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La boussole du capitaine - Février 2016
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La boussole du capitaine - Février 2016

Lorsque j’étais ado, je lisais Picsou Magazine et Mickey Parade. Je ne dois pas avoir pris beaucoup de maturité intellectuelle, d’ailleurs, car je les lis toujours — mais c’est un autre sujet. On va dire que j’ai de la suite dans les idées, oui, on va dire cela — et à ce propos, j’écrivais en novembre dernier dans cette chronique : « Nous vivons une époque formidable : de plus en plus de séries complètes de comics trips sont publiées sous la forme de très belles intégrales […] et cerise sur le gâteau, bon nombre de ces intégrales trouvent même à être traduites et publiées en France. » Eh bien, pour rester dans le même sujet, évoquons un peu les intégrales Barks et Rosa qui sortent depuis quelques années aux éditions Glénat…
 
 
Lorsque j’étais ado, il n’y avait jamais le nom des dessinateurs et des scénaristes dans Mickey Parade. Il s’agissait déjà d’un sujet de frustration pour moi, car je parvenais fort bien à identifier quantité de styles différents, sur lesquels il m’aurait été satisfaisant de poser des noms : il y avait celui qui faisait des têtes de Rapetou trop grosses (Giovan Battista Carpi), il y avait le nerveux aux becs pointus, au style si ferme et aux scénarios si inventifs (Romano Scarpa), il y avait l’atroce intervalliste, il y avait celui aux yeux pointus et allongés, il y avait… ah si, un dessinateur s’identifiait aisément : Luciano Bottaro, car j’étais par ailleurs fan de Pepito et l’on reconnaissait bien le dessin de ce maître italien. Italiens, d’ailleurs, j’ignorais alors qu’ils le fussent presque tous — à l’exception d’un Américain, qui emplissait les pages de Picsou Magazine de sa verve, de sa finesse et de ses mondes perdus… Carl Barks ! Celui que durant longtemps, outre-Atlantique, les lecteurs désignèrent d’euphémismes du genre « le bon dessinateur » ; Carl Barks qui inventa le multi-milliardaire Balthazar Picsou alias Scrooge McDuck en V.O., qu’une première traduction française avait astucieusement adapté en « Oncle Arpagon » ; Carl Barks a qui l’on doit aussi, excusez du peu, les Castors Juniors, Gontran Bonheur, les Rapetou,  Miss Tick, Géo Trouvetou… L’homme aux canards, natif de l’Orégon, qui naquit en 1901 et nous quitta en 2000, à l’orée de son centenaire, avec plus de sept cents histoires des canards à son actif ! Des histoires pleine d’une joyeuse science-fiction, avec extraterrestres, infraterrestres, mondes perdus et cités secrètes en tous genres, savants fous, volcans, sorcières, robots et catastrophes ! Tout un immense imaginaire issu des « pulps » et de la littérature populaire, réinventés à la mesure de nos chers canards. Eh oui, incontournable Barks, qui fit dans les années 1980 l’objet de luxueuses intégrales V.O. grand format, que j’admirais chez des amis comme Patrick Marcel et Michel Pagel mais que je n’avais pas les moyens de m’offrir… 
Heureusement, aujourd’hui enfin, une intégrale conçue en Italie fait l’objet d’une très jolie adaptation française, sous le titre global « La Dynastie Donald Duck ». Au moment où je rédige ces lignes, 18 volumes sont déjà sortis, sur les 24 annoncés. Et ça marche ! Visiblement, les ventes sont au rendez-vous. 
 
Tant et si bien qu’une autre intégrale a été lancée… Car après les grands maîtres classiques, les pages de Picsou Magazine et de Mickey Parade se mirent à s’emplir d’autres styles : côté Italien, j’avais vite repéré Giorgio Cavazzano, qui révolutionna le domaine avec ses courbes caoutchouteuses et expressives et ses petites hachures — durant pas mal d’années, je fus l’objet de quolibets de la part de mes camarades savanturiers, lors de notre traditionnelle virée documentaire à la Braderie de Lille. Je ramassais en effet les Mickey Parade et les feuilletais, attentif à la présence d’un Bottaro ou d’un Cavazzano. Et puis du côté de Picsou Magazine, un nouvel Américain commença à s’imposer, nommé Don Rosa. 
 
 
Le morceau de bravoure de ce génial continuateur de Carl Barks fut la « Jeunesse de Picsou », saga historico-comique qui retraçait toute la biographie de l’irrépressible Picsou depuis son enfance écossaise jusqu’à l’érection de son coffre géant à Donaldville, en passant par exemple par la ruée sur l’or du Klondike… Une entreprise folle et immense, comparable aux mésestimées Aventures du jeune Indiana Jones (The Young Indiana Jones Chronicles) mais, euh…. avec des canards. Et aujourd’hui encore, donc, les mêmes éditions Glénat nous proposent une intégrale de Don Rosa, « Le Grande épopée de Picsou », qui en est à 6 volumes sur les 7  prévus.
 
Les merveilles cesseront-elles ? Ou bien un jour le même éditeur aura-t-il la lumineuse initiative de nous proposer encore d’autres intégrales, en particulier celle du maître italien Romano Scarpa ? Rêvons.
 
André-François Ruaud 
 
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