La télévision est morte et elle ne le sait pas. Mais elle commence à s’en douter, si l’on en juge par l’apparition des premiers partenariats de certaines chaînes avec YouTube. En tout cas, pour le moment on ne saurait regretter cette mort annoncée : une créativité se développe sur le Web qui est proprement sidérante. Avec les progrès constants de la vidéo et de l’informatique, les simples fans, des débutants, souvent des jeunes gens, peuvent désormais réaliser des films et les mettre en ligne : il peut s’agir de courts métrages, plus rarement de longs métrages, le plus souvent d’épisodes d’une série ou d’un feuilleton à suivre. Et comme notre imaginaire contemporain se trouve abreuvé tant de la forme sérielle (dont la série télé est le meilleur exemple récent) que de la culture science-fictivo-fantastique, il n’est pas très étonnant de constater qu’une bonne partie de ces créations relèvent des genres qui nous intéressent.
De façon peut-être plus étonnante, une partie de ces créations ne s’avèrent justement pas… très créatives, en matière d’univers mis en scène. L’effondrement de la franchise télé de Star Trek, en particulier, et le soudain laisser-faire de la société de production Paramount, qui pourtant poursuivait auparavant avec férocité les fans osant parler de son « produit », ont accompagné de façon significative le développement des nouvelles fictions vidéo sur le web. Le domaine de la « fan fiction » ne se développe plus seulement par écrit, mais imite maintenant à ce point la production originale que l’on trouve un peu partout sur le Web des suites à Star Trek… et la frontière entre le domaine « pro » et les fans s’amenuisent à ce point que des acteurs de Star Trek ont joué et produit de telles fictions parallèles, tandis que des scénaristes, spécialistes des effets spéciaux, décorateurs ou « fils de » affiliés à ce bon vieil univers de science-fiction se sont lancés dans l’aventure.
De la frustration née la créativité, en quelque sorte : parce qu’il n’y a jamais eu de quatrième saison des Star Trek classiques, par exemple, des fans ont eu l’idée d’en tourner de nouveaux épisodes… Voyez en particulier les épisodes produits chez James Cawley, un imitateur d’Elvis qui se prend aussi pour James T. Kirk et fut certainement le premier a proposer un tel niveau de qualité (un épisode fut même nominé au prix Hugo). Un niveau rejoint depuis par Star Trek Continues, où le Dr McCoy est joué par le grand spécialiste Larry Nemececk et Mr Scott par le propre fils de l’acteur d’origine, Chris Doohan.
Star Trek Continues E01 "Pilgrim of Eternity" from Star Trek Continues on Vimeo.
Revenant sur la période des films (non, les vrais, pas l’univers parallèle de J. J. Abrams), un casting éblouissant d’acteurs de Star Trek ont tourné un long métrage qui vaut bien ce que la Paramount avait pu produire : Of Gods and Men, allant jusqu’à le sortir sur DVD (gratuit contre l’achat de quelques photos dédicacées, ah ah ah).
Ou bien encore parce que les piteux développements de la franchise vers Voyager et Deep Space Nine laissaient sceptiques certains amateurs de la période Next Generation, cette époque de l’univers Star Trek s’est vue développée par des enthousiastes… Hidden Frontier a un principe de tournage plutôt rudimentaire, disons : les personnages parlent devant un écran vert où sont simplement incrustés de captures d’images des décors de la série. Le résultat tient plus du théâtre que du film, mais développe une narration étonnamment vaste et, actuellement, devient de plus en plus regardable.
La censure télévisuelle américaine a toujours interdit que, dans l’univers pourtant ouvertement utopiste de Star Trek, des personnages soient homosexuels ou bisexuels ? Qu’à cela ne tienne : maintenant, dans Star Trek les garçons s’embrassent sans hésiter. Outre certains scénarios de David Gerrold, un acteur s’est même spécialisé dans les rôles d’homme d’équipage préférant les garçons : Bobby Quinn Rice, qui joua le rôle de Ro Nevin dans l’univers Hidden Frontier puis du fils de Kirk dans les Phase II.
Tout ne se vaut pas, assurément, et certaines fan-productions font frémir d’horreur ou de rire… Je vous laisse explorer la rubrique « Star Trek fan productions » du Wikipedia anglo-saxon pour plus de découvertes dans cette galaxie fort curieuse.
André-François Ruaud