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La Forêt

Pierre Dubois (Scénariste), Jérôme Lereculey (Dessinateur), Emmanuel Civiello (Dessinateur), Aleksa Gajic (Dessinateur), Jean-Emmanuel Vermot-Desroches (Dessinateur), Etienne Le Roux (Dessinateur), Thierry Leprévost (Coloriste), Dominique Bertail (Dessinateur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 28/02/2005  -  bd
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La Forêt

Après les heures troubles du crépuscule dans le tome 1, c’est la forêt telle qu’elle apparaît dans les contes que Pierre Dubois explore et réinvente dans ce grimoire. A ce défricheur de rêve, pas moins de sept dessinateurs et un coloriste ont prêté leurs pinceaux.

Du merveilleux moyenâgeux…

Dans la droite lignée de la série Arthur, Lereculey illustre La Charmuzelle, une incarnation de la « male-bête », héritière du succube, une créature qui se pare des attraits féminins pour duper ses proies masculines qu’elle dévore. Les visages très expressifs expriment la détermination ou l’effroi des protagonistes et broderies et manuscrits enluminés relaient les vignettes en amplifications symboliques de la narration principale.
Dominique Bertail inscrit le conte Milloraine dans un univers plus naïf, il s’amuse avec les détails, soignant les motifs de la vêture et des draperies, prêtant aux créatures hideuses et aux êtres enchanteurs des allures de personnages de dessin animé et joue beaucoup avec la lumière : dorée pendant les ripailles insouciantes de la cour, elle tourne au verdâtre dans le marais et s’installe dans le mauve quand vient la nuit et l’épreuve avant que n’apparaisse le rayon qui souligne la soudaine illumination du chevalier. La nuit de ses noces, Gauvain est le sosie du prince des emballages des biscuits pour le goûter, le texte apparaît sur des oriflammes dont les extrémités interagissent parfois avec les personnages et même le mot fin détourne les clichés du Moyen Âge.

…Au folklorique exotique

Le conte qui ouvre ce recueil nous invite à découvrir les Leichy, habitants peu amènes des forêts russes. Un soir, l’un d’entre eux vient trouver Baba Babouchka pour qu’elle aide sa femme à accoucher. En récompense, il lui donne un sac plein d’or mais la curieuse Babouchka prélève en cachette un peu d’onguent mystérieux et s’en frotte les yeux, découvrant des choses que des yeux de mortel ne devraient voir. Thierry Ségur agence ses planches à sa guise, recourt régulièrement aux débords et enchâsse des cases de gros plans sur les visages dans des cases de dessins panoramiques. Les visions de Baba Babouchka avec ses scintillements et ses raffinements surnaturels parce que trop forcés sont moins réussies que les autres scènes où le pittoresque suscite l’attention amusée.
Mama Paduri nous entraîne en Roumanie où trois frères partent tour à tour chercher la fleur qui guérit tout pour leur mère mourante. Dans la plus pure tradition des contes, l’aîné et le puîné échoueront par excès d’assurance, de fierté ou d’ambition mais le modeste benjamin s’attirera la bienveillance des puissances supérieures. Aleksa Gajic dessine des personnages aux traits caricaturaux fort sympathiques, des bâtisses à l’architecture étrange très réussies, use habilement de la différence des plans, mais il est lui aussi moins convaincant quand intervient le surnaturel, son personnage de Mama Paduri frôle le kitch.
L’intrigue du Troll des forêts située dans les forêts septentrionales met elle aussi une fratrie au défi et voit le plus jeune et plus rusé triompher de la bêtise du troll. Le dessin de Jean-Emmanuel Vermot-Desroches assez caractéristique de la nouvelle école française crée les volumes par une accumulation des traits et imagine un troll monstrueux à souhait.

Des contes à marquer d’une pierre blanche

Chaque conte est précédé d’une page du Conteur où celui-ci, installé dans un décor bucolique, explique la genèse et l’histoire du personnage merveilleux à l’honneur dans les pages suivantes. La précision des traits et la teinte de ces images pleine page se réfèrent à la tradition des gravures illustrant les contes façon Gustave Doré. Les histoires sont loin d’être inédites mais le traitement est assez original. Le texte de Pierre Dubois est tour à tour lyrique, humoristique, faussement maniéré, inspiré et sautillant toujours. La page du Conteur s’apparente à une planche encyclopédique nous renseignant sur les figures tutélaires de l’imaginaire européen. La variété des dessins donne l’impression d’être en présence d’une assemblée de conteurs où chacun réinterprète à sa manière les histoires millénaires, ravivant par des détails colorés, des traits d’humour ou des précisions effrayantes, l’attention de l’auditoire. Petit Poucet rêveur, Pierre Dubois égrène dans sa course cinq petits cailloux retaillés par les dessinateurs complices et ré-enchante les sentiers balisés de la forêt des contes.

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