, le silence est alors doux et innocent, plein d’amour et de confiance. Vous ne ressortirez pas de ce petit ouvrage sans un certain vague à l’âme, sans l’impression si saisissante que l’auteur vous a touché bien plus profondément que vous ne le pensiez. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces récits trouvent un écho profond dans notre propre expérience, ces histoires intimistes ravivent les plaies si vives de ces instants où les émotions s’encaissent seul, car il est impossible de les dire, de les partager. Le dessin se fait l’écho de la simplicité et du dépouillement de la trame narrative. Le trait fluide et la mise en page simplifiée de Peyraud croquent notre vie si banale, prend sur le vif ces minutes où l’on aimerait être ailleurs car si douloureuses. Pour ne pas dire des banalités, parce qu’il n’y a aucun mot apaisant, le silence si lourd de maux.

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