Ces derniers temps, j’ai lu plein de livres courts — et c’est bien, les livres courts, car cela permet tout à la fois de passer rapidement d’un univers à un autre, de se faire raconter encore plus d’histoires (eh bien oui, je revendique sans crainte le qualificatif de « bookaholic »), et de savourer malgré tout des récits d’une ampleur suffisante. Vous me direz, un recueil de nouvelles coche également les cases de cette énumération, mais dans un recueil de nouvelles… il n’y a qu’un unique volume, tandis que mes récentes lectures courtes satisfaisaient une autre condition de ma boulimie livresque : à chaque texte correspond un volume particulier. Et quels volumes !
Car la forme courte semble avoir, en tout cas chez les éditeurs de « littératures de genre », entre autres corollaires, de comprendre une présentation sortant un peu de l’ordinaire et un travail illustratif assez poussé. Autant de particularités qui ne peuvent qu’enchanter le certes boulimique mais aussi bibliophile lecteur que je suis.
Mais qu’ai-je lu, alors ? demande le lecteur pressé que j’en arrive enfin au cœur de mon propos. Eh bien, des souvenirs d’enfance de Graham Green et un superbe petit livre contemplatif sur les escargots — ah non, pardon, ActuSF n’est pas véritablement le lieu adéquat pour parler de cela, non, ne partez pas, revenez, j’ai aussi lu quatre Neil Gaiman ! Donc de la fantasy… et quelle fantasy !
Oui, oui, rien moins que quatre Neil Gaiman. Le monsieur ne chôme pas, dirait-on, et comme il s’agit selon moi d’une des plumes les plus talentueuses de notre époque, j’oserai dire que ces quatre lectures furent des moments fort agréablement partagés entre admiration et jubilation.
Car la forme courte semble avoir, en tout cas chez les éditeurs de « littératures de genre », entre autres corollaires, de comprendre une présentation sortant un peu de l’ordinaire et un travail illustratif assez poussé. Autant de particularités qui ne peuvent qu’enchanter le certes boulimique mais aussi bibliophile lecteur que je suis.
Mais qu’ai-je lu, alors ? demande le lecteur pressé que j’en arrive enfin au cœur de mon propos. Eh bien, des souvenirs d’enfance de Graham Green et un superbe petit livre contemplatif sur les escargots — ah non, pardon, ActuSF n’est pas véritablement le lieu adéquat pour parler de cela, non, ne partez pas, revenez, j’ai aussi lu quatre Neil Gaiman ! Donc de la fantasy… et quelle fantasy !
Oui, oui, rien moins que quatre Neil Gaiman. Le monsieur ne chôme pas, dirait-on, et comme il s’agit selon moi d’une des plumes les plus talentueuses de notre époque, j’oserai dire que ces quatre lectures furent des moments fort agréablement partagés entre admiration et jubilation.

The Ocean at the End of the Lane a récemment été traduit en français : L’Océan au bout du chemin, mais pour ma part je l’avais lu en version originale, et puis m’a soudain titillé l’envie de le relire. Il ne m’arrive pas fréquemment de relire un roman à si brève échéance — je crois que ça ne m’est guère arrivé ces dernières années que pour Mordred de Justine Niogret, et la brièveté de ces deux romans n’a d’égale que leur formidable force. Ah oui, si profond et si bouleversant : cet océan au bout du chemin, Gaiman l’avait débuté comme une nouvelle, puis il s’est laissé entrainé, un peu, par un texte qui se devait de prendre sa forme et sa longueur naturelles. On dit souvent que la « novella » (terme américain désignant une longue nouvelle ou un cour roman) est la forme la plus satisfaisante de la fantasy comme de la science-fiction, et Neil Gaiman l’a une fois de plus prouvé, tant ce texte allie admirablement la densité et la profondeur de ses nouvelles (car l’auteur est un nouvelliste d’une formidable puissance) et le rythme un peu plus ample d’un roman. Il semble aussi s’agir d’un texte de maturité : Gaiman l’a nourri de touches autobiographiques et son style n’a jamais été aussi soutenu, aussi beau. Alors que dire ? Je l’ai lu deux fois, et son pouvoir évocateur n’a pas diminué, pour moi. Bref mais superbe, empli d’images fortes et de belles peurs, touchant, intelligent… Sans doute un livre majeur, voilà, c’est dit.
J’ai évoqué des illustrations : les trois autres Gaiman lus ces derniers temps en sont emplis. En fait, ils adoptent un aspect comparable aux albums pour la jeunesse, mais… pour les grands, quoi. Un goût de jeunesse, un goût d’enfance en fait, où la forme est d’autant plus en adéquation avec la forme qu’il s’agit de contes de fées. Hansel & Gretel est le conte bien connu, de nouveau raconté par Gaiman de manière à la fois fascinante et très fidèle au mythe, renforcé, magnifié, par la profonde noirceur des dessins de Lorenzo Mattotti, le maître italien.

The Sleeper and the Spindle renoue avec l’inspiration qui était celle de Gaiman à l’époque du Sandman, à savoir une certaine forme de réinvention d’un conte, on songera aussi à cette œuvre post-sandmanienne s’il en fut, la série Fables de Bill Willingham. Pour faire court, Blanche Neige s’introduit dans le conte de la Belle au bois dormant, et le résultat est rien moins que renversant. Quant aux illustrations de Chris Riddell, elles sont à la fois foisonnante et drôle, sévères et folles, c’est du grand art.
Enfin, avec The Truth is a Cave in the Black Mountains, Gaiman rend hommage l’immense imaginaire écossais. La nouvelle d’origine a été illustrée par Eddie Campbell, par endroits tableaux, à d’autres passages à une narration de type bédé, puis dessin, etc. une large palette illustrative est ici à l’œuvre, de façon assez inorthodoxe et en tout cas fort riche.
Dans les trois cas, la forme rehausse le fond, ces livres-objets singuliers renforcent le plaisir de lecture, faisant de chacun de ces textes plus qu’un roman ou une nouvelle, une belle expérience de lecture hors du commun livresque
Il est fort, ce Gaiman. Et un nouveau recueil de nouvelles est annoncé l’an nouveau ? Du bonheur, que du bonheur.
