- le  

Date de parution : 09/05/2025
voir l'oeuvre
Commenter

La fin du rêve de Philip Wylie, roman de science-fiction annonciateur de la catastrophe qui vient

Philip Wylie et ses romans de science-fiction ont été, comme beaucoup d’autres, victimes de la mémoire très sélective de notre monde en pleine accélération informationnelle.  Et pourtant, s’il avait été lu davantage, et pris au sérieux, le monde qui s’annonce aurait pu être moins désespérant… Dès les années 30, il s’attaquait au thème de l’homme augmenté avec Gladiator (un livre qui précède Superman de presque dix ans), en pleine deuxième guerre mondiale, il était arrêté après la publication d’un roman mettant en garde contre les ravages de la bombe atomique (un sujet encore top secret à l’époque) et, à la fin des années soixante, les pollutions et le changement climatique deviennent le thème de plusieurs de ses romans, dont La fin du rêve... Effrayant et prémonitoire…

On nous avait pourtant prévenus !

En 2023, la pollution et les catastrophes écologiques ont fait disparaître quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l’humanité. Les survivants parviennent à organiser un forme de gouvernement mondial grâce à la Fondation pour la Préservation de l’Humanité, fondée une cinquantaine d’année auparavant. Les trois cent pages de La fin du rêve sont essentiellement constituées d’un rapport passionnant, commandé par le président de la Fondation dans le but de répertorier la plus grande partie des causes connues de la catastrophe, afin de ne jamais les reproduire (dans l’hypothèse où l’humanité aurait encore un avenir…) Le rapport débute en 1970, avec les premiers avertissements importants sur les diverses sources de pollution causées par l’American Way of Life et sa société de surconsommation. Brouillards toxiques, amiante, marées noires, pesticides, la liste est trop longue et incomplète pour être citée de manière exhaustive… Elle est d’ailleurs tellement longue que rapidement, l’humanité se détourne du sujet, qu’elle juge incompatible avec son mode de vie. Il est facile de répondre au vieux problème philosophique : entre nature et culte de la voiture, le choix est évident, n’est-ce pas ? Quelques années de plus et nous sommes en 1976, année à partir de laquelle la situation s’emballe et devient irréversible…

1976, No Future ?

Ce roman est à la fois effrayant, bien plus réaliste qu’on ne le souhaiterait de la part d’une œuvre de fiction, et assez désespérant pour instiller chez le lecteur lucide un sentiment de colère bien légitime contre l’attitude infantile de ses semblables. Paru en 1972 aux États-Unis, La fin du rêve est exemplaire de notre capacité à fermer les yeux, que Gunther Anders avait baptisée le « décalage prométhéen » : nous participons tous à la catastrophe globale, mais nous en nions la responsabilité en raison de notre trop grande spécialisation : comment concevoir que le vendeur de jouets d’enfants encourage la pollution aux matières plastiques ? Que les utilisateurs de smartphones participent aux ravages de l’extractivisme ? Chaque ampoule restée allumée dans une pièce vide contribue à la dépense énergétique, chaque goutte de pesticide alimente la pollution des sols, etc… Sommes-nous vraiment innocents, individuellement, de la fonte des glaciers, de la chute de la biodiversité, des guerres liées à la surexploitation des ressources naturelles ? Certainement pas ! Philip Wylie en donne de nombreux exemples pendant trois cent pages, fait plus d’une allusion à une nécessaire décroissance et, un demi-siècle plus tard, nous prenons toujours l’avion comme on prend le bus, les industriels continuent à produire pesticides et autres polluants avec la bénédiction des gouvernements, on nous promet que les nouvelles technologies rétabliront l’Âge d’Or au mépris des conclusions de scientifiques de plus en plus inquiets… Cette chronique ressemble à un réquisitoire, mais c’est pourtant l’exact reflet de La fin du rêve… Restons optimistes, l’homme ne saurait être responsable de tout : dans le roman le plus fameux de Philip Wylie, Le choc des mondes, les ravages sont causés par une planète errante qui vient percuter la Terre…

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?