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La colère de Fu Manchu
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La colère de Fu Manchu

Dans la littérature et le cinéma populaire occidentaux, la représentation d'un orient de pacotille, surchargée de clichés et d'approximations, doit certainement beaucoup à Arthur Henry Sarsfield Ward qui, peu avant la Seconde Guerre mondiale, publia ses premières histoires mettant en scène le démoniaque docteur Fu Manchu. Plus connu sous le pseudonyme de Sax Rohmer, il produisit une cinquantaine de romans à propos de ce reflet chinois de Fantômas, dont l'ombre funeste s'étendait sur l'Asie entière, et jusqu'aux Chinatown du monde entier. Son influence est manifeste en littérature chez des auteurs comme Henry Vernes (L'Ombre jaune) ou Kim Newman, dans la bande dessinée avec Flash Gordon (le personnage de l'empereur Ming), le cinéma avec Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin de John Carpenter, et même le rock'n'roll avec, par exemple, "The castle of Fu Manchu", des Riverdales... La colère de Fu Manchu est un petit recueil posthume contenant des nouvelles devenues introuvables, parfois inédites, et constitue une excellente entrée en matière pour l’amateur de mystères.

Ombres et lumières de Fu Manchu...

Le fourbe et cruel chef de l’organisation criminelle chinoise du Si Fan est sur le point de frapper une fois de plus. Cette fois, c’est le trésor des États-Unis qui est visé. Si les milliards de dollars en lingots d’or qu’il contient venaient à disparaître, ce sont les fondements de la démocratie qui seraient menacés, selon Nayland Smith, agent du FBI et ennemi juré de Fu Manchu. Particulièrement versé en chimie, biologie, physique, psychologie et hypnose, le docteur Fu Manchu étend le champ de ses recherches jusqu’aux secrets de l’antigravité et du sérum d’immortalité. Qui pourrait donc résister à celui qui ajoute à sa volonté de s’affranchir du temps le désir de contrôler la matière ? De plus, la présence de Fa Lo Sueh, sublime fille unique de notre super-criminel, pourrait bien faire pencher la balance du mauvais côté, car Nayland Smith n’est pas complètement insensible à son charme vénéneux.

Bref plaidoyer pour la réhabilitation d’un génie du mal…

La légende de Fu Manchu mérite certainement un examen plus approfondi que celui auquel se livre François Rivière dans une préface au demeurant excellente, mais qui mérite un éclairage alternatif à propos de certains aspects de la personnalité de notre incarnation du mal favorite. Une piste possible résiderait dans l’examen de ses motivations profondes, qui semblent dépasser la poursuite d’un but aussi vulgaire que la domination du continent asiatique. À sa quête de l’immortalité, un objectif classique du taoïsme, s’oppose le projet de cambriolage de la réserve fédérale de Fort Knox, une cible éminemment matérielle, par des moyens qui s’apparentent fort à un procédé de transmutation alchimique. N’oublions pas que Sax Rohmer fut, comme Arthur Machen, Algernon Blackwood et bien d’autres, passionné d’occultisme et membre de la loge magique anglaise de la Golden Dawn (que l’on ne doit pas confondre avec le parti politique grec aux « idées » fétides…)

De toute évidence, la sinistre réputation du Si Fan semble exagérée et pourrait bien n’être que le résultat d'une vision colonialiste d’un Orient dont le mystère réside principalement dans une incompréhension réciproque de la part de deux civilisations antagonistes. Les bonnes manières dont font preuve les personnages démontrent plutôt l’extrême raffinement atteint par deux cultures particulièrement sophistiquées. Huang Tsun, l’âme damnée de Fu Manchu, possède tous les traits du sage taoïste et notre génie du mal, éminent scientifique, semble lui aussi se préoccuper sincèrement de l’avenir de l’espèce humaine. Perfide, peut-être, mais gentleman jusqu’au bout de ses ongles démesurés, car rien n’importe plus pour lui que le respect de la parole donnée. Finalement, ce qui s’exprime le plus clairement est le parti-pris de Sax Rohmer pour l’Occident ! Fu Manchu n’en reste pas moins un personnage incontournable de la littérature populaire, au rayon des détectives de l’étrange, et les récits dans lesquels il intervient valent largement le détour.  

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