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La Face des Eaux

Robert Silverberg ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Patrick Berthon (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 31/01/1997  -  livre
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La Face des Eaux

Il est douteux que Robert Silverberg ait eu en tête ce poème de Victor Hugo, lorsqu'en 1991 il s'attaque à La Face des Eaux. En revanche, ce qui est certain, c'est qu'à travers ce long roman, il rend hommage aux classiques de la littérature anglo-saxonne. Un exercice auquel il s'était livré de nombreuses fois. Comme par exemple pour sa nouvelle Compagnons secrets dont il avoue sans complexe avoir emprunté la trame narrative à Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad (quoique d'une manière bien différente de Coppola, qui lui aussi s'en inspira pour son Apocalypse Now).

Si Hydros, cette planète aquatique, est un classique de l'exotisme SF, l'intrigue et les personnages, comme l'ont très justement noté Gérard Klein dans la préface de La Face des Eaux et Philippe Curval dans la critique qu'il en fit à sa sortie, renvoient directement à Conrad et, bien-sûr, à Melville. Deux auteurs qui tiennent une place particulière dans la littérature anglo-saxonne et pour lesquels Silverberg n'a jamais caché une admiration qui confine, du moins pour Conrad, à la révérence.

La quête d'une terre immergée

Lorsque Delagard et les soixante-quatorze autres habitants de Sorve, sont chassés par les natifs amphibies de leur ville radeau, ils choisissent de partir en quête de la Face des Eaux, le seul îlot émergé de cette planète océan où quelques Humains sont venus se réfugier après l'explosion de la Terre. C'est Delagard lui-même qui porte sur ses épaules le poids de cet exil. Armateur cynique et vénal, il a provoqué la colère des autochtones en employant certains d'entre-eux à de basses besognes. Aussi est-ce plus par nécessité que par sens du devoir qu'il met ses navires à la disposition de ses concitoyens.

En guise de pendant à cette figure d'arriviste, toute droit sortie d'un roman du XIXème siècle, Silverberg compose, en la personne du docteur Lawler, un personnage d'humaniste presque candide. Sédentaire, collectionneur de vestiges de l'ancienne Terre, tout l'oppose à Delagard. Et se sera pourtant à ces deux hommes - l'opportuniste sans attache et le gardien de la vie idéaliste - que reviendra la responsabilité de guider, au travers des dangers d'Hydros, les habitants de Sorve vers la Face des Eaux.

Sécheresse et noirceur de l'âme humaine

Des grands romans de ces illustres prédécesseurs, La Face des Eaux à la sécheresse et la noirceur. Mais bien plus que les abysses océaniques, ce sont celles de l'âme humaine qui, une fois de plus, intéressent Robert Silverberg. En maître fictionneur qu'il est, il sait que l'univers de la mer porte en lui un imaginaire suffisamment riche, pour ne pas avoir à en faire trop. Il ne va utiliser cet océan sans fin que comme une immense boîte de Pétri où s'agitent les passions humaines. C'est à elle qu'il va consacrer la meilleure part de son talent. Le voyage n'est, une fois encore, qu'un prétexte. Le symbole du changement. Sa destination est plus métaphysique que physique. On retrouve là Silverberg tout à son affaire.

Il n'en reste pas moins, qu'il manque à La face des eaux, cette subversion désespérée que l'on pouvait trouver dans certains de ces autres récits de voyage, comme Les ailes de la nuit. Peut-être parce que nous nous trouvons là en présence de l'œuvre d'un homme qui a appris à vivre avec ses doutes. D'un homme qui, à défaut d'avoir répondu aux questions qu'il se posait, a su au moins y trouver assez de matière pour s'interroger sur l'Autre. Cette sortie de l'intimité de Robert Silverberg, place La Face des Eaux dans la catégorie des grands traités sur l'âme humaine. Beaux et poignants, mais aussi parfois un peu fastidieux, et étrangement dépersonnalisés. Evidemment, le talent de Robert Silverberg nous épargne les affres d'un véritable ennui, mais on regrette l'urgence salutaire d'œuvres plus anciennes.

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