Jeff Smith signe ici un nouveau comics mature, adulte, et violent. Cet auteur américain s’est illustré magistralement avec la série fantastique, humoristique et de multiples fois récompensée Bone. Aussi bien aux manettes du dessin que du scénario, il signe à nouveau une trilogie très prometteuse.

Mondes parallèles.
   
Rasl est un malin. Après avoir découvert les carnets de Nikola Tesla et avoir mis au point  une invention incroyable en les utilisant comme point de départ, il peut se balader dans des mondes parallèles. Il décide alors de s’en servir pour dérober des œuvres d’art. Adieu sa carrière d’ingénieur militaire, et bienvenu à une nouvelle carrière de voleur !

Mais c’était sans compter les jaloux qui se doutent bien que Rasl est un personnage intéressant. Il lui faudra alors rapidement comprendre que chaque utilisation de son invention le met en danger, tout autant que ses proches…

Un coup de maître !

Après des années passées sur sa série Bone, Jeff Smith a décidé de se renouveler. Il s’attaque alors à une série plus adulte, plus mature, plus complexe, et c’est réussi ! L’histoire, mêlant violence, corruption, meurtre et amour n’est pas sans intérêt. Cette idée du voyage dans des dimensions parallèles est intéressante et menée intelligemment. Smith ne perd pas le lecteur à travers des détails compliqués, et allie simplement des éléments nous permettant de savoir à chaque moment où nous sommes. Notre héros, Rasl, bien que malfrat, attire immédiatement la sympathie du lecteur. Son envie d’argent facile cache des éléments plus complexes et sombres sur lui-même, donnant envie d’en savoir plus. Qu’en est-il  pour cette prostituée dont il semble s’être entiché ? Qui est cette Maya, dont le nom est tatoué sur l’épaule de Rasl ?

Ses adversaires, dont on sait peu de choses mise à part qu’ils ont développé une invention similaire à la sienne, semblent ne pas vouloir se laisser faire. Ils veulent lui mettre la main dessus ! On se demande aussi qui est ce curieux personnage à tête de lézard qui l’attaque directement dans une dimension parallèle et qui semble le suivre à travers ses voyages... Lui veux-t-il vraiment du mal ? Est-ce un membre d’une société adverse ? En mêlant cette intrigue avec le mythe d’expériences militaires en 1943, l’histoire se développe, prend en profondeur, et permet à Jeff Smith de tenir ses lecteurs en haleine jusqu’aux dernières planches.

 

Du côté du dessin, on retrouve immédiatement la touche propre à l'auteur. Le trait, épais et rond, dépeint rapidement les décors et les personnages. Malgré cette touche qui rappelle immédiatement Bone, ne nous trompons pas : les planches sont plus sombres et adultes, en témoigne l’ouverture de la BD sur Rasl, traversant seul le désert sous un soleil de plomb, vêtements déchirés, le visage tuméfié recouvert de sang. Delcourt a opté pour une version colorisée contrairement à la version outre-Atlantique parue originellement en noir et blanc. 

Finalement, c’est le premier tome d’une trilogie grandement prometteuse, mêlant la touche qu'on connaissait de Jeff Smith à un univers sombre, construit, efficace, et violent.